Nigeria : la fin programmée de Makoko, le bidonville sur pilotis


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Makoko
Makoko

L’état de Lagos a décidé d’en finir avec le célèbre bidonville de Makoko, devenu un épineux problème humain et environnemental. Les démolitions ont commencé le 12 juillet dernier, rythmées par un meutre et les protestations des habitants pour qui aucun plan de relogement n’a été prévu. Pour le gouverneur Babatunde Raji Fashola, la réhabilitation de la capitale économique Lagos, est une priorité absolue.

Soixante-douze heures pour quitter Makoko, avant la destruction de leurs habitations de fortune. C’est l’ultimatum lancé par l’état de Lagos, qui abrite la dynamique Lagos, le 12 juillet dernier aux populations du célèbre bidonville sur pilotis. Certains ont déjà tout perdu et ont dû trouvé refuge ailleurs, entre autres dans leurs barques en bois qui servent généralement de moyen de locomotion dans la zone. Felix Morka, le responsable d’une organisation qui assiste les résidents de Makoko, a confié à l’agence Associated Press qu’une destruction totale du bidonville ferait 100 000 sans-abri dans la capitale économique du Nigeria.

Un assassinat et pas de plan de relogement

Ce n’est pas la première fois que l’état de Lagos tente d’obliger les résidents de Makoko à quitter les lieux. En avril 2005, les maisons de plus de 3 000 personnes avaient été brûlées pour tenter de mettre un terme au développement du bidonville. Mais, cette fois-ci, la menace est des plus sérieuses. Dans un entretien accordé au quotidien nigérian This Day début août, le gouverneur Babatunde Raji Fashola précise que l’expansion de Makoko constitue une menace pour le système de drainage naturel que constitue le lagon de Lagos. Un cours d’eau mis en péril par les constructions et les déchets qui y sont quotidiennement déversés par les habitants du bidonville. L’extension de Makoko menacerait également le plus grand pont autoroutier de la ville qui relie l’île de Lagos au continent, le Third Mainland Bridge. Autre motif avancé par les responsables de la ville, mais qui ne figurerait dans aucun document officiel selon AP, protéger les résidents d’une ligne à haute tension, située à proximité du bidonville.

Si les raisons sanitaires et environnementales qui prévalent à la destruction d’un bidonville – sans eau potable, sans électricité et où le lagon sert de déchetterie – semblent justifiées, l’absence d’un plan de relogement des habitants de Makoko interroge. Le gouverneur de Lagos a répondu aux critiques en expliquant, notamment dans les colonnes du quotidien Vanguard, que des négociations ont été menées en amont afin de reloger les habitants de la région de Makoko, notamment ceux du bidonville voisin de Oko-baba. « Un programme financé par le gouvernement », a souligné Babatunde Raji Fashola. Il a ajouté que les populations de Makoko sont restées indécises face à cette offre, mise en œuvre à Oko-baba. La ville, quant à elle, s’est montrée « tolérante », selon lui mais il n’était cependant pas question de fermer les yeux sur de nouvelles installations à Makoko. Ce serait donc les nouveaux venus qui seraient expulsés. En outre, a-t-il poursuivi, la possibilité pour les résidents de Makoko de rester dans la zone existe. A condition de la viabiliser et, peut-être, donner ainsi naissance « La Venise de Lagos ».

Restaurer Lagos

La destruction de Makoko, où vivent de nombreux pêcheurs et beaucoup de natifs du Bénin, du Togo et du Cameroun voisins, souvent en situation irrégulière, s’inscrit dans une politique globale de réhabilitation de Lagos. L’état reste déterminé bien que les évictions aient été suspendues en juillet dernier, à la suite de l’assassinat d’un dignitaire local, Timothy Hunpoyanwha, par un policier lors d’une opération de démolition. Les résidents de Makoko s’étaient alors réunis devant le gouvernorat pour protester contre ce meurtre en scandant : « Laissez les résidents de Makoko tranquilles ! » ou encore « Respectez les citoyens de Lagos que nous sommes ! ».

Pour sa part, le Nigerian Tribune rappelle que ce n’est pas seulement le bidonville qui gêne le système de drainage de la ville et qu’il serait dommage que le bord de mer soit ensuite exploité par de riches entrepreneurs dont les futures bâtisses défigureraient tout autant le littoral.

Makoko est devenue, au fil des ans, une carte postale embarrassante pour le chaotique centre économique du Nigeria. Un documentaire de la chaîne britannique BBC, Welcome to Lagos, critiqué par les autorités nigérianes, a notamment fait découvrir le bidonville sur pilotis. « Eko o ni baje », qui signifie « Lagos ne sera dégradé » en yoruba et qui est le slogan du gouverneur, incarne les nouvelles ambitions de Lagos . La cité nigériane serait l’une des pires villes au monde. Elle a été classée récemment 138e sur 140 villes par la cellule d’analyses et de recherches (Economist Intelligence Unit) de la revue The Economist.

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