Si Nicolas Sarkozy était élu président de la France, quelle politique étrangère mènerait-il ? Quelles relations entretiendrait-il avec l’Afrique en matière d’immigration, de développement et de diplomatie ? Des questions que le candidat UMP, favori dans la course à l’élection présidentielle 2007, a abordées lors de sa conférence de presse sur la politique internationale tenue mercredi, à Paris.
C’est à l’hôtel Méridien Montparnasse, à Paris, dans une salle archi comble, que le ministre français de l’Intérieur et candidat UMP aux élections présidentielles 2007 a présenté à la presse son programme en matière de politique internationale, partagé en trois grands objectifs : assurer la sécurité et l’indépendance de la France et des Français d’abord, et de ses amis et alliés ensuite ; promouvoir les libertés et les droits de l’homme sur la scène internationale ; et enfin, promouvoir les intérêts économiques et commerciaux de la France. L’essentiel de son discours était axé sur l’Europe et le Proche Orient, l’Afrique n’y occupant qu’une part mineure. D’ailleurs, à une question posée par la salle après son intervention au sujet des priorités de la diplomatie française s’il était élu président, il a répondu : « nous redéploierons notre force diplomatique sur cette partie du monde qu’est l’Asie », car c’est une région qui a « un potentiel de croissance immense ». Toutefois, il a pris soin de préciser que l’Afrique ne serait pas abandonnée par la France.
Rompre avec le temps des réseaux Françafrique
Nicolas Sarkozy s’est, au cours de son intervention, positionné en tant que candidat du changement, et même de la rupture s’agissant de la gestion des relations entre la France et l’Afrique. « Il nous faut les débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autres mandats que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés, notamment avec nos partenaires africains et arabes. » Appelant à plus de « transparence », il a voulu prendre ses distances avec l’image qu’ont laissé les précédents et actuel présidents français.
Bien qu’entretenant lui-même des rapports personnels avec certains présidents africains tels qu’Ahmadou Toumani Touré, Omar Bongo ou Denis Sassou Nguesso, il a promis de soulager la politique étrangère française d’une partie du poids que font peser sur elles les relations personnelles entretenues avec les chefs d’Etat. « Nous ne devons pas non plus nous contenter de la seule personnalisation de nos relations, a-t-il dit. Les relations entre des Etats modernes ne doivent pas seulement dépendre de la qualité des relations personnelles entre chefs d’Etat, mais d’un dialogue franc et objectif, d’une confrontation des exigences respectives, du respect des engagements pris et de la construction d’une communauté d’intérêts à long terme. »
Promouvoir la paix et la démocratie
Nicolas Sarkozy a défendu l’idée que la défense des libertés et des droits de l’homme, qui ont « une vocation universelle », seraient le fondement sur lequel il appuierait sa politique internationale. Sur cette base, l’une de ses priorités serait le règlement du conflit du Darfour car, a-t-il déclaré, « notre indifférence face aux 200 000 morts des massacres ethniques du Darfour » n’est pas tenable. « Il y a urgence à agir pour que le Darfour ne reste pas une page honteuse de notre propre histoire, a-t-il ajouté. Nous devons tout faire pour que les engagements de cessez-le feu soient respectés par toutes les parties, et le déploiement d’une force nationale facilité. » Puis, évoquant les pays d’Afrique du nord et plus largement du monde arabe, il a affirmé que « le grand débat du monde arabo-musulman est désormais la confrontation entre les régimes démocratiques et modérés et les forces obscurantistes. Nous devons tout faire pour conforter les régimes modérés. »
Réduire la présence militaire française sur le continent
Le candidat UMP à la présidentielle a évoqué la présence des bases militaires françaises en Afrique. Reconnaissant qu’elles posaient problème dans l’opinion publique africaine, il a précisé qu’il estimait que la contestation de leur présence émanait surtout de « la jeunesse africaine ». L’armée française, cette année encore, est intervenue au Tchad et en Centrafrique pour défendre les régimes en place contre leurs opposants armés. Précisant que sa mission est d’assurer la « stabilité », il a concédé que ces bases « conduisent parfois la France à devoir s’impliquer dans une crise, à titre humanitaire, pour préserver la sécurité des populations civiles et des ressortissants étrangers. Ces interventions sont parfois mal comprises, en Afrique comme en France. Ce sont toujours des décisions difficiles, que l’on est contraint de prendre dans l’urgence, qui consistent à choisir entre deux mauvaises solutions. » Pour lui, ce dilemme est le suivant : « Soit la France n’intervient pas, et on l’accuse de manquer à ses engagements bilatéraux et d’abandonner des gouvernements souverains et des peuples en détresse ! Soit elle intervient, et on lui reproche de s’ingérer dans les affaires intérieures d’un Etat souverain ! »
Selon Nicolas Sarkozy, la France intervient en Afrique, faute de candidats pour venir en aide aux Etats et populations menacés. « Sans doute devons-nous réfléchir davantage aux moyens d’anticiper ces crises, de les prévenir avec l’Union africaine. Cela passe par le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, auquel la présence militaire française doit aider. » Mais il s’est déclaré favorable à une réduction drastique de la présence militaire française sur le contient : « à mon sens, cette présence devra être limitée au stricte minimum lorsque l’Union africaine se sera dotée d’une capacité stratégique et militaire capable de rétablir elle même la légalité internationale sur le continent. Je souhaite donc que l’armée française reste au service de la sécurité de l’Afrique, mais sous mandat de l’ONU et de l’Union africaine. »
Pour mieux traiter les crises, il a proposé, comme Jacques Chirac lors du dernier Sommet France-Afrique, à Cannes, de conforter le multilatéralisme, de renforcer, entre autres, le Conseil de sécurité des Nations Unies en l’ouvrant aux pays du sud. « L’Afrique comme l’Amérique latine doivent également y être représentés, a-t-il affirmé. »
Soutenir le développement du nucléaire civile
Abordant les sujets de la sécurité et de la coopération, Nicolas Sarkozy a proposé que la France contribue au développement du nucléaire civile dans les pays émergeants. Cet effort pouvant permettre, selon lui, de combattre le développement des extrémistes qui font leur lit sur les inégalités Nord/Sud et la misère. Présentant le nucléaire comme « l’énergie du futur », il a défendu l’idée que l’Algérie devrait être le premier pays dans lequel ce transfert de technologie serait réalisé. « Je souhaite par exemple proposer à l’Algérie, avant d’autres Etats, de l’aider à développer une capacité nucléaire civile en échange d’un partenariat sur l’exploitation des champs gaziers, a-t-il déclaré. Dire ceci, c’est aussi pour moi une façon de dire à l’Iran qu’une coopération est possible. » Pour éviter les éventuels détournements militaires, il a recommandé la création d’une « banque mondiale du combustible nucléaire civile ». Aux réserves émises par certains journalistes dans la salle, il a répondu : « Est-ce que vous pensez qu’on a intérêt à avoir un régime taliban en Algérie ? » Par ailleurs, il n’a pas manqué de souligner les intérêts financiers que la France aurait à tirer d’une exportation de son savoir faire dans le domaine du nucléaire civil.
Ce projet s’inscrirait dans l’un de ses objectifs prioritaires : « Bâtir une Union de la Méditerranée » Une Union qui devrait « prendre en charge des questions de lutte contre le terrorisme, la gestion concertée des migrations, le développement économique et commercial et la promotion de l’Etat de droit dans la région. »
Une aide au développement plus sélective
Nicolas Sarkozy a salué l’effort accompli par Jacques Chirac en terme d’augmentation de l’aide publique au développement, sans préciser s’il la poursuivrait. Il a cependant précisé qu’il veillerait à ce que les critères de son attribution soient plus strictes. « Nous ne devons plus accepter que l’aide au développement puisse devenir une prime à la mauvaise gouvernance et aux régimes prédateurs, a-t-il déclaré. De même la corruption doit cesser d’être regardée avec complaisance comme un mal inévitable. La France devra donner la priorité à ceux des pays d’Afrique, et pas seulement des pays francophones, qui respectent ces principes. »
Par ailleurs, comme il l’avait fait lors de ses visites au Mali et au Bénin en mai dernier, il a affirmé que la France devra « bâtir une grande politique de co-développement. Elle consistera à mobiliser le dynamisme, la compétence, l’épargne des migrants en France dans l’intérêt du développement de leurs pays. Enfin, l’autre axe de cette politique doit consister à généraliser le recours au micro-crédit et les aides aux micro-projets. »
Ne plus considérer l’Afrique comme une chasse gardée
Interrogé sur les conquêtes de marchés, de plus en plus nombreuses, réalisées par les Américains et les Chinois sur le continent africain, il a répondu : « Je ne suis pas de ceux qui s’effrayent de l’expansion économique chinoise ou américaine en Afrique (…). L’Afrique n’est pas notre pré-carré, même si nous y avons une histoire, une ambition, des partenaires ». Il a de plus estimé que la présence de ces concurrents étaient « une bonne chose pour l’Afrique ». Toutefois, il a défendu l’idée d’une politique économique offensive de la France, et de l’Union européenne qui « ne doit donc plus hésiter à faire valoir avec force ses intérêts commerciaux et se doter des mêmes moyens que ses partenaires dans la concurrence internationale. »
Toujours ferme sur la question de l’immigration
Nicolas Sarkozy était aussi attendu sur le dossier de l’immigration, un sujet qu’il n’a guère développé. Il a réaffirmé son souci de fermeté dans le traitement de l’immigration clandestine et la nécessité de collaborer avec les pays d’origine des migrants : « En matière d’immigration, nous devons arriver à une gestion concertée des migrations entre pays d’accueil, pays d’origine et pays de transit, tout en étant particulièrement fermes dans la lutte contre l’immigration illégale. » Il s’est voulu rassurant quant à l’accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises, considérant leur venue comme « indispensable ». Il a rappelé qu’il avait proposé à ses collègues ministres de l’Intérieur un « Pacte européen sur l’immigration ». De plus, il a émis le souhait « d’ouvrir le grand chantier d’un traité sur les migrations internationales », afin de pouvoir, à terme, réguler le phénomène migratoire à l’échelle mondiale.
En présentant son projet de politique internationale, Nicolas Sarkozy a revêtu une pièce de plus de son costume de présidentiable.
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