Nicolas Sarkozy, Faudel, Abdelkader et la « repentance »


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L'émir Abdelkader
L'émir Abdelkader

Ce n’est pas sans surprise que l’on a entendu Faudel interpréter une chanson évoquant l’émir Abdelkader, résistant algérien à la colonisation française, dimanche, à Paris, lors de la soirée de victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Le candidat de l’identité nationale avait répété trois heures plus tôt qu’il voulait en finir avec la « repentance ».

L’émir Abdelkader vote-t-il Sarkozy ? Lors des deux grands meetings de campagne parisiens du président de l’UMP, au Zénith et à Bercy, Faudel a interprété son dernier tube, Mon pays, en l’honneur de son candidat. Le chanteur y dit son attachement à la France, son pays, donc. L’idée d’évoquer ce thème lui est venue lorsque Pascal Obispo, avec lequel il a écrit son dernier album, lui a proposé de « faire des trucs de [son] pays », l’Algérie… Incompréhension. La chanson dit ce que ressentent tant d’autres Français sans cesse ramenés à leurs origines. Elle était parfaitement appropriée de la part de l’ancien minot de Mantes-la-Jolie, dans son rôle de Français issu de l’immigration.

Mais sa prestation, dimanche soir, sur la place de la Concorde, devant 30 000 personnes venues fêter la victoire du candidat de l’identité nationale, l’était-elle ? Faudel s’est attaqué à un tout autre registre en démarrant son tour de chant avec le titre Abdelkader. Etrange sensation que d’entendre dans ce contexte démarrer la sublime chanson de Cheb Khaled, qui, sur des airs de violons, oud et darbouka, évoque avec emphase le chef de guerre et penseur musulman Abdelkader Nasser Din. L’émir a combattu l’armée française de 1832 à 1847, à la tête de tribus de l’ouest de l’Algérie, avant de se rendre. Après la guerre d’indépendance, Alger en a fait un symbole de la résistance à la France et le fondateur de l’Etat algérien, qui réclame aujourd’hui des excuses officielles de la France pour son passé colonial.

Une requête que le futur président français ne semble pas prêt à satifaire. Trois heures avant le début des festivités à la Concorde, Nicolas Sarkozy avait répété lors de son discours de victoire électorale qu’il voulait « en finir avec la repentance, qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires, qui nourrit la haine des autres ». Cette formule de « repentance », d’autres la remplacent par le terme moins religieusement connoté et sans doute plus juste de « reconnaissance ». L’adoption de la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation – aujourd’hui abrogée – avait catalysé le débat autour de cette question. D’éminents historiens s’étaient élevés pour dire qu’« il n’y a pas d’histoire officielle à imposer » aux enseignants et qu’il est difficile de parler du rôle positif sans évoquer le négatif… Depuis, Nicolas Sarkozy pense que des « repentants » se sont fixés pour but de culpabiliser le peuple français. S’il reconnaît les « crimes et injustices » commis par la colonisation, le président de l’UMP, se référant à Camus, préfère que l’on parle de l’Algérie comme d’une « histoire d’amour ». Le Premier ministre algérien Abdelaziz Belkhadem a, quant à lui, déclaré vendredi dernier dans Le Monde que Nicolas Sarkozy souhaite ni plus ni moins « réhabiliter l’OAS (Organisation de l’armée secrète) »…

Personnage controversé aux multiples facettes, Paris retient de l’émir Abdelkader qu’il a aussi été un ami de Napoléon III et de la France, lors de sa captivité dans l’Hexagone, et qu’il a reçu la Légion d’honneur, de même qu’il aurait été fait franc-maçon – ce que conteste Alger. Alors, acte de subversion de la part de Faudel ou le petit prince du raï fait-il au contraire d’Abdelkader un adepte de la non « repentance » ? A moins que l’artiste ait simplement chanté ce titre parce qu’il a remarqué que le public français aimait particulièrement se trémousser sur son rythme, lorsqu’il l’a interprété avec Khaled et Rachid Taha, dans le spectacle « 1, 2, 3, Soleils » ?

Dimanche, il ne s’est en tout cas pas arrêté à Abdelkader. Faudel a enchaîné avec un monument de la chanson algérienne, Ya Rayah, de l’immense Dahmane el Harrachi. Le chanteur de chaâbi algérois a fait venir les larmes à des générations de migrants avec cette chanson où il évoque la douleur d’être loin de chez soi. Sans doute s’est-il retourné dans sa tombe lorsqu’il l’a entendue raisonner en l’honneur de l’ancien ministre de l’Intérieur. Rachid Taha, qui en a fait un succès planétaire dans les années 1990, se débattait pour sa part sur un plateau de la chaîne privée M6 pour dire son rejet du nouveau président de la République.

Faudel et Nicolas Sarkozy à Bercy sur Youtube :

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