Le Mouvement pour l’Emancipation du Niger va reprendre le combat et les attaques qu’elle mène contre les industries installées dans la région pétrolifère du Delta du Niger à compter de samedi. La principale faction rebelle du Nigeria a levé jeudi le cessez-le-feu qu’il s’était imposé fin juin. Les déclarations du Premier ministre anglais Gordon Brown semblent être à l’origine de ce revirement.
La trève est terminée dans le Delta du Niger. Le Mouvement pour l’Emancipation du Niger (MEND), l’organisation rebelle la plus importante du Nigeria, a déclaré jeudi la fin du cessez-le-feu unilatéral décrété le 24 juin dernier. La rébellion a parlé d’une « reprise des hostilités » samedi 12 juillet dès minuit, dans un communiqué de presse. Le mouvement entend lutter pour une meilleure redistribution des revenus du pétrole aux populations du Delta du Niger. Ils sont évalués à 20, 2 milliards de dollars (2,34 trillions de nairas) par le gouvernement fédéral. Une manne dont le Delta du Niger, région du Sud du Nigeria qui concentre les ressources pétrolières du pays, ne profite pas beaucoup. La majorité de la population y vit avec moins d’un dollar par jour.
Le MEND a également menacé les intérêts de la Grande-Bretagne et les ressortissants britanniques vivant au Nigeria. Cet avertissement survient au lendemain des déclarations de Gordon Brown, le Premier ministre anglais qui, en marge du G8, a proposé au gouvernement nigérian une aide militaire pour combattre les violences récurrentes dans le Delta du Niger. Lors d’une entrevue avec le président nigérian Umaru Yar’adua, il a dit vouloir « lutter contre l’anarchie dans la zone et aider le Nigeria à exploiter au mieux son potentiel pétrolifère ».
Un Delta sous tension
Le Delta est le théâtre d’attaques régulières qui s’intensifient depuis deux ans. La majorité d’entre elles sont revendiquées par le MEND. Le mois dernier, la plus grande installation off-shore, située au Bonga, à 120 km des côtes nigériannes, a été la cible de ces rebelles. Elle produit 200 000 barils par jour. Le groupe néerlandais Shell, propriétaire de ces oléoducs, a suspendu temporairement sa production en signe de protestation. Quelques jours plus tard, le 24 juin, les miliciens ont décrété une trêve « pour donner une nouvelle chance à la paix ». Les propos de Gordon Brown semblent avoir été perçus comme une provocation. La rébellion n’entend pas en rester là. Le MEND s’est déclaré prêt à « ruiner l’industrie du pétrole ».
Le Sud du pays abrite nombre d’exploitations de gaz et de pétrole. Dans son communiqué, le MEND avance que « l’exploitation pétrolière permet de développer certaines parties du Nigeria au détriment de l’environnement du Delta du Niger ». Selon eux, la Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a sa part de responsabilités dans cette situation. Elle avait, avant l’indépendance du Nigeria, « donné du poids à certains secteurs » causant ainsi « la marginalisation et l’exploitation de la région et de ses habitants ».
La paix semble désormais compromise
Ce revirement intervient au moment où les autorités nigérianes projetaient l’organisation d’un « sommet » rassemblant tous les acteurs du conflit. Les autorités fédérales avaient l’intention de réunir les multinationales pétrolières, les factions rebelles et les représentants des communautés locales. Sécurité et difficultés d’approvisionnement du marché mondial étaient à l’ordre du jour. Le président nigérian avait alors assuré que le sommet aurait lieu « d’ici huit semaines » au plus tard et qu’il permettrait un retour de la paix sous trois ans. C’était sans compter, avant la déclaration de guerre du MEND, la démission d’Ibrahim Gambari, l’ancien ministre nigérian des Affaires étrangères et fonctionnaire des Nations-Unies. La majorité des ethnies des Etats du Delta ont refusé sa médiation.
S’il semble désormais compromis, ce sommet est cependant décisif pour pacifier la région. Selon le président Yar’adua, les vols de pétrole brut, le trafic qui en émane, les sabotages d’oléoducs ainsi que les enlèvements d’employés du secteur, sont à la base de l’instabilité de la région et contribuent à la flambée des prix du pétrole. Le Nigeria, en avril dernier, a perdu sa place de premier pays africain exportateur d’or noir au profit de l’Angola, plus stable politiquement. Aujourd’hui, il ne produit plus que 2 millions de barils par jour, contre 2,5 millions il y a deux ans encore.
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