Nigeria : le mouvement « End Bad Governance » en pause jusqu’en octobre ?


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Asiaju Bola Ahmed Tinubu
Asiaju Bola Ahmed Tinubu, Président du Nigeria

Après les manifestations de ce samedi, le mouvement de protestation contre la vie chère au Nigeria baptisé « End Bad Governance » prend une pause. En attendant une reprise éventuelle en octobre.

Le mouvement de protestation contre la vie chère qui secoue le Nigeria depuis le 1er août s’est arrêté comme prévu au bout de 10 jours. Les dernières marches ont eu lieu dans le pays ce samedi.

Un mouvement de colère et une répression sanglante

La population nigériane est en colère en raison de l’inflation galopante aggravée par les réformes initiées par le Président Bola Tinubu. En décidant de suspendre les subventions accordées depuis des décennies par l’État au prix du carburant pour le rendre accessible aux populations de ce pays producteur d’or noir, le nouveau Président a, de fait, aggravé les difficultés de la majorité de ses concitoyens qui avaient déjà de la peine à joindre les deux bouts. Dans un pays où le salaire mensuel minimum était de 30 000 nairas soit environ 17 euros, la hausse vertigineuse des prix induite par la suspension des subventions sur le carburant est une catastrophe.

Si Bola Tinubu estime que cette mesure va soulager l’économie nationale d’une lourde charge qui pèse depuis des décennies, il fonce tête baissée là où ses prédécesseurs ont dû rebrousser chemin. En effet, il minimise sans doute les graves conséquences d’une telle décision sur la majorité de ses concitoyens dont les revenus stagnent. Il s’agit là d’une mesure qui ne peut qu’être impopulaire. L’augmentation du salaire minimum qui passe de 30 000 à 70 000 nairas n’a presque rien changé dans le vécu des populations, tant l’inflation est forte. Pour rappel, en juin, le taux d’inflation avait atteint le niveau record de 34.19% dans le pays. L’inflation des denrées alimentaires, elle, a dépassé 40.87%. D’où les manifestations de colère pour exiger du Président Tinubu qu’il mette fin à la souffrance et à la faim.

Mais le gouvernement, a organisé une répression sanglante qui a coûté la vie à pas moins de 21 personnes selon le bilan d’Amnesty International.

Émeutes et couvre-feu au nord

Le mouvement de contestation s’est étendu dans plusieurs États du nord du Nigeria où il a pris la forme de véritables émeutes. Des vidéos montrant des manifestants envahissant les rues de Zaria dans l’État de Kaduna ou pénétrant par effraction dans un magasin d’alimentation dans la même ville ont circulé sur les réseaux sociaux. L’ampleur des manifestations dans cette partie du pays était si forte que les autorités ont dû instaurer un couvre-feu dans les États de Borno, Kano, Yobe, Jigawa, Katsina, Plateau et Kaduna.

La violence de la répression, a comme c’est souvent le cas en de pareilles circonstances, occasionné la mort de quelques personnes qui n’étaient même pas sur les lieux de manifestations. C’est le cas de Abbas Kabiru, un jeune homme de 36 ans, atteint par balle depuis sa maison à Rigasa, localité située dans la banlieue de Kaduna. C’est également le cas de Ismaïl Muhammad, 16 ans, transpercé par deux balles, l’une dans le cou et l’autre dans le dos, selon le témoignage de son père. Le jeune garçon, qui vivait avec sa famille à Samaru (État de Kaduna), était loin des lieux de manifestations quand il a été touché.

Tinubu doit aller au-delà des discours

Face à la forte tension, Bola Tinubu a lancé, dimanche dernier, un appel au calme et annoncé l’ouverture d’un dialogue avec les contestataires. Mais, cet appel n’a pas eu l’effet escompté, puisqu’il n’a pas pu empêcher les manifestants de descendre à nouveau dans les rues. Néanmoins, vers la fin, l’ampleur des manifestations a diminué, les manifestants étant découragés par la violence de la répression. Au-delà de la vingtaine de personnes tuées, au moins 700 manifestants ont été mis aux arrêts. Malgré tout cela, les manifestations pourraient bien reprendre en octobre prochain.

Pour ne pas en arriver là, le Président Bola Tinubu devra aller au-delà de simples discours et faire de réelles propositions à une population qui a faim et ne demande qu’à avoir au moins trois repas quotidiens et à satisfaire ses autres besoins fondamentaux. Le Nigeria, géant pétrolier, a sans doute les moyens de cette politique s’il arrive à réfréner considérablement la corruption qui est très présente et à faire une gestion plus rationnelle de ses ressources. C’est tout ce que réclament les Nigérians.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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