Niger : les quatre leçons de Mahamadou Issoufou en guise d’au revoir


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Mahamadou Issoufou
Mahamadou Issoufou

Ce jeudi 1er avril 2021, veille de l’investiture de son dauphin et successeur, Mahamadou Issoufou, Président nigérien sortant s’est adressé dans une dernière allocution à ses compatriotes. Dans ce discours-bilan de ses dix années à la tête du pays, le futur ex-Président a voulu donner quatre leçons essentielles à la population nigérienne.

« Nigériennes, Nigériens, mes chers concitoyens,

C’est la toute dernière fois que je m’adresse à vous, en tant que président de la République. Permettez-moi de vous exprimer toute ma reconnaissance pour m’avoir donné l’occasion de vous servir tout au long de ces dix dernières années. Ce fut pour moi un immense honneur ».
C’est par ces mots que Mahamadou Issoufou a introduit son allocution de ce jeudi 1er avril 2021, lui qui est appelé à passer la main le lendemain à Mohamed Bazoum, le nouveau Président élu. Une allocution jalonnée de leçons.

Première leçon : « avoir un but dans sa vie, de préférence très tôt, et y travailler sans relâche »

La toute première leçon découlant de cette ultime intervention de Mahamadou Issoufou en qualité de chef de l’État du Niger est destinée à la jeunesse du pays. En s’appuyant sur son propre exemple, l’homme révèle que la fonction présidentielle était un rêve qu’il caressait depuis sa plus tendre enfance, et que les Nigériens lui ont donné l’opportunité de concrétiser. « Au départ, le petit écolier que j’étais, exprimait ce vœu sans savoir pourquoi, ou tout au plus, peut-être pour devenir quelqu’un d’important. Ce n’est que plus tard que j’ai su que c’était la position la plus élevée qu’un citoyen puisse occuper pour servir son pays », a laissé entendre le Président Issoufou tout juste avant de donner la leçon : « Mon expérience confirme l’importance, pour un homme, d’avoir un but dans sa vie, de préférence très tôt, et d’y travailler sans relâche. Je souhaite que les jeunes, garçons et filles, qui m’écoutent, retiennent cette première leçon ».

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Deuxième leçon : « la politique se fait autour des valeurs et non sur des bases identitaires »

Faisant une brève allusion à l’histoire de sa formation politique, le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS-Tarayya), un parti né en 1990, à la faveur des mouvements démocratiques en vogue sur le continent à l’époque, et qui a cherché le pouvoir d’État pendant près de 20 ans avant de l’obtenir, par la voie des urnes, depuis 2011, Mahamadou Issoufou aboutit à une conclusion : « De cette expérience se dégage une autre leçon : la politique se fait autour des valeurs et non sur des bases identitaires. Nous ne nous sommes pas trompés en nous engageant sur cette voie. L’élection du Président Bazoum et le déclin des partis identitaires le prouvent. Je demande aux jeunes de méditer cette deuxième leçon ».
Cette deuxième leçon semble d’autant plus pertinente que le PNDS-Tarayya est un parti regroupant des individus d’appartenance ethnique différente. Mahamadou Issoufou lui-même est Haoussa de la région Tahoua tandis que Mohamed Bazoum est Arabe Oulad Souleymane de la région de Diffa à l’extrême Est du Niger.

Troisième leçon : la démocratie est réversible

Dans son allocution, le Président nigérien est revenu sur la tentative de coup d’État déjouée dans la nuit du 30 au 31 mars 2021. « Je me réjouis de ce que cette consolidation se reflète dans la résilience de nos institutions face aux tentatives successives de déstabilisation. En effet, en dix ans, nous avons dû faire face à quatre tentatives de coup d’État dont la dernière, en date, est intervenue dans la nuit du 30 au 31 mars 2021, il y a à peine 48 heures. C’est, à n’en point douter, une tentative désespérée de reprendre, par les armes, le pouvoir des mains de ceux qui l’ont conquis dans les urnes », a affirmé Mahamadou Issoufou avant de décerner un satisfecit à la garde présidentielle et à l’ « écrasante majorité » des forces de défense et de sécurité qui se distinguent d’ « une minorité compacte de putschistes » : « C’est le lieu de féliciter la garde présidentielle dont l’engagement, le loyalisme et le professionnalisme ont permis de mettre en échec ce projet funeste. C’est aussi l’occasion de saluer et de féliciter l’écrasante majorité des éléments des forces de défense et de sécurité pour leur comportement républicain ».

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Et le chef de l’État de promettre la traque et des sanctions exemplaires à l’encontre des auteurs des actes du 30 au 31 mars. « Ces criminels et leurs commanditaires intérieurs et extérieurs seront recherchés, identifiés et punis conformément à la loi. En dépit des efforts de consolidation des institutions démocratiques réalisés pendant la décennie, les démons du putschisme ne sont pas morts », a constaté Mahamadou Issoufou qui, tel un enseignant, lance ex cathedra la troisième leçon : « Que la démocratie soit réversible dans notre pays est une autre leçon qu’il faut tirer de ces évènements ».

Quatrième leçon : le défi institutionnel est le plus décisif à surmonter

Du haut de son expérience de 10 ans à la tête du Niger, le Président Mahamadou Issoufou est parvenu à la conclusion selon laquelle « le défi institutionnel est le plus décisif à surmonter ». Poursuivant son explication, le chef de l’État sortant enchaîne : « C’est le nœud gordien de tous les défis. Nous devons poursuivre l’effort de construction d’institutions fortes et stables. Elles seules permettront à l’ordre et la liberté de se garantir et à l’unité nationale de se renforcer. Ni dictature, ni anarchie mais des institutions démocratiques fortes. Le jour où nous les aurons mises en place de manière irréversible, notre pays sera sauvé et pourra, avec assurance, poursuivre sa marche vers l’émergence caractérisée par un régime politique stable, une croissance économique forte, une transition démographique achevée et une classe moyenne nombreuse ».

Confiant du fait que sa génération a joué sa partition sur le chantier de construction de la nation, le Président nigérien appelle les générations futures à reprendre le flambeau puisque « les résultats obtenus dans la mise en œuvre du programme de renaissance, notamment la réalisation de la première alternance démocratique de notre histoire, depuis 60 ans, constituent un pas important dans cette direction ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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