Niger : Niamey porte plainte contre Radio France Internationale (RFI)


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RFI suspendu au Burkina Faso

Le gouvernement du Niger a annoncé, jeudi, qu’il porterait plainte contre Radio France Internationale (RFI) pour des accusations graves, notamment d’incitation au génocide et de promotion de massacres intercommunautaires sur le territoire nigérien. Cette décision a été prise lors d’un conseil des ministres et a été rendue publique à travers un communiqué diffusé à la télévision publique.

Selon les autorités nigériennes, RFI serait responsable d’une « vaste campagne de désinformation », qu’elles qualifient de « montage grossier et honteux » visant à alimenter des tensions ethniques et à attiser la violence. Le gouvernement a également dénoncé le rôle du média français en tant que prétendu « outil de propagande » de la politique extérieure de la France. Les autorités du Niger ont précisé que les accusations sont liées à la couverture médiatique par RFI des récentes attaques terroristes survenues dans le pays.

En particulier, le gouvernement a fait référence à un reportage de RFI concernant une attaque qui s’est produite dans le département de Téra, à l’Ouest du Niger, près de la frontière avec le Burkina Faso. L’armée nigérienne avait rapporté la perte de dix soldats et sept blessés dans cette attaque, tandis que RFI a publié un bilan beaucoup plus lourd, mentionnant 90 soldats et une cinquantaine de civils tués. Ce décalage dans les chiffres a exacerbé les tensions entre les deux parties, le gouvernement nigérien accusant RFI d’exagérer la gravité de la situation pour nuire à l’image du pays.

Les conséquences de la dégradation des relations avec la France

Cette plainte intervient dans un contexte de relations particulièrement tendues entre le Niger et la France, aggravées, depuis le coup d’État militaire qui a renversé le Président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023. Depuis cet événement, les autorités nigériennes ont multiplié les accusations contre la France, accusant Paris de chercher à déstabiliser le pays. Ces accusations ont été systématiquement rejetées par les autorités françaises, qui insistent sur le fait que la France soutient le Niger dans la lutte contre le terrorisme et le rétablissement de la stabilité.

La couverture médiatique des événements par RFI, en particulier celle des attaques terroristes et de leurs conséquences, a été perçue par le gouvernement nigérien comme une tentative de manipulation de l’opinion publique nationale et internationale. Selon les autorités du Niger, ces reportages ont exacerbé les tensions internes et ont contribué à alimenter un climat de violence et de division, qui menace de fragiliser davantage la situation sécuritaire du pays.

Suspension des programmes de RFI : un geste fort

Il est important de noter que les programmes de RFI ont déjà été suspendus au Niger depuis le mois d’août 2023, à la suite du coup d’État. Cette suspension s’inscrit dans une série de mesures prises par le nouveau gouvernement militaire pour, soi-disant, limiter l’influence des médias étrangers et préserver la souveraineté nationale face à l’influence occidentale, en particulier celle de la France. Après le 26 juillet 2023, le Niger a en effet rompu ses relations diplomatiques avec la France et a expulsé l’ambassadeur français, une décision qui a également conduit à la fermeture des bases militaires françaises présentes sur le sol nigérien.

Dans le contexte de cette rupture diplomatique, la suspension de RFI a été perçue par certains comme une mesure symbolique et un geste de résistance face à ce que le gouvernement du Niger considère comme une ingérence extérieure. En revanche, pour beaucoup d’observateurs internationaux, cette action a été interprétée comme une tentative de contrôler l’information et de restreindre la liberté de la presse, un acte souvent critiqué par les défenseurs des droits humains et les journalistes.

Une situation complexe marquée par la montée des tensions

Les tensions entre le Niger et la France, ainsi que l’hostilité envers certains médias occidentaux, s’inscrivent dans une dynamique régionale plus large, où plusieurs pays africains se trouvent confrontés à des enjeux de souveraineté, de sécurité et d’ingérence étrangère. La situation au Sahel, particulièrement marquée par la présence de groupes terroristes, la lutte contre le djihadisme et les tensions politiques internes, a placé le Niger dans une position délicate. Le pays, déjà fragile, fait face à une crise sécuritaire et à des défis économiques majeurs.

L’accusation portée contre RFI vient s’ajouter à une série de décisions récentes prises par le gouvernement nigérien pour limiter l’influence des médias étrangers. En plus de la suspension de RFI, les autorités ont également pris des mesures à l’encontre de la chaîne France 24 et de la station de radio France Inter, accusées elles aussi de diffuser des informations jugées nuisibles à la stabilité du pays. Ces actions font écho à la volonté du Niger de redéfinir ses relations avec l’Occident, et particulièrement avec la France, tout en cherchant à éviter toute forme d’ingérence dans ses affaires internes.

Un contexte de crise profonde et de diplomatie complexe

Les relations entre le Niger et la France, qui étaient historiquement marquées par une coopération étroite, se sont considérablement détériorées après le coup d’État. Les autorités nigériennes ont justifié leur démarche en invoquant le besoin de défendre leur indépendance et leur souveraineté face à ce qu’elles perçoivent comme des ingérences étrangères. Cependant, ces actions ont soulevé des préoccupations concernant la liberté de la presse et les droits humains, d’autant que le pays se trouve également sous pression de la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme et restaurer la stabilité.

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