Alors que les législatives se tiennent mardi, l’avenir semble s’obscurcir pour le Président nigérien Mamadou Tandja. La Cédéao a pris ce week-end des sanctions à son encontre, après l’échec du nouveau Premier ministre Ali Badjo Gamatié à faire évoluer la position de Tandja. L’Union africaine et l’Union européenne pourraient rapidement suivre l’organisation ouest-africaine dans cette voie. Plusieurs journées d’action ont visé au mois d’octobre à alerter la communauté internationale, pour exiger la restauration de l’ancien ordre constitutionnel.
« Les sanctions ne vont pas tarder à s’accumuler contre le Président Mamadou Tandja, par un effet domino », affirme Mohamed Bazoum. Le vice-président du Parti nigérien pour la démocratie et lesocialisme (PNDS), la principale organisation d’opposition du Niger, réagit ainsi à l’annonce, ce samedi par la Cédéao, de sanctions à l’encontre du pouvoir.
Cet élément nouveau relativise l’importance des élections législatives, prévues mardi. Chacun sait qu’elles seront largement favorables au parti présidentiel, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD), puisque s’y présentent quasi exclusivement des alliés du pouvoir. L’opposition a décidé en septembre un boycott du processus électoral, qui commence à porter ses fruits en terme de visibilité internationale.
Le référendum d’août jugé anticonstitutionnel par la Cédéao
Mamadou Tandja a reçu dimanche une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) comprenant la présidente du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf, l’ancien président nigérian et médiateur Abdulsalami Abubakar, ainsi que le secrétaire exécutif de la Cédéao, Mohamed Ibn Chambas. Le Président nigérien a refusé la demande de l’organisation ouest-africaine de voir reportées sine die les élections législatives.
Ces dernières sont organisées selon la nouvelle Constitution, adoptée en août par un référendum. Mais la Cédéao a considéré samedi lors d’un sommet à Aduja, au Nigeria, que l’adoption du nouveau texte s’était faite « à l’encontre de l’esprit et la lettre de la Constitution du pays ». Une déclaration qui rejoint la position de l’opposition, rassemblée au sein de la Coordination des forces démocratique pour la République (CFDR).
Le porte-parole du gouvernement, Moctar Kassoum, a confirmé à RFI la tenue des élections législatives, y voyant « une exigence de la démocratie, de l’Etat moderne et de la civilisation universelle ». Le pouvoir a de plus appelé à un vote massif : la participation sera le principal enjeu du scrutin de mardi.
Pluie de sanctions en perspective pour Tandja
Les sanctions commencent pourtant à tomber. La Cédéao a voté le refus de soutenir toute candidature nigérienne à des postes dans des institutions internationales et le refus de tenir sommet au Niger, pourtant membre de l’organisation. La tenue des élections ce mardi entraînera une prise « automatique et immédiate » de sanctions contre le Niger. Cette « décision unanime et courageuse » a été saluée dimanche sur RFI par l’ancien Premier ministre Hama Amadou.
Le refus du Niger de prendre en compte l’avis de la Cédéao est le signe, pour le vice-président du PNDS, Mohamed Bazoum, que « le nouveau Premier ministre Ali Badjo Gamatié a déjà échoué dans sa démarche ». Figure relativement reconnue au plan international, ancien vice-président de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (Bcéao), l’homme est plutôt respecté par le PNDS. Mais sa nomination le 2 octobre n’aura pas suffi à redorer l’image du pays à l’international.
« Il n’a pu convaincre Tandja, et maintenant les acteurs internationaux vont sanctionner le Niger les uns après les autres », analyse Mohamed Bazoum. Selon lui, l’Union africaine et l’Union européenne devraient à présent agir rapidement. « Les mesures internationales qui sont en passe d’être prises le sont habituellement après un coup d’Etat, c’est dire si la situation est grave ! ».
Un activisme qui ne faiblit pas
Plusieurs milliers d’opposants ont défilé samedi à Niamey, le jour du sommet de la Cédéao, pour l’appeler à intervenir. L’autorisation d’un tel rassemblement est selon Mohamed Bazouf un signe que le pouvoir n’ignore pas totalement la pression internationale.
Dans un communiqué, la CFDR a appelé Mamadou Tandja à quitter le pouvoir au plus tard le 22 décembre, conformément à la Constitution du 9 août 1999. Le Président s’est en effet vu prolonger son mandat jusqu’en 2012 dans la nouvelle Constitution. « Notre pays vit quasiment en état d’exception » derrière un « vernis démocratique », a dénoncé la coordination.
La revendication d’un retour à l’ancien ordre constitutionnel a par ailleurs mené les députés de l’Assemblée dissoute en mai à se rassembler, le 8 octobre, pour ouvrir une nouvelle « session ordinaire » du Parlement. Les députés ont été convoqués le lendemain au commissariat, accusés d’avoir tenu une réunion illégale.
La suite du mouvement ne sera pas facile pour l’opposition. Mohamed Bazoum évoque le « seuil symbolique » du 22 décembre, « à partir duquel le Président dirigera le Niger dans l’illégalité, au regard de la Constitution de 1999 ». Selon le vice-président du PNDS, « Tandja se projette dans l’éternité : il se veut au pouvoir jusqu’à ce que son fils le remplace ». Ne subsiste pour l’opposition qu’une solution : « continuer la lutte ».