Le Nigeria entame son troisième jour de grève générale. Dans un même temps, les violences interreligieuses ne cessent d’augmenter et plusieurs morts ont été enregistrés dans le Nord musulman et le Sud chrétien. Mardi, les manifestations contre la hausse du prix de l’essence n’ont pas connu d’incidents graves contrairement à celles de la veille. Mais le risque d’embrasement est omniprésent.
Le Nigeria en est à son troisième jour de grève générale. Un géant de l’Afrique presque totalement paralysé. Des milliers de personnes protestent dans plusieurs villes contre la hausse du prix du carburant, passé de 0,30 euro le litre à près de 0,66 euro. En cause, la décision du gouvernement de supprimer les subventions des produits pétroliers devenues, selon lui, insupportables pour le budget de l’Etat. Hormis quelques publicités pro-gouvernementales publiées mardi dans la presse locale, indiquant que Goodluck Jonhatan est le seul président à avoir tenu ses promesses, le gouvernement se fait bien discret depuis le début de la grogne sociale. Une colère de la rue dans laquelle est venue se mêler la lassitude de la pauvreté et de la corruption.
Une décision contestée
Le Nigeria ne peut plus assurer les subventions des produits pétroliers permettant de soutenir le prix du carburant à la pompe à un niveau raisonnable. En 2010, la mesure avait coûté 4 milliards de dollars à l’Etat. Mais l’année dernière, ce chiffre est passé à 8 milliards de dollars. Une augmentation qui s’explique, selon Le Figaro, par la « corruption délirante d’une partie des élites et la gloutonnerie des importateurs ». Etonnant pour le deuxième producteur de brut africain. Et malgré ses deux millions de barils par jour, le voici qui importe la majorité de son carburant. La faute est due en grande partie aux sociétés de raffineries. Avec la suppression des subventions, le gouvernement espère un retour de la concurrence.
Nul doute que les contestations étaient attendues. Le pétrole est un sujet sensible au Nigeria où plus de la moitié de la population (70%) ne vit qu’avec 2 dollars, à peine, par jours. Et pour elle, augmentation du prix du carburant rime avec augmentation des produits de base. Mais alors que les manifestations contre la hausse du prix du carburant s’enchaînent depuis lundi, les violences entre communautés chrétienne et musulmane suivent la cadence.
Risque de guerre civile
Le mitraillage d’un bar mardi, dans le nord, par des islamistes présumés, a coûté la vie de huit personnes, dont cinq policiers. Le même jour, trois chrétiens ont été tués dans un village par des hommes armés. Et dans le sud, en moins de 24h, deux attaques de mosquées ont fait cinq morts et provoqué la fuite de milliers de musulmans.
Déjà en 2010, les violences entre les communautés musulmane et chrétienne du Nigeria ont fait des centaines de morts. Cette fois-ci, ce sont les attaques de Noël, ayant fait 40 morts dont 35 dans une église, près d’Abuja, qui ont ravivé les flammes d’une tension latente. En représailles, six enfants âgés de 5 à 8 ans et un adulte ont été blessés dans l’attaque contre une école coranique de Sapele dans le sud, une zone dominée par les chrétiens. Le président Jonathan juge la situation comme étant « pire que la guerre civile », en référence à la guerre sécessionniste du Biafra (1967-1970).
Des écrivains nigérians craignent un embrasement de la situation. Le prix Nobel de littérature nigérian Wole Soyinka a donné raison à M. Goodluck Jonathan, en estimant que son pays « se dirigeait vers une guerre civile ». Il accuse par ailleurs les politiques d’attiser les tensions ethnico-religieuses.
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