La crue exceptionnelle du fleuve Niger, due à une importante pluviométrie, a fait au moins 5500 sinistrés à Niamey, capitale de la République du Niger. Un phénomène d’une telle ampleur n’avait pas été observé depuis 1929. Explications scientifiques.
Docteur de Sciences Naturelles au Centre de Recherches Hydrologiques de Yaoundé au Cameroun, Daniel Sighomnou, consultant permanent pour l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Nigeria, Tchad et Niger), est spécialiste des problèmes hydrologiques dans cette région. Pour Afrik.com, le chercheur explique les causes de cette crue hors norme.
Afrik.com : Pour l’instant, seul le Niger semble touché. Y a-t-il d’autres inondations prévues dans les autres Etats membres de l’ABN ?
Daniel Sighomnou : Une partie importante des eaux responsables des inondations à Niamey vient des affluents du fleuve Niger qui prennent leur source au Burkina Faso, pays membre de l’ABN. Ces eaux résultent de précipitations exceptionnelles enregistrées dans la période du 21 au 31 juillet 2010 sur cette partie du bassin versant du Niger. Ces précipitations ont été, entre autres, à l’origine de débordement de certains petits barrages de retenue d’eau au Burkina, notamment le barrage de Ziga (d’une capacité de 200 millions de m3) qui a atteint un taux de remplissage de 137% le 26 juillet 2010 contribuant à accroitre l’ampleur des inondations. D’autres localités situées en aval de Niamey peuvent également être touchées par les mêmes eaux d’inondation, notamment celle de Malanville à la frontière Niger-Bénin et certaines régions du Nigeria. Toutefois, on peut logiquement penser que l’ampleur des inondations va aller décroissant d’amont en aval.
Afrik.com : Il est établi que la crue est due à d’importantes précipitations… Pouvait-on la prévoir ?
Daniel Sighomnou : De nos jours, on sait prévoir les précipitations avec une certaine précision. Des institutions comme l’ACMAD basée à Niamey ainsi que les services météorologiques des pays de la région élaborent régulièrement de telles prévisions. Mais il faut disposer d’outils performants qui permettent de faire la transformation entre la quantité de pluie tombée et le débit que cela engendrera pour prévoir les inondations avec précision sur un bassin versant de près de 2 millions de km² comme celui du Niger. L’Autorité du Bassin du Niger dispose en ce moment d’un réseau de 105 stations hydrométriques pour le suivi des écoulements du fleuve, mais certains équipements utilisés ne permettent pas de faire la transmission des données en temps réel afin de permettre de faire des prévisions de tels événements sur l’ensemble du bassin. Des efforts sont en train d’être faits pour remédier à la situation et un logiciel de prévision des écoulements sur une bonne partie du réseau est en cours de développement à l’ABN. Il permettra à terme de faire des simulations d’écoulement qui peuvent aider dans la prévision des inondations au moins sur certaines parties du bassin du Niger.
Afrik.com : Existe-t-il des digues le long du fleuve pour éviter ce genre de catastrophe ?
Daniel Sighomnou : Le fleuve Niger est endigué par endroit, mais il est bien connu que la protection absolue contre les inondations n’est techniquement pas possible et n’est par ailleurs pas toujours souhaitable du point de vue écologique.
Des travaux d’approfondissement ou d’élargissement du chenal d’écoulement sont prévus sur certains biefs[[nom donné aux petits affluents d’un fleuve]] du fleuve, notamment au Nigeria. La construction de trois barrages structurants (Fomi en Guinée, Taoussa au Mali et Kandadji au Niger) est également envisagée dans un très proche avenir. Ces barrages contribueront à terme, entre autres, à l’écrêtement des crues. Il est à noter également que le projet de lutte contre l’ensablement du fleuve Niger actuellement en cours à l’ABN, contribue à la régénération de la végétation sur certaines parties du bassin et par ricochet à la diminution du taux de ruissellement des eaux de pluie, diminuant de fait les risques d’inondation.
Afrik.com : On s’inquiétait de l’assèchement du fleuve Niger, les précipitations exceptionnelles qui s’abattent actuellement sur la région vont elles permettre de le réapprovisionner suffisamment en eau ?
Daniel Sighomnou : La baisse des débits du fleuve Niger est le résultat d’une baisse généralisée des précipitations dans la région depuis le début des années 1970. Si les précipitations revenaient à leur niveau des années 1950-1960, on devrait logiquement s’attendre à une inversion de la tendance actuelle. Une situation comparable (mais d’une durée plus courte) avait été connue dans la région durant les années 40, mais les écoulements avaient repris avec les abondantes précipitations des années 50 et 60.
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