Le scrutin présidentiel et législatif du 21 avril a été maintenu par La Commission électorale nationale et les principaux partis d’opposition y participeront. Trois candidats partent favoris. Umaru Musa Yar’Adua, le dauphin que s’est choisi le président sortant Olusegun Obasanjo, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, l’adversaire que le pouvoir a vainement tenté d’écarter et Muhammadu Buhari, le candidat du principal parti d’opposition au Nigeria.
Les élections présidentielles auront bel et bien lieu ce samedi au Nigeria. C’est la première fois, depuis son indépendance en 1960, que le pouvoir sera transmis de civil à civil dans ce pays. Le premier producteur de pétrole en Afrique subsaharienne. La Commission électorale nationale (INEC) a maintenu le scrutin en dépit des menaces de boycott, brandies mardi dernier, par les dix-huit partis d’opposition. Elles faisaient suite aux violences qui ont suivi l’annonce des résultats des élections locales du 14 avril dernier dont ils ont réclamé l’annulation en échange de leur participation aux futures présidentielles et législatives. Des élections locales où le parti au pouvoir, le Peoples Democratic Party (PDP) a remporté 26 des 33 états dont les résultats ont été publiés. L’opposition estime que le parti du président sortant, Olusegun Obasanajo, a été favorisé par l’INEC. Avis que partage les observateurs nationaux qui ont demandé l’annulation du scrutin dans dix états. Ils le sont déjà dans deux autres états. Les observateurs internationaux ont également constaté des irrégularités dans le déroulement de ce scrutin.
Le dauphin, l’ennemi et l’opposant
Les deux principaux opposants ont cependant affirmé jeudi leur intention de participer à ces présidentielles. A savoir Atiku Abubakar, l’ancien vice-président et désormais ennemi juré d’Olusegun Obasanjo, avec lequel il avait été élu en 1999 et 2003, et qui a depuis rejoint les rangs de l’opposition sous la bannière du Action Congress (AC). Même son de cloche chez le leader du All Nigeria Peoples Party (ANPP), Muhammadu Buhari. Ces candidats et le dauphin du président Obasanjo, Umaru Musa Yar’Adua, sont les trois favoris du scrutin de samedi prochain.
Le candidat du PDP, est né à Katsina Town en 1951 dans l’état de Katsina dont il est le gouverneur depuis sept ans (élu en 1999 puis en 2003). Cet ancien professeur de chimie à Polytechnique est issu d’une famille de l’aristocratie de la région. Son père a été ministre au sein de l’administration nigériane postcoloniale et son défunt frère aîné, Shehu Musa Yar’Adua a été le vice-président du président Obasanjo lorsqu’il accède au pouvoir en 1976 pour le céder, trois ans plus tard, aux civils. Umaru Musa Yar’Adua est entré officiellement dans l’arène présidentielle les 16 et 17 décembre 2006 lors du congrès de son parti. Il avait alors récolté 3024 votes, un succès dont Olusegun Obasanjo a été le principal artisan. Le président nigérian aurait menacé dix candidats potentiels du parti à la magistrature suprême de faire d’eux l’objet d’enquêtes de l’Agence gouvernementale de lutte contre la corruption (EFCC) pour les obliger à soutenir la candidature de son poulain.
L’heure d’une alternance politique entre le nord et le sud
Une façon pour lui de garder les rênes du pouvoir, même après son départ. Discret, réservé, très humble et un tantinet autoritaire, Umaru Musa Yar’Adua serait pourtant loin d’être un homme que l’on peut aisément manipuler. Ses atouts politiques : son intégrité dans un pays rongé par la corruption. Prudent dans la gestion des deniers publics, il l’est l’un des rares gouverneurs nigérians à ne pas faire l’objet d’une enquête de la EFCC et à avoir déclaré son patrimoine lors de ses différentes prises de fonction. Il ne fait néanmoins pas l’unanimité dans le nord où il n’est pas très populaire chez les haoussas, la majorité ethnique qui constitue cette partie du pays.
L’autre favori, celui à qui Umaru Musa Yar’Adua a ravi la place est Atiku Abubakar, l’ancien vice-président d’Olusegun Obasanjo destitué de ses fonctions alors qu’il était en vacances aux Etats-Unis. Ecarté du PDP, dont il est l’un des membres fondateurs, sa candidature aux présidentielles est interdite par l’EFCC. Il a été accusé d’avoir détourné 125 millions des caisses du PDP pour ses propres affaires. Son nom figurait dans une liste, publiée par l’Agence, recensant des personnalités inaptes à exercer un mandat politique parce qu’impliquées dans des affaires de corruption. Pourtant lundi dernier, la Cour suprême l’a réintégré dans la course à la présidence. Seulement, il n’aura pas eu le temps de faire campagne et la décision de de la police nigériane, le lendemain, d’interdire les meetings politiques a renforcé son handicap.
La fin de la violence politique au Nigeria ?
Atiku Abubakar est né le 25 novembre 1946 à Jada dans l’état de l’Adamawa (nord) et devient orphelin à l’âge de huit ans. Après une carrière de 20 ans au sein de l’administration douanière, il la quitte en 1989 pour le monde des affaires. L’homme d’affaires est présent, entre autres, dans le secteur pétrolier, des assurances et dans la presse écrite. Sa carrière politique démarre dans les années 80 lorsque le General Shehu Musa Yar’Adua, le frère de son principal concurrent, lance une nouvelle formation politique quand Obasanjo quitte le pouvoir en 1979. Le People’s Front of Nigeria (PFN) est alors né, il deviendra ensuite le Social Democratic Party (SDP) sous l’impulsion de Bubakar avant de devenir le PDP. Atiku Bubakar sera l’un des piliers de la machine électorale qui permettra à Olusegun Obasanjo de gagner les élections de 1999 puis de 2003. Son seul tort est d’avoir osé tenir tête, en 2006, à Obasanjo quand il a voulu amender la Constitution pour briguer un troisième mandat. L’ancien vice-président est pour une alternance politique entre le nord et le sud, un sud qu’a représenté, selon lui, Obasanjo pendant dix ans. L’homme, contrairement à Umaru Musa Yar’Adua, est assez populaire dans le nord.
Enfin, le dernier est Muhammadu Buhari. Le leader du principal parti d’opposition nigérian, l’ANPP, s’est présenté en 2003 face à Obasanjo. Le retour d’Atiku Abubakar dans la course à la présidence nuit gravement à ses chances d’accéder au pouvoir. Ce général est perçu par les Nigérians comme un homme discipliné et prudent. Il est lui aussi très populaire dans le nord mais les chrétiens craignent son rigorisme religieux. Le militaire, qui a vu le jour le 17 décembre 1942 à Daura, a lui aussi un point commun avec Umaru Musa Yar’Adua. Ils sont tous deux originaires de la région de Katsina. Quant aux trois présidentiables, ils partagent leur foi en l’islam et leur origine nordiste. Le 21 avril 2007 sera certainement une date importante dans la vie politique nigériane. Le jour où 61,5 millions d’électeurs nigerians ont eu la possibilité de faire définitivement leurs adieux aux régimes militaires et de renouer avec une vie politique plus paisible. Y parviendront-ils seulement dans un climat socio-politique envenimé par les élections locales du week-end dernier ?