Une plage idyllique a besoin d’être entretenue et peut même contribuer au développement local. A Ngor, au Sénégal, les autorités locales en donnent la preuve avec la gestion concertée de la plage mise en place en 2005.
Ngor est une presqu’île huppée, qui se trouve à 20 minutes de la capitale sénégalaise, Dakar. Réputée pour être un paradis, elle attire toute l’année des touristes, notamment le week-end où les Dakarois viennent se distraire sur sa plage. Au fil des années, ce lieu de villégiature est devenu un dépotoir et les noyades se sont multipliées : trois par semaine en moyenne. A la faveur des élections municipales, Ngor va connaître une petite révolution politique qui va changer le visage de la plage. « Nous sommes arrivés à la mairie de Ngor en 2002 avec une liste indépendante. Le pari était très risqué compte tenu de la suprématie des grands partis dans la vie politique sénégalaise », explique le maire de Ngor, El Hadj Mamadou Kane. Nous sommes des représentants de la société civile qui ont décidé de s’engager au service de la communauté et prendre en charge les questions de développement local ».
La démocratie locale pour s’assumer
A Ngor, la question de la gestion de la plage est devenue cruciale et pose des problèmes de cohésion sociale. Il faut concilier les intérêts des pêcheurs, des plagistes et des touristes. Une large consultation est menée et tient compte de deux impératifs majeurs.« Il y avait deux aspects à prendre en compte. Le premier était environnemental. Les gens venaient par exemple sur la plage avec leurs fourneaux, faisaient leur cuisine et laissaient souvent derrière eux leurs déchets en la quittant. Le second aspect concernait la sécurité : il fallait trouver un moyen d’éviter les noyades devenues récurrentes.» En 2005, le comité de gestion de la plage, mis en place par la Commission environnement, pêche et tourisme du conseil municipal, est installé. Il est constitué de l’association des plagistes, de celle des pêcheurs et des responsables municipaux. « Un ticket d’entrée de 200 F CFA (environ 30 centimes d’euros) a été fixé, ce qui est très inférieur au tarif de 1500 francs que pratique en général les plages privées.» La plage est aménagée, des balises de sécurité délimitent la zone de baignade, des maîtres-nageurs, formés par les sapeurs-pompiers, sont déployés. Mais aussi des surveillants, des balayeurs et des guichetiers. Une cinquantaine d’emplois sont ainsi créés. « Les recettes générées sont entre autres affectées au paiement des salaires, précise El Hadj Mamadou Kane. Elles constituent également l’assiette d’une taxe municipale de 15%. Le reste des sommes perçues est consacré à 30% à la gestion environnementale, 10% vont à la caisse villageoise, 15% sont versés à l’association des pêcheurs et 20% à l’association des plagistes. »
La municipalité de Ngor, qui a le soutien des Verts sénégalais, s’est offert une autonomie tout en préservant son patrimoine touristique et environnemental. Elle a aussi réussi à trouver une solution au chômage des jeunes. Les ressources propres de la mairie de Ngor lui permettent de « résoudre des problèmes concrets », souligne El Hadj Mamadou Kane. « Nous avons pu investir 30 millions de F CFA dans la construction d’une école. Ce qui relève des prérogatives de l’Etat.» Pour le premier responsable de la commune de Ngor, « les élites africaines doivent s’engager à tous les niveaux pour participer à la gestion de leur pays, notamment au niveau local. En général, les politiciens africains font de la politique leur gagne-pain. Faire de la politique, c’est avant tout se mettre au service de ses concitoyens. » Pour sa gestion de la plage, la mairie de Ngor a été sacrée lauréate, dans la catégorie Autorité locale, du concours Harubuntu, lancé cette année et qui a pour ambition de valoriser les potentiels africains. El Hadj Mamadou Kane voit dans cette récompense le signe d’un encouragement pour sa mairie, un véritable exemple de démocratie locale, qui souhaite-t-il, suscitera des vocations au Sénégal.