Le Nord-est du Nigeria, déjà ravagé par les violences djihadistes, a de nouveau été le théâtre d’affrontements meurtriers. Selon des sources militaires, au moins neuf soldats nigérians ont perdu la vie lors de combats avec des combattants de Boko Haram, survenus mardi, à quelques jours d’un massacre brutal perpétré par un autre groupe djihadiste, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). Ces combats soulignent l’intensité de la violence dans cette région, où plusieurs groupes terroristes se livrent une lutte féroce pour le contrôle des territoires.
Une attaque violente après un massacre de fermiers
Les affrontements ont eu lieu le mardi 14 janvier, soit deux jours après que des dizaines d’agriculteurs aient été tués par des membres de l’ISWAP. L’attaque s’est déroulée près des rives du lac Tchad, dans l’État de Borno, une zone déjà habituée aux violences de la part des groupes djihadistes. Les fermiers avaient été tués pour avoir prétendument violé les frontières territoriales de l’ISWAP, un groupe qui se bat depuis plusieurs années contre Boko Haram pour étendre son influence dans la région.
Les soldats tués faisaient partie d’une unité en déplacement, en route vers la ville de Baga, lorsqu’ils ont été attaqués par les insurgés. Ils revenaient du village de Tumbun Kanta, où ils étaient intervenus pour aider les habitants à enterrer les corps des fermiers tués lors de l’attaque de l’ISWAP. Ce village et le voisin Kwatar Yobe avaient été le théâtre de l’un des massacres les plus sanglants ces derniers mois, avec un bilan officiel de 40 morts, bien que des sources locales et des milices anti-djihadistes évoquent un nombre de victimes bien plus élevé, pouvant atteindre plus de 100 décès.
L’embuscade de Boko Haram
Les militaires, pris en embuscade par Boko Haram, ont été lourdement frappés. Selon les informations rapportées par les officiers militaires, sept soldats ont été tués sur place, tandis que deux des trois blessés sont décédés ultérieurement à l’hôpital. Un soldat supplémentaire a été blessé mais a survécu. Quant à Boko Haram, les autorités n’ont pas précisé si le groupe avait subi des pertes lors des affrontements.
Les attaques ont eu lieu après un geste surprenant de la part de Boko Haram. Le groupe, bien que souvent hostile aux populations locales, avait autorisé les habitants à se rendre à Tumbun Kanta et Kwatar Yobe pour procéder à l’enterrement des victimes de l’ISWAP. Ce geste visait à éviter que les corps en décomposition ne créent un risque sanitaire pour les populations environnantes. Cependant, c’était en réalité une stratégie pour tendre une embuscade aux soldats, qui étaient en mission pour sécuriser le site.
Guerre interne entre groupes djihadistes
L’attaque survenue mardi s’inscrit dans un contexte complexe de rivalité entre Boko Haram et l’ISWAP. Depuis leur scission en 2016, ces deux groupes djihadistes se livrent une guerre sans merci pour contrôler les territoires du nord-est du Nigeria, notamment autour du lac Tchad. Cette lutte fratricide a conduit à de nombreux massacres de civils et à des déplacements massifs de populations, exacerbant la crise humanitaire dans la région. Les deux factions diffèrent sur la manière de mener leur guerre sainte et leur relation avec Al-Qaïda et l’État islamique.
En 2009, Boko Haram a lancé une rébellion violente contre le gouvernement nigérian, un conflit qui a fait plus de 40 000 morts et forcé près de deux millions de personnes à fuir leurs foyers. L’arrivée de l’ISWAP, après sa séparation avec Boko Haram, a aggravé la situation, avec une multiplication des attaques ciblant à la fois les civils et les forces de sécurité.
Conséquences pour les civils
Au-delà des pertes militaires, la population locale continue de payer un lourd tribut. Le nord-est du Nigeria est plongé dans une insécurité chronique, avec des villages régulièrement attaqués, des personnes enlevées, et des infrastructures essentielles détruites. Des dizaines de milliers de personnes vivent dans des camps de déplacés, fuyant les affrontements entre ces deux groupes rivaux et les attaques militaires.
Les autorités nigérianes, aidées par les forces armées de plusieurs pays voisins, tentent de contenir l’extension de ces groupes terroristes, mais les résultats demeurent mitigés. La région reste l’une des plus dangereuses d’Afrique, avec des attaques qui se multiplient contre les civils, les soldats et les membres des milices locales.
Un avenir incertain
À mesure que la violence continue de s’intensifier, la situation devient de plus en plus compliquée. La rivalité entre Boko Haram et l’ISWAP semble loin de se résorber, et les pertes humaines, tant civiles que militaires, continuent d’affluer. L’armée nigériane, bien que renforcée par des efforts internationaux, peine à sécuriser les zones sous contrôle de ces groupes djihadistes.