
Le Niger vient de prendre une décision importante dans sa refondation politique et identitaire. En instaurant le haoussa comme langue nationale et en reléguant le français au rang de simple langue de travail, le pays opère une rupture symbolique forte avec son héritage colonial.
Cette réforme linguistique, officialisée fin mars par la Charte de la refondation, est adoptée dans un contexte de tensions diplomatiques avec la France et d’affirmation de souveraineté culturelle.
Une réforme linguistique au cœur d’un projet politique
Adoptée lors d’une cérémonie présidée par le général Abdourahamane Tiani le 26 mars à Niamey, la Charte de la refondation fait office de nouveau texte fondamental en remplacement de la Constitution suspendue après le coup d’État du 26 juillet 2023. L’article 12 de cette charte consacre une nouvelle organisation linguistique du pays : le français, jusqu’alors langue officielle malgré sa pratique limitée à 13 % de la population, devient une langue de travail parmi d’autres. C’est désormais le haoussa, parlé par plus de la moitié des Nigériens, qui est érigé au rang de langue nationale unique.
Langue véhiculaire majoritaire au Niger, le haoussa est compris par une très large part de la population, bien au-delà de son aire ethnique d’origine. Cette large diffusion justifie, selon les autorités de transition, son nouveau statut. Toutefois, cette décision suscite des interrogations. Le précédent cadre constitutionnel reconnaissait « en toute égalité » les langues des différentes communautés nigériennes comme langues nationales. Désigner une seule d’entre elles pourrait introduire une hiérarchisation source de tensions, notamment avec les locuteurs du zarma-songhaï ou du tamasheq.
Défrancisation et souveraineté culturelle
La réforme s’inscrit dans une dynamique plus large de défrancisation de l’espace public. Après avoir quitté l’Organisation internationale de la Francophonie en mars, aux côtés du Burkina Faso et du Mali, le Niger a rebaptisé plusieurs rues de Niamey autrefois dédiées à des figures françaises. Le recul du français va de pair avec un repositionnement politique vers de nouveaux partenaires et une volonté de réappropriation des symboles identitaires. Dans ce contexte, le choix du haoussa apparaît aussi comme un acte de souveraineté linguistique.
En retirant au français son statut de langue officielle, le Niger suit une tendance amorcée par le Burkina Faso, qui avait initié une démarche similaire en 2023. Ce mouvement pourrait préfigurer une nouvelle approche régionale, où les langues africaines seraient davantage valorisées dans les institutions, l’éducation et l’administration. Reste à savoir comment cette transition sera mise en œuvre sur le terrain : de nombreux défis attendent les autorités, notamment en matière de formation des agents publics, de production de documents officiels en haoussa, et d’inclusion des autres groupes linguistiques.