Alors que l’Etat nigérian a décidé de lancer une opération d’envergure pour s’attaquer à la pollution, l’organisation Amnesty International a dénoncé ce vendredi, l’enquête interne de Shell sur des fuites de pétrole causées dans le pays. L’image de la compagnie pétrolière est une fois de plus écornée.
Amnesty International, dont le siège est à Londres, a accusé le groupe Shell de nier que la pollution dans le Delta du Niger découverte en juin, provenait de la corrosion de son oléoduc de Bodo Creek. « Quoi que Shell dise sur les fuites, la compagnie a constamment pris le sabotage comme prétexte pour échapper à ses responsabilités dans la pollution massive due à son incapacité à entretenir ses infrastructures », a déclaré dans un communiqué Audrey Gaughran, directrice internationale à l’Organisation de défense des droits de l’Homme, rapporte Le Monde. Bodo Creek avait déjà subi des fuites de pétrole en 2008, et la multinationale Shell avait été poursuivie par 11 000 habitants de la région devant un tribunal londonien.
L’entreprise pétrolière n’a pas souhaité réagir aux allégations d’Amnesty mais à précisé à l’AFP qu’elle avait demandé à l’entreprise américaine Accufacts d’examiner les installations avant les fuites intervenues en juin, et que ces dernières sont sans aucun doute dues à un sabotage. Le sabotage est en effet un problème qui empire dans le Delta, où les voleurs siphonnent le pétrole brut pour le vendre au marché noir. Les experts évaluent la perte quotidienne du Nigéria, en raison des vols, à environ 150 000 barils de brut. « Shell avait indiqué que les fuites par endroit semblaient être du sabotage et a complètement nié l’effet de la corrosion », a toutefois rétorqué Stevyn Obodoekwe du Centre pour l’Environnement, les droits de l’Homme et le développement (CEHRD), qui a cosigné le communiqué avec Amnesty.
L’Etat nigérian s’engage
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (Pnue) a salué ce mercredi la décision du gouvernement du Nigeria de lancer une opération de dépollution d’envergure dans l’Ogoniland. « Il existe désormais des signes clairs et encourageants que le gouvernement souhaite suivre nos recommandations. Ceci est une bonne nouvelle pour la population et l’environnement de cette région », a déclaré le directeur exécutif du Pnue, Achim Steiner, rapporte Le Monde.
Les opérations seront dirigées par une nouvelle entité gouvernementale chargée de nettoyer les hydrocarbures et dotée d’un budget de départ d’un milliard de dollars pour les cinq premières années de sa mission. En 2011, le Pnue avait informé le président nigérian Goodluck Jonathan des risques liés à la pollution dans la région. Conclusion : la restauration environnementale du pays d’Ogoni pourrait prendre 30 ans et nécessite de gros investissements financiers.
Face au désastre environnemental créé par l’exploitation pétrolière, le premier pays producteur de pétrole d’Afrique a haussé le ton. En juillet, l’Etat a même infligé une amende de 5 milliards de dollars (4 milliards d’euros) à Shell, pour une fuite de pétrole survenue sur une installation offshore du champ de Bonga, en décembre 2011. Environ 40 000 barils de brut s’étaient alors déversés dans le Golfe de Guinée, ce qui n’a pas empêché la compagnie pétrolière de nier sa responsabilité. Sous la pression des ONG et de l’Etat, l’impunité pour Shell au Nigeria pourrait toucher à sa fin.
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