Pour protéger l’industrie pétrolière, un sénateur nigérian propose d’interdire l’importation des véhicules électriques. Cette décision absurde fait bien penser à la fiction imaginée par l’économiste Bastiat dans laquelle des vendeurs de chandelles souhaitaient interdire le soleil.
Dans son article, Feyisade Adeyemi, s’insurge contre ces décisions qui n’ont pas de sens et surtout contre cette illusion sur les bienfaits du protectionnisme. Repousser l’électrique dans un pays d’Afrique inondé de soleil…. Chercher l’erreur.
Le scénario rappelle étrangement Frédéric Bastiat, économiste français, dans son texte satirique sur la pétition des fabricants de chandelles pour interdire le soleil. C’était une manière imagée de nous faire comprendre le ridicule des marchés protégés. Aujourd’hui, le vice-président du Sénat nigérian demande au Nigéria d’empêcher la vente de voitures électriques pour protéger l’industrie pétrolière.
Cette proposition pour le moins saugrenue vient en réponse à une proposition du sénateur Ben Murray Bruce de supprimer progressivement les voitures à combustibles fossiles au Nigeria d’ici 2035. L’argument du sénateur Bruce est fondé sur des considérations écologiques, mais l’argument du premier est fondé sur la vague notion de protectionnisme. Pourtant, d’évidence, l’industrie pétrolière nigériane ne pourra prospérer que sur un marché libre.
Le clin d’œil de Bastiat pour mieux comprendre l’absurde
En 1845, Fréderic Bastiat a écrit une satire sur la pétition des fabricants de chandeliers visant à interdire le soleil pour protéger leur commerce. Des chandeliers et d’autres producteurs de lumière artificielle ont demandé aux législateurs français d’interdire le soleil. Ils voulaient que les maisons soient construites sans fenêtres et celles qui le sont doivent être murées, afin que la lumière du soleil ne pénètre pas. Ils pensaient que cela ne laisserait aux gens pas d’autre choix que d’acheter des bougies pour éclairer leurs maisons et que l’économie recevrait un formidable élan à mesure que la demande de bougies et de lanternes augmenterait, ce qui boosterait parallèlement la demande d’huile, de coton et autres substituts proches. Ils ont alors rappelé aux législateurs qu’ils avaient adopté des lois similaires pour interdire certains produits.
Ce n’était évidemment pas possible. Les législateurs ne peuvent pas interdire le soleil pour satisfaire les requêtes des chandeliers. Cette situation absurde caricature l’impact que peut avoir la protection des intérêts d’un groupe de producteurs plutôt que de permettre une concurrence profitable à tous les consommateurs. Dans une économie de marché, les gens optent pour ce qui est le mieux pour eux et c’est bien plus profitable à l’économie que le protectionnisme qui n’est finalement qu’une simple vue de l’esprit. Il est vrai que plusieurs pays envisagent déjà de mettre fin à la production de voitures à carburant fossile, croyant qu’elles nuisent à l’environnement et aux humains. Leur alternative est la voiture électrique, qui utilise une énergie plus propre, même si l’énergie renouvelable comporte également ses propres risques environnementaux.
L’idée pourrait devenir un problème plus important si les pays essayaient d’imposer de telles réformes par le biais d’une loi. Ça obligerait de nombreuses entreprises qui fabriquent des produits à base de combustibles fossiles à cesser leurs activités et que des milliers, voire des millions, de personnes perdraient leur emploi.
Soulignons que l’énergie solaire devient peu à peu la principale source d’énergie pour l’avenir, surtout dans un pays tropical comme le Nigéria. Ainsi, toute politique visant à contrecarrer les voitures électriques sera implicitement une tentative d’interdire le soleil comme source d’énergie.
En plus, le sénateur Ekweremadu ne s’arrête pas là. Non seulement il empêche la vente de voitures électriques pour protéger l’industrie pétrolière, mais il se contredit en affirmant haut et fort que les Nigérians ont la liberté de choisir entre des voitures à combustibles fossiles er des voitures électriques. Si les Nigérians sont libres de choisir, pourquoi alors tenter d’interdire juridiquement la vente de voitures électriques sur le marché?
Une alternative au marché libre?
Nombreux sont ceux qui croient que le marché libre supprime toute législation et tout contrôle de l’État. Bien au contraire, les marchés libres reposent sur le respect des contrats et sur l’état de droit. Ils ne peuvent en effet pas survivre sans le respect des règles. Le marché libre recherche l’équité en offrant des opportunités à tous les entrepreneurs potentiels. Il ne peut s’accommoder de lois visant à imposer la fermeture des marchés aux concurrents potentiels sans raison valable. Et comme John Locke le soulignait : «Là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas de liberté».
Dans une économie de marché, les constructeurs de voitures électriques et les constructeurs de voitures à combustibles fossiles commercialisent leurs produits sur un marché ouvert où les consommateurs décident lequel répond le mieux à leurs besoins. En l’absence de toute mauvaise réglementation ou de copinage, les prix et le choix permettent au marché d’identifier le meilleur concurrent possible, tandis que le consommateur bénéficie de produits de première qualité au moindre coût.
Le libre-échange repose sur la coopération volontaire, non par le recours à la coercition, notamment par le biais de la législation. La pétition des chandeliers le prouve clairement. Cette idée est corroboré par le proverbe Yoruba (tribu de l’Afrique de l’Ouest) qui dit : « Owo kii fun owo lorun », ce qui signifie qu’un commerce ne nuit pas à l’autre. Le sénateur Ekweremadu devrait ainsi ouvrir les yeux et le marché !
Feyisade Adeyemi est directeur académique à African Students for Liberty. Article initialement publié en anglais par African Liberty – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 11 septembre 2019.