Niger : le bras de fer entre Orano et la junte militaire s’intensifie


Lecture 4 min.
Abdourahamane Tiani, le chef de la junte nigerienne
Abdourahamane Tiani, le chef de la junte nigerienne

Le conflit entre Orano, géant français de l’uranium, et la junte militaire au pouvoir à Niamey continue de s’intensifier. Le groupe français a annoncé, mardi 21 janvier 2025, qu’il engageait un deuxième arbitrage international contre l’État du Niger. Cette nouvelle action judiciaire intervient après la perte de contrôle de sa filiale Somaïr, qui est responsable de l’exploitation de l’une des dernières mines d’uranium encore en activité dans le pays.

Orano, grand acteur de l’industrie nucléaire, avait déjà déposé une première requête d’arbitrage le mois dernier concernant le retrait du permis d’exploitation de la mine d’Imouraren, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde. Cette fois-ci, l’entreprise met en cause le gouvernement nigérien sur les conditions de commercialisation de la production de la Somaïr. Orano accuse l’État du Niger d’entraver les activités de la société, un comportement qu’il considère comme ayant gravement affecté la situation financière de la filiale.

L’arbitrage à Washington : un dernier recours

Le nouveau recours d’Orano a été déposé auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), basé à Washington. Pour le groupe français, cette procédure représente le dernier recours possible après de multiples tentatives de résolution amiable qui sont restées sans réponse. Orano affirme que l’État du Niger a pris des mesures restrictives qui ont considérablement entravé la vente et l’exportation de la production d’uranium, principalement en raison de décisions politiques et économiques prises par la junte en place.

La filiale Somaïr, dans laquelle Orano détient 63,4% des parts, reste la dernière activité opérationnelle du groupe dans le pays. Cependant, selon le communiqué de l’entreprise, les tensions liées à l’ingérence gouvernementale ont conduit à des pertes financières importantes. Orano prévoit ainsi de réclamer des dommages et intérêts pour compenser ces pertes et les éventuels impacts sur la gestion de la production, dont le stock de concentré d’uranium est évalué à près de 300 millions d’euros.

Une relation de plus en plus tendue

Les relations entre Orano et la junte nigérienne se sont dégradées après le coup d’État militaire de juillet 2023, qui a renversé le Président élu Mohamed Bazoum. Depuis lors, les nouvelles autorités ont entrepris de réexaminer les contrats et accords économiques avec les entreprises étrangères opérant dans le pays, en particulier celles dans les secteurs stratégiques comme les mines.

La question de l’uranium est particulièrement sensible au Niger, l’un des principaux producteurs mondiaux de ce minerai, essentiel pour la production d’énergie nucléaire. Orano, anciennement Areva, était l’un des plus grands acteurs du secteur, mais les relations avec le gouvernement nigérien se sont dégradées en raison des revendications nationalistes et des révisions des contrats. Le retrait du permis d’exploitation de la mine d’Imouraren en juin 2024 a été un coup dur pour Orano, qui voit ses investissements en Afrique de l’Ouest remis en cause par les autorités locales.

Deux procédures d’arbitrage en cours

Ce nouvel arbitrage est le deuxième lancé par Orano en l’espace de quelques semaines. Le groupe avait déjà engagé une procédure devant la cour commune de justice et d’arbitrage de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) basée à Abidjan. Ce premier recours portait sur la décision de la junte de retirer à Orano son permis d’exploitation pour la mine d’Imouraren, l’un des projets les plus ambitieux du groupe dans la région.

Les deux procédures judiciaires visent à obtenir une compensation financière et à défendre les droits d’Orano concernant ses actifs dans le pays. Ces actions judiciaires soulignent l’escalade du conflit entre la compagnie et le gouvernement nigérien. Dans un contexte d’instabilité régionale et de la lutte pour les ressources naturelles, cette affaire met en relief les difficultés croissantes des entreprises étrangères à opérer en Afrique de l’Ouest, notamment en raison de l’impact des changements politiques.

Avatar photo
Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News