Niger : lancement de la plateforme d’Areva, le Directeur général d’Areva au niger réagit


Lecture 14 min.
arton27511

“J’ai le plaisir d’annoncer, dans les prochains jours, le lancement d’un projet phare. Il s’agit de la construction d’un siège sur un terrain, d’ailleurs très bien placé, au centre ville”, dixit Imad Toumi, directeur général du groupe Areva au Niger. Réagissant à certaines informations parues dans la presse et relatives à la plateforme d’Areva, Imad Toumi nous a accordé cet entretien pour apporter sa part d’éclairage sur un sujet qui a défrayé la chronique ces derniers temps. Interview.

(De notre correspondant)

Afrik.com : Pourquoi avoir choisi de parler aujourd’hui ?

Imad Toumi :
Si j’ai accepté de m’exprimer aujourd’hui au sujet de la plateforme proposée, c’est après avoir lu un certain nombre d’articles parus, ces derniers jours, dans les journaux de la place et sans polémique aucune, c’est pour rétablir la vérité, donner un certain nombre d’éclaircissements et dire ce qu’il en est précisément. Pour cette raison, je vous remercie de me donner l’opportunité de m’exprimer sur ce sujet. Je suis prêt à répondre à vos questions et à vous donner les éléments d’information que vous souhaiteriez avoir sur la plateforme qui a défrayé la chronique ces derniers jours.

Afrik.com : Justement, où en sommes-nous sur cette question de la plateforme ?

Imad Toumi :
La plateforme est, en fait, ce qu’il serait convenu d’appeler des services partagés. Dans le cadre de cette plateforme, les sociétés Somaïr, Cominak et Iroumouraren ont décidé de faire et de mettre en commun certains services. Elles estiment que ces services seront plus efficaces et coûteront moins chers. Je vous donne quelques exemples. Dans le domaine de la médecine, la mutualisation des moyens et des efforts sera forcément beaucoup plus performante. Que chaque société ait sa propre équipe de travail pour faire l’ensemble des visites médicales est forcément moins performant que s’il y a un seul service qui réalise ce travail-là pour l’ensemble des salariés. C’est un exemple simple. Au lieu d’avoir trois médecins, trois équipes, on a une seule équipe qui contribue à la performance. Dans le domaine juridique, c’est beaucoup plus concret. Vous savez bien que chaque société a besoin d’un soutien juridique dans l’organisation du service. Aucune société ne peut s’offrir les services d’un juriste spécialisé en droit de travail, en droit fiscal, en droit social, en droit des affaires, etc. On a besoin de toutes ces compétences. Au lieu d’avoir trois juristes dans chacune des sociétés, on se retrouve avec trois pour l’ensemble et cela contribue à la performance. Il y a d’autres exemples : dans le domaine de la logistique, on partage la maintenance, le transport et l’organisation. Quand on fait le transport de l’uranate d’uranium, c’est un seul convoi et ça revient moins cher en terme de suivi et d’organisation. Voilà des exemples simples qui montrent que c’est du bon sens que de travailler et de mettre en commun un certain nombre de services. Pour être plus complet, je voudrais dire à propos du service des achats qui n’a pas été clairement expliqué dans les journaux. On achète mieux ensemble et on est plus fort en cas de négociation. Ce qui a été fait dans le domaine des achats, je peux être plus clair là-dessus. Voilà comment ça doit se passer. Les trois sociétés mettent en commun des équipes d’acheteurs. Ces équipes préparent les appels d’offres, les cahiers des charges, les consultations. Ce travail terminé, les sociétés passent les commandes. C’est important pour bien comprendre comment ça fonctionne. Je vous donne un exemple. Quand la société décide d’acheter une sonde pour le traitement du minerai à la Somaïr, les équipes vont préparer l’appel d’offre. En résumé, la plateforme, c’est environ, dans le domaine des achats, 70 personnes, dont 66 Nigériens, soit 95 %, qui viennent des différentes sociétés. C’est vraiment important de bien comprendre cette plateforme. Elle consiste en la création d’une centrale d’achat qui n’a pas des charges, son seul coût, ce sont les salaires. Ils sont refacturés sur les différentes sociétés et ces coûts ne représentent pas ce que j’ai lu dans les journaux parce que c’est moins de 1% des frais de fonctionnement et des charges des sociétés. C’est vraiment quelque chose de raisonnable. Voilà un peu, la réponse aux différentes interrogations entendues sur la plateforme. En fait, c’est quelques dizaines de salariés qui font le service dans les domaines de la communication, des ressources humaines, des achats, de l’informatique pour le besoin des trois sociétés. Cette plateforme n’a pas de sous-traitants, en fait les sous-traitants ; ce sont les traitants des sociétés minières. On voit que les sociétés minières, ce sont elles qui restent maîtresses de leurs opérations, et ce sont elles qui passent les commandes à la sous-traitance. En fait ; pour répondre à votre question, la plateforme n’est rien d’autre que les sous-traitants qui traitent en commun pour les trois sociétés.

Afrik.com : Parlons à présent du démantèlement de la plateforme ? Qu’en est il exactement ?

Imad Toumi :
Pour parler au nom d’Areva, le gouvernement a signalé la position du Niger. Le gouvernement, tout comme Areva, ont toujours été favorables à des synergies et des mises en commun des efforts pour réduire les coûts. Ainsi, il y aura la performance, la réduction des coûts pour les actionnaires, donc pour l’Etat du Niger. Nous travaillons en synergie.

Il faut donc discuter sur la façon de faire et c’est pour cette raison que nous avons pris acte de la demande du gouvernement de démanteler la plateforme afin de pouvoir reprendre les discussions sur de bonnes bases, trouver et dégager ensemble une nouvelle façon de travailler pour réduire le coût puisque c’est ce que nous souhaitons de part et d’autre.

C’est vraiment un souhait puisque c’est une demande du gouvernement. Naturellement, nous avons répondu et démantelé la plateforme. Les agents qui ont été mis en commun par les sociétés sont répartis dans leurs structures d’origine. C’est ce que l’on souhaite aujourd’hui, qu’ils continuent à travailler ensemble. Cela permet de faire des économies. Voilà aujourd’hui où nous en sommes. Je pense que le dialogue est maintenu, nous envisagerons une nouvelle façon de dégager et de pérenniser les synergies que l’on peut faire en terme, notamment, des achats par exemple.

Afrik.com : Quelles sont les retombées économiques pour le Niger, après quarante ans de partenariat ?

Imad Toumi :
J’ai le plaisir d’annoncer, dans les prochains jours, le lancement d’un projet phare. Il s’agit de la construction d’un siège sur un terrain, d’ailleurs très bien placé, au centre ville. Et j’espère qu’il contribuera également au rayonnement de la ville dans les mois et années à venir. Les études sont disponibles, nous avons lancé les études de terrain et les différentes sociétés vont contribuer pour construire le siège dans les meilleurs délais.

Concernant les retombées économiques, j’aimerais dire qu’il n’y a, comme j’ai pu le voir dans certains journaux, aucun lien à faire entre la plateforme et les retombées économiques. La plateforme, c’est moins de 1% des charges des sociétés. Il n’y a pas d’amalgame possible entre la plateforme et des retombées quelconques. Elle n’a jamais empêché les retombées économiques pour l’Etat du Niger. Bien entendu, nous souhaitons, comme l’Etat du Niger, avoir les meilleures en tant que principal actionnaire de ces mines là. Juste pour vous donner quelques chiffres, les retombées économiques, comme vous le savez, sont liées tout d’abord au prix auquel on vend la matière. Ce prix, nous n’en sommes pas les maîtres, il est fixé chaque année par l’Etat du Niger et tient compte naturellement du marché mondial. Vous savez, aujourd’hui, le prix du spot de l’uranium est de 63.000 FCFA (environ 95 euros) par kg. Il continue de baisser depuis l’accident de Fukushima. Les annonces de grands pays tels que l’Allemagne, le Japon, à propos de la fermeture, à plus ou moins long terme, d’un certain nombre de réacteurs font de toute façon que le besoin de l’uranium se décale et mécaniquement il va faire chuter le prix. Ça, c’est une réalité. Cette réalité s’impose à Areva et s’impose à tout producteur.

Aujourd’hui, précisément, on est à moins de 65 000 F (environ 98 euros) et nous achetons l’ensemble de la production du Niger à 73 000 F (110 euros environs) le kg. C’est le prix qui a été fixé en 2012 par l’Etat du Niger et vous voyez qu’on peut dire que c’est un très bon prix puisque c’est le prix du spot sur le marché. Alors, en terme de prix, je pense que c’est un bon prix puisque les retombées économiques sont, je peux dire, proportionnelles, en tout cas, liées au marché mondial et au prix.

Il faut avoir en tête, puisque vous parlez de 40 ans, ces cinq dernières années, du prix de 2004 à 2005. Regardez comment a évolué le prix de vente de l’uranium et comment ont évolué les recettes. En 2004-2005, le prix de vente était de 25.000 F environ (38 euros), aujourd’hui, il est de 73.000 F. Nous avons donc multiplié par 3 le prix et, à la même période, les recettes de l’Etat du Niger ont été multipliées par onze (11). Je parle des recettes directes globales, c’est-à-dire les dividendes, les recettes fiscales, les taxes, les différents impôts. Vous voyez, c’est grand mais ça, c’est l’évolution du prix du spot de 25.000 à 73.000 F. Naturellement, on aimerait tous avoir plus de recettes et contribuer encore plus au développement du pays. Je sais que ce n’est jamais suffisant mais en tout cas, ce que l’on peut voir ici, c’est que les recettes ont été très importantes et ont été même au-delà de l’évolution du prix. Par conséquent, à la même période, les entreprises, c’est à dire la Somaïr et la Cominak, puisque je parle d’elles, ont amélioré leurs performances industrielles et ont augmenté la production. On produisait 3 000 tonnes d’uranium par an et on sera à 4 500 tonnes l’année prochaine.

Les retombées économiques augmentent en fonction du prix mais aussi grâce à l’augmentation de la production et à l’amélioration de la performance parce qu’on a fait profiter à Areva, en tant qu’opérateur, le savoir-faire de l’ensemble des mines. Ce qui fait du Niger un pays de premier plan en terme, non seulement de production, mais aussi dans les standards. Nos mines soutiennent la comparaison aux meilleures mines mondiales en terme de performance. La réalité, le besoin du pays nécessite plus de recettes, plus d’argent. Sur dix ans, les recettes de l’uranium ont été multipliées par plus de dix alors que le prix n’a pas augmenté dans la même proportion. Le prix n’a pas connu la même progression.

Afrik.com : Le Niger peut-il un jour avoir de l’uranium et des combustibles de base pour produire de l’énergie et de l’électricité d’origine nucléaire ?

Imad Toumi :
Le Niger, de par sa position de producteur, a déjà un certain nombre d’atouts, notamment, celle d’avoir de l’uranium et des combustibles de base pour produire de l’énergie et de l’électricité d’origine nucléaire. Ceci dit, comme vous le savez, la production de l’électricité nucléaire est un long chemin, il y a tout un préalable pour être en mesure d’exploiter ce type de centrale mais gérer également l’ensemble du cycle nucléaire, c’est dire, le combustible mais aussi le fonctionnement des centrales, leur maintenance et le traitement des déchets et toute la gestion de la sûreté nucléaire. Avoir de l’uranium, c’est un atout mais beaucoup de choses restent encore à faire, en terme d’expertise et en terme de compétences. En terme plus technique, une centrale nécessite des capacités de refroidissement, en général au bord du fleuve ou au bord de la mer. Ça peut aussi poser quelques soucis au Niger. Au-delà des capacités techniques et financières pour construire une centrale nucléaire, il y a une préparation par les autorités qui s’occupent du nucléaire, la capacité du pays pour pouvoir exploiter une centrale. Je ne dirais pas que c’est impossible mais il faut commencer par le début. J’ai pu comprendre qu’il y a quelques groupes de travail, on tente de lancer, de réinitier le type de compétence. Au niveau aussi de la Cedeao, vous savez, en terme de capacité, pour construire une centrale nucléaire de quelques centaines de Mwatt, il faut vous dire que vous construisez pour tout le temps et il faut avoir aussi un réseau de distribution et disposer de la capacité d’écouler cette énergie. Une centrale est plus viable au niveau de la sous région, dans des espaces économiques plus larges. C’est tout à fait envisageable au niveau de la sous région. En tout cas, c’est un joli projet qui prendra des années, du temps.

L’avenir du Niger et d’Areva sera, j’en suis sûr, plus radieux. En tant que partenaires de longue date, il y a, certes, quelques difficultés, mais on a toujours su surmonter les difficultés. Je suis complètement convaincu que nous saurons aussi surmonter les difficultés que l’on peut connaître aujourd’hui. Pour moi, l’avenir réside dans un partenariat sincère qui soit durable, qui soit gagnant- gagnant, transparent entre nous, aussi bien pour l’exploitation des mines que sont la Cominak, la Somaïr que pour le développement d’Imouraren. Notre souhait, notre volonté, c’est d’accompagner en fait le Niger pendant encore, j’espère, quelques dizaines d’années. Nous investissons pour le projet Imouraren, projet gigantesque pour doubler la capacité de production du Niger, nous investissons, nous allons investir- nous avons déjà investi, plusieurs centaines de milliards- plus de mille milliards de francs dans les prochaines années. Vous voyez, nous n’allons pas investir une telle somme si on ne croyait pas en l’avenir, si on n’a pas confiance dans le partenariat avec l’Etat du Niger.

Afrik.com : Parlez-nous du grand Projet d’Imouraren ! A quelle date va t-il réellement démarrer ?

Imad Toumi :
C’est un grand projet et comme tout grand projet, c’est difficile de le réaliser dans une région que vous connaissez difficile, soumise à des conditions de sécurité qui sont encore très difficiles et j’avoue que la situation est, aujourd’hui, plus stable. Je salue le gouvernement qui a mis tous les efforts nécessaires pour qu’on puisse travailler dans des conditions satisfaisantes de sécurité.

Ce sont ces difficultés qui ont amené, malheureusement, le décalage, chaque année, de la date d’entrée en production. Les conditions de sécurité et des situations logistiques très difficiles. Nous faisons face à certaines difficultés avec les entreprises de construction. Ce qui peut causer un peu de retard dans le projet, dans les mois qui viennent. Maintenant, nous sommes complètement mobilisés. Je vous invite à aller voir ce que nous comptons réaliser dans un proche avenir.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News