Le paysage audiovisuel nigérian, ouvert depuis 1992, semble devoir affronter sa première grave crise avec la brutale aggravation de la situation financière des entreprises du groupe Daar Communication, dirigé par Chief Dokpesi.
La première radio FM privée, Ray Power, a été fondée en 1994, et après avoir émis dans les régions de Lagos, Abuja et Port Harcourt, elle avait désormais passé des accords de reprise avec les radios de tous les états de la fédération nigériane qui diffusaient pour la plupart quelques heures par jour son programme essentiellement musical, et plutôt tourné vers les jeunes. A cette première station était venu s’ajouter une déclinaison différente, Ray Power 2, entendue sur Lagos, Abuja et Kano.
Parallèlement à Ray Power, Chief Dokpesi avait fondé en 1995 la première télévision privée du Nigéria, AIT, African Independant Television, qui est aujourd’hui l’une des dix télévisions hertziennes du pays, seule à émettre sur tout le territoire grâce à un réseau de 24 télévisions locales qui la relaient, et reprise jusque dans plusieurs pays d’Europe par certains bouquets satellite. C’est aussi, accessoirement et surtout, la télévision la plus populaire et la plus regardée au Nigéria.
C’est apparemment son expansion rapide et volontariste qui a fragilisé l’économie du groupe, les frais de diffusion ayant tendance à exploser. La presse de Lagos n’a pas hésité ces dernières semaines à traiter Chief Dokpesi de » mégalomane « ou de » rêveur « . Il faut dire que l’ardoise actuelle de Daar Communication se monterait à un milliard de Naira (soit 60 millions de francs français). C’est dans ces conditions que le 2 mars, une décision de justice donnant raison à ses créanciers a prononcé la liquidation de ces sociétés, y apposant des scellés, et les empêchant ainsi de poursuivre leurs émissions.
Une belle ardoise
Plaidant l’illégalité de la nomination d’un liquidateur, Chief Dokpesi a rallié à son point de vue la Haute Cour de justice, qui a autorisé les différents médias concernés à rouvrir leur antenne le 20 mars, remettant dans un premier temps à avril le moment d’une décision difficile à prendre. Fin mai, l’audience ne s’est toujours pas tenue, et le juge en charge du dossier vient d’être remplacé.
Un vaste collectif de défense s’est constitué, qui s’est donné pour but de réunir les fonds nécessaires au remboursements des dettes du groupe Daar Communication, cause qui mobilise artistes, diffuseurs, banques… et simples téléspectateurs ! Le montant même des dettes permet de mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir. Elle n’est pourtant pas hors d’atteinte, si l’on considère la vraie popularité dont bénéficient encore cette télévision et ces radios, pionnières, au Nigéria…Laissera-t-on s’installer un écran noir à la place de la première chaîne privée du pays ? La décision est probablement aussi politique qu’économique ou technique, et c’est bien la raison du sursis dont bénéficie actuellement leur diffusion…