Depuis une dizaine de jours, le Nigeria est agité par des manifestations populaires organisées pour protester contre les violences policières. Mais la suppression de la brigade anti-criminalité dont les exactions sont à la base des mouvements n’a pas réussi à calmer les manifestations qui virent vers une contestation politique… Une remise en cause de la gouvernance du Président Buhari.
A Abuja, Lagos, Benin City, etc., ça gronde toujours. Malgré la suppression des SARS (Special Anti-Robbery Squad) et la promesse faite par le Président Muhammadu Buhari de réformer la police, les manifestants ne décolèrent pas. Les manifestations continuent, avec de plus en plus de violence. En effet, des échauffourées ont été enregistrées, ce mardi à Lagos, obligeant le gouverneur de l’Etat, à décréter un couvre-feu de 24 heures, à partir de 16 heures, à l’instar de son homologue de l’Etat d’Edo, qui a dû prendre la même décision, lundi.
« Les manifestations pacifiques ont dégénéré en un monstre qui menace le bien-être de notre société (…). J’impose un couvre-feu de vingt-quatre heures dans tout l’Etat à partir de 16 heures aujourd’hui », a écrit Babajide Sanwo-Olu, sur son compte Twitter.
A Lagos, des barrières ont été érigées sur les principales routes par les manifestants pour empêcher la circulation, paralysant totalement la métropole de 20 millions d’habitants, ce matin. Voyant l’allure que prenaient les manifestations depuis lundi, les autorités avaient décrété la fermeture des écoles.
Hier, la capitale fédérale, Abuja, a été le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, qui ont dû faire usage de gaz lacrymogènes. Situation similaire à Benin City où des groupes de jeunes armés, prétendument à la solde des leaders politiques locaux s’en sont pris aux manifestants. Dans la foulée, deux postes politiques ont subi les assauts d’individus présentés comme des manifestants.
Rien que dans le week-end passé, cinq morts ont été dénombrés dans le cadre de ces manifestants, portant à quinze dont deux policiers, le nombre total de personnes qui ont perdu la vie, depuis le début des mouvements.
L’expression de frustrations et de colère latentes
Après avoir obtenu du Président Buhari la suppression des SARS, les manifestations prennent désormais une tournure de plus en plus politique. Sur les pancartes portées par les manifestants, on peut maintenant lire des phrases comme : « Tous ceux âgés de plus de 65 ans devraient quitter le gouvernement, Buhari en fait partie », « Buhari est un mauvais garçon ».
Et les propos tenus par les manifestants sont clairement hostiles au Président Muhammadu Buahari. « Nous avons réclamé l’arrêt de cette brigade anticriminalité, le premier jour. Le Président n’a rien dit, le deuxième jour, il n’a rien dit, le troisième jour, il n’a rien dit… Le Président est sourd, il ne nous entend pas… Parce qu’il laisse des citoyens être brutalisés, Muhammadu Buhari devrait démissionner », a déclaré Prince Ironsi.
De son côté, une autre manifestante lance : « Je suis en colère… j’ai tellement la rage, comment pouvons-nous être dans un pays et vivre sans paix, sans jamais être joyeux ? Sans aucun moment de bonheur à partager ? Le prix du carburant a encore augmenté, ça va continuer… Et pour la nourriture ? Un sac de 50 kg riz s’achète maintenant contre l’équivalent de 80 euros. Pas de sécurité ! Nos vies ne valent rien, ici au Nigeria ! ».
Depuis plusieurs mois, la basse et la moyenne classe nigérianes vivent mal une série de décisions prises par le régime Buhari, allant de la fermeture des frontières terrestres (depuis août 2019) — qui a entraîné une hausse substantielle des prix de certains produits de consommation courante dont le riz –, à l’augmentation du prix du carburant. Ces couches, les plus défavorisées de la société nigériane ont trouvé, dans ces manifestations, l’occasion idéale pour exprimer leur ras-le-bol.
Le silence du Président Buhari, qui ne s’est exprimé qu’une seule fois, depuis le début des mouvements, est de nature à aviver la colère des manifestants qui se sentent ignorés par leur Président. Pour l’instant, Muhammadu Buhari est dans l’enceinte bien sécurisée de son palais, autour duquel sont déployées l’armée et la police.