Le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger, qui s’en prend depuis le 22 décembre dernier aux stations de pompage de Shell au Nigeria, a annoncé mercredi s’être attaqué aux structures de Total et d’Agip. Les activistes ont enlevé quatre personnes et prétendent se battre pour le partage équitable des richesses de la région et la libération de Dokubo Asari, le leader de la Force des volontaires du peuple du delta du Niger. Mais son mouvement s’est désolidarisé des actions récentes.
« Nous avons décidé de ne pas limiter nos attaques à Shell puisque notre objectif ultime et d’empêcher le Nigeria d’exporter du pétrole. Nous allons attaquer toutes les compagnies, Chevron inclus». C’est ce qu’a fait savoir mercredi le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger, en même temps qu’il annonçait avoir attaqué des plates-formes pétrolières appartenant à Total et Agip. Des attaques aussitôt démenties par les pétroliers français et italiens. Le groupe était inconnu jusqu’à la revendication d’un attentat qui a provoqué l’explosion d’un oléoduc et la mort de huit personnes le 22 décembre dernier. C’est lui qui est à l’origine de l’assaut de la station de pompage Shell de Beniside, près de Port Harcourt, dimanche dernier, et qui a forcé Shell à évacuer 330 ouvriers de quatre de ses stations. L’agression s’est officiellement soldée par la mort de cinq militaires et la disparition de neuf autres, selon un porte-parole de l’armée nigériane, ainsi que par l’enlèvement de quatre membres du personnel de la compagnie anglo-néerlandaise.
« Les résidences des employées peuvent craindre des attaques. Nous savons où ils vivent, où ils fonds leurs courses et où leurs enfants sont scolarisés », a menacé le groupe dans un communiqué diffusé par BBC.com. Moins brutal, « nous avons prévenu tout le personnel étranger travaillant sur les plates-formes pétrolières qu’il était dans leur propre intérêt de quitter le delta du Niger », a indiqué à Irin Brutus Etikpaden, qui se présente comme le leader du groupe. Nous voulons contrôler notre pétrole et nous voulons la libération de Dokubo-Asari », a-t-il ajouté.
Un accord de paix au point mort
Alhadji Mujahid Dokubo Asari est le leader de la Force des volontaires du peuple du delta du Niger (Niger delta People’s Volunteer Force, NDPVF). Le mouvement se bat depuis des années pour un partage équitable des richesses, dans le delta du Niger, le lieu d’affrontements interethniques et de violences contre les compagnies pétrolières étrangères depuis des années. Le 1er octobre 2004, un accord a été conclu entre les milices de cette région et le Président Olusegun Obasanjo, qui prévoyait leur « démantèlement » et leur « désarmement », ainsi qu’une cessation des hostilités entre elles. De son côté, l’Etat reconnaissait comme un problème « identifié » « la revendication du peuple Ijaw (…) pour le contrôle des ressources et l’autodétermination des Ijaws », mais strictement « dans le cadre d’une Confédération nigériane juste et équitable ». Le tout devait être discuté au cours d’une « conférence nationale ». Mais Dokubo Asari a été arrêté et détenu pour trahison, en septembre dernier, pour des propos tenus dans une interview, et l’accord est au point mort.
Dans un communiqué, le NDPVF s’est dissocié de l’enlèvement des quatre ouvriers étrangers et des dernières destructions dans les stations de pompage, demandant aux initiateurs de cesser l’une et l’autre de leurs activités. « Ces actes, poursuit le texte, dont le quotidien nigérian Vanguard a publié des extraits, ne peuvent être perçus comme un geste dans les efforts pour réclamer la libération d’Alhaji Mujaheed Dokubo Asari ». Dans le même temps, Dan Ekpebide, l’un des leaders du NDPVF, prévient le gouvernement que la paix qui prévaut dans la région de Warri ne sera définitive qu’une fois les accords d’octobre 2004 appliqués. Et que toute tentative de les ignorer signifierait le retour de la violence avant 2007, année électorale au Nigeria.
Le delta du Niger est la principale zone de production pétrolière du Nigeria, sixième exportateur mondial et premier producteur d’Afrique avec 2,5 millions de barils par jour. Shell, qui contrôle un peu moins de la moitié de cette production, a, selon Reuters, baissé sa production de 226.000 barils par jour. Il avait déclaré un cas de « force majeur » et prévenu qu’il ne pourrait pas tenir ses engagements vis-à-vis de ses clients.