D’abord, Mamadou Tandja a reçu, dimanche, les rebelles touaregs à qui, il a demandé de déposer les armes en échange d’une amnistie. Une première depuis deux ans. Ensuite, il a lancé en fanfare, lundi, les travaux de construction des infrastructures de la mine d’uranium d’Imouraren (nord du Niger) qui sera exploitée par Areva. Ce projet industriel devrait faire du Niger le deuxième producteur mondial d’uranium. Puis le président nigérien a annoncé, dans la foulée, son intention de briguer un troisième mandat en faisant fi de la Constitution. Celui dont le second mandat arrive à terme fin décembre 2009 affirme que telle est la volonté des Nigériens.
Mamadou Tandja, le président nigérien, a lancé ce lundi, à Imouraren (au nord du Niger), les travaux de construction des infrastructures de la gigantesque mine d’uranium à Imouraren. Areva, le groupe nucléaire français, a obtenu, en janvier, le droit de l’exploiter et devrait en faire, à partir de 2012, la plus grande mine d’uranium à ciel ouvert en Afrique et la deuxième au Monde. A cette date, le Niger, actuellement troisième producteur mondial de ce minerai qui sert à produire l’énergie nucléaire, devrait être propulsé au deuxième rang.
Du côté d’Areva comme de celui du gouvernement nigérien, on se félicite des bienfaits qu’engendrera ce projet industriel pour les populations nigériennes. Sont cités, entre autres, la création de quelque 1 400 emplois directs, de nombreux postes indirects, de nouvelles sources de revenus pour l’Etat du Niger… Même si des organisations non gouvernementales dénoncent l’[accord, qui d’après elles, profitent plus au groupe français qu’aux Nigériens, Mamadou Tandja, interrogé par le quotidien français Libération, s’en est déclaré satisfait. « C’est ce qu’attendait le Niger depuis l’indépendance: un accord à égalité entre nous et notre partenaire. Nous vivons dans un monde d’intérêts, chacun lutte pour défendre les siens », a-t-il affirmé.
« Je ne peux pas rester insensible à l’appel » du peuple
Mamadou Tandja, 70 ans passés, dont le deuxième et dernier mandat tire vers la fin, se pose donc en défenseur des intérêts économiques de son pays. Sur des banderoles, ses partisans ont fait, lundi, à Imouraren, l’éloge de celui qui a négocié un « partenariat gagnant-gagnant » avec le groupe français. Celui-là même qui, disent-t-ils, a décroché un contrat avantageux pour le Niger, en jouant sur la concurrence entre les Français et les Chinois. Pourquoi devraient-t-ils laisser un tel bienfaiteur quitter le pouvoir, sous prétexte que la Constitution l’y contraint ? « A 100%, nous sommes pour le Tazartché [la continuité, Ndrl] », ont-t-ils inscrit sur des panneaux. Tant mieux si en quarante ans d’exploitation de son uranium par le groupe Areva, le Niger demeure l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Mamadou Tandja, qui jusque-là est resté silencieux sur ses ambitions, est sorti de son mutisme à la fin de la cérémonie de lundi, à laquelle étaient présents Anne Lauvergeon, la patronne du groupe français, Areva, et Alain Joyandet, le secrétaire d’Etat français à la Coopération. « Le peuple demande que je reste, je ne peux pas rester insensible à son appel », a déclaré le président nigérien aux journalistes. Mamadou Tandja rompt ainsi « son silence coupable » que dénonçaient depuis plusieurs semaines certaines organisations. Si la Constitution lui interdit un troisième mandat, elle « autorise un référendum », avance-t-il, ajoutant, déterminé, que « c’est au peuple de décider ».
« Mise entre parenthèses de la légalité républicaine »
Ces déclarations du président nigérien n’ont sans doute pas surpris les opposants à son régime puisqu’ils accusaient déjà celui-ci de vouloir enfreindre la Loi fondamentale du pays. « Des éléments en notre possession indiquent clairement que le projet Tazartché est plus que jamais en marche et consiste en une mise entre parenthèses de la légalité républicaine au moyen de la suspension de la Constitution », a déclaré, dimanche, dans un communiqué, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), principal parti d’opposition au Niger.
Mamadou Tandja va visiblement multiplier les actions pour obtenir la faveur du peuple au référendum qu’il souhaite organiser. Dimanche, il a voulu s’afficher en chef d’Etat rassembleur, en recevant les représentants de trois factions rebelles touaregs. Ils leur a même promis une amnistie, si elles acceptaient de déposer les armes. Il s’agit là d’«un changement de ton complet » que Les Echos n’ont pas manqué de mentionner. Le président nigérien n’a jamais accepté de rencontrer ces rebelles depuis qu’ils ont repris les armes dans le nord du pays en 2007. Jusque-là, il les qualifiait de « bandits » et de « trafiquants de drogue ». Mais dimanche, il a affirmé qu’ils étaient pardonnés au nom de la recherche de la paix au Niger. Le gouvernement nigérien et les rebelles touaregs seraient actuellement en discussion sur les modalités d’un désarmement.
Ainsi, Mamadou Tandja a mis en marche ses manœuvres pour se maintenir au pouvoir après 2009, à la fin de son second mandat.
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