Niger : Le coup d’État supplémentaire dont le Sahel n’avait vraiment pas besoin


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Masque Nunuma
Masque Nunuma du Burkina Faso

Des cinq pays du G5 Sahel, trois auront connu des coups d’État depuis 2020 : le Mali, le Burkina-Faso et maintenant le Niger. Mais à quoi bon ? Les militaires au pouvoir n’apportent aucune solution sécuritaire ou économique, ni à court terme ni à long terme. Nous, Africains, avons vraiment besoin d’autre chose. 

Par Ahmadou Mahamane

On a connu des coups d’État plus flamboyant que le récent putsch à Niamey, lancé le 26 juillet dernier. Les premiers jours, personne ne savait quel petit capitaine ou colonel passerait à la postérité dans les livres d’Histoire. Le premier à entrer en scène ? Le chef de la garde présidentielle en poste depuis 2011, le général Abdourahamane Tchiani, ne semblait pas goûter aux caméras. Le second à prendre la parole ? Le porte-parole du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le colonel Amadou Abdramane, posait fièrement devant ses complices. Tout cela sentait l’improvisation. Finalement, c’est Tchiani qui a pris les rênes du putsch.

Mais attention cher général, votre siège n’est pas éternel, l’histoire régionale est riche en enseignements : au Faso voisin, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui aussi putschiste en 2022, a été renversé par le capitaine Ibrahim Traoré. Au Mali, Bah N’Daw, lui aussi arrivé au pouvoir à la faveur du putsch de 2020, s’est fait renverser par son bras-droit, le colonel Assimi Goïta, en mai 2021. Voilà le triste spectacle que nous, Sahéliens, donnons au monde. 

Sécuriser le pays : mais qui est responsable ?

Officiellement donc, la nouvelle junte nigérienne a destitué le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, parce que – selon les dires du général Tchiani – « l’approche sécuritaire actuelle n’a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs ».

Les différentes forces militaires du pays, garde présidentielle et armée, ont donc pris les choses en main. Mais n’étaient-ce pas elles qui étaient censées sécuriser le pays ces dernières années ? En quoi le pouvoir civil les empêchait de mener à bien leur mission ? De qui se moquent les putschistes ? Ce coup de force ressemble surtout à une vendetta personnelle de la part de Tchiani, ce qui fait dire à certains observateurs que ses chances de succès sont minces. 

Sur le terrain néanmoins, la situation évolue d’heure en heure, anarchique. Des colonnes de fumée noire s’élèvent au-dessus de la capitale, la foule s’en donne à cœur joie, pillant magasins et ambassades occidentales. En particulier l’ambassade française : dans les manifestations, le partenaire privilégié du président déchu est vilipendé, « À bas la France, à bas la France ! Vive la Russie ! », « Macron dégage ! » scandent les jeunes Nigériens, tout en portant des maillots… du Paris Saint-Germain.

Leurs frères maliens et burkinabè sont passés par là et franchement, qu’ont-ils gagné de cette détestation ? Toujours plus d’insécurité. Car brandir des drapeaux russes et souhaiter l’arrivée des miliciens de Wagner n’a jamais rien résolu. Bien au contraire. Il serait temps que nous autres Africains prenions vraiment les choses en main. Nous-mêmes. 

Les putschistes solidaires

En tout cas, les premiers résultats du coup d’État sont là : le Niger a officiellement fermé ses frontières, qui restent malgré tout une vraie passoire, géographie oblige. À l’étranger, mis à part le Mali de Goïta, le Faso de Traoré et la Guinée du colonel Mamadi Doumbouya (lui aussi arrivé au pouvoir suite au coup d’État de 2021 contre le président Alpha Condé), tout le monde tente de faire revenir les militaires nigériens à la raison. Évidemment, les chancelleries occidentales – France, États-Unis, Union européenne, ONU, etc. – refusent de reconnaître la légitimité du nouveau pouvoir et ont d’ores et déjà annoncé qu’elles fermaient les robinets de l’aide au développement. La CEDEAO et l’UEMOA se sont quant à elles réunies en urgence et ont menacé de sanctions si le pouvoir civil n’était pas rétabli d’ici dimanche 6 juillet. Quel plan les putschistes ont-ils en tête ? Nul ne le sait, eux-mêmes non plus, probablement.

Mais hourra, ils sont soutenus d’une seule et unique voix par les autorités de transition au Mali et au Burkina selon qui « le peuple frère du Niger a décidé, en toute responsabilité, de prendre son destin en main ». Non, il ne s’agit pas du peuple, mais d’une poignée d’officiers. Pire, le Mali et le Faso ont aussi déclaré qu’ils seraient prêts à prendre les armes pour défendre le Niger, alors qu’ils n’arrivent même pas à défendre leur propre territoire contre l’hydre jihadiste. On croit rêver. 

Le peuple du Niger, premières victimes du coup d’État

En interne, ces officiers ont donc commencé à faire le ménage. Ils ont ainsi arrêté plusieurs ministres du gouvernement du président Bazoum et tentent de faire taire les voix nigériennes qui réclament l’arrêt des hostilités et le retour à l’ordre démocratique. Car il ne faut pas se laisser berner par les images que l’on voit à la télévision : tous les Nigériens ne sont pas ravis de cette situation, les premières manifestations anti-putsch, après le 26 juillet, l’ont bien démontré.

Tout comme les prises de positions de plusieurs formations politiques nigériennes. Par exemple, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) a plusieurs fois dénoncé, par la voix de son président Foumakoyé Goda, « un groupe d’officiers factieux en quête du pouvoir personnel » et cette « junte, seule responsable du chaos dans lequel risque de sombrer le Niger ». De même, la Coordination Nationale de TLP-Niger, dirigée par Maikoul Zodi, « condamne avec la plus grande fermeté cette prise de pouvoir par des voies anticonstitutionnelles » et « met en garde certains partenaires véreux et mal intentionnés contre toute ingérence dans les affaires internes du Niger ».

Mais attention, profitons de ces voix discordantes qui risquent de pas être longtemps audibles : si le Niger suit la même pente que ses voisins malien et burkinabè, les oppositions politiques seront bientôt réduites au silence à Niamey. 

Alors, comment évoluera cette révolution de palais ? Nul ne le sait. Reste un acteur tapi dans l’ombre, que l’on a à peine évoquer dans ces lignes : la Russie. Si le ministère des Affaires étrangères russe a initialement condamné le « coup d’État comme un acte anticonstitutionnel et qu’il est nécessaire de restaurer l’ordre constitutionnel », il ne faudra pas s’étonner de voir débarquer, dans les semaines ou les mois qui viennent, les mercenaires du groupe Wagner d’Evgueny Prigojine.

Concurrence entre la France et la Russie

Parce que l’occasion sera trop belle de ravir ce pays à l’ennemi nº1 de la Russie en Afrique : la France. Il se pourrait même que le Kremlin – dans la lignée des annonces du sommet Russe-Afrique de Saint-Pétersbourg – ajoute le Niger à la liste des six pays qui auront la chance de recevoir l’aumône des Russes avec la livraison gratuite de céréales. Cela ne règlera absolument rien aux problèmes du Niger. il restera le pays le plus pauvre du monde avec le Sierra Leone. Mais cela fera un bon coup de com’. 

Alors voilà, nous n’en sommes qu’au début d’une nouvelle histoire. Nos frères du Niger ne savent pas encore à quelle sauce ils vont se faire manger. Comme les Maliens, ils auront peut-être, l’année prochaine, une nouvelle constitution, chargée de garantir la pérennité de la junte. À Bamako, ironie de l’Histoire, Assimi Goïta a même réussi à faire inscrire, dans l’article 187 de la nouvelle constitution, que « tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien », tout en étant prêt à entrer en guerre pour soutenir le putsch en cours à Niamey.

Si la situation actuelle de nos frères nigériens n’était pas aussi tragique et imprévisible, on pourrait presque en rire. Le cynisme des militaires et leur manque de clairvoyance n’ont décidément aucune limite. 

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