Mohamed Hamidi filme un rocambolesque retour aux sources pour le héros de « Né quelque part ». Le premier long métrage du réalisateur franco-algérien a été projeté en séance spéciale ce mardi au Festival de Cannes. Pour son premier rôle au cinéma, Tewfik Jallab partage l’affiche avec Jamel Debbouze.
Au nom du père. Farid, 26 ans, doit se rendre en Algérie pour sauver la maison et les terres familiales, menacées par la construction d’un gazoduc entre la France et l’Espagne. Le jeune homme, qui poursuit des études de droit, est né en France et il ne connaît rien à ce pays auquel tout le rattache pourtant. La joie des retrouvailles fait très vite place à une situation inconfortable quand son cousin lui dérobe son passeport français pour rejoindre cette autre terre rêvée.
Mohamed Hamidi raconte une histoire qui lui est familière. Comme elle relève du vécu pour Tewfik Jallab qui incarne Farid pour son premier rôle au cinéma. Les premières images de Né quelque part racontent le bonheur de renouer avec des racines, jusque-là inconnues, bien que la mission de Farid paraît des plus ardues. Un rendez-vous auprès de l’administration suffira à l’en convaincre. Empêcher l’Etat algérien d’exécuter un projet économique d’envergure, parce qu’il menace les maisons de villageois, est loin d’être une sinécure. Mais l’exubérance de son cousin, interprété par Jamel Debbouze, donne toujours plus de chaleur à ce séjour. Très vite aussi, le héros de Mohamed Hamidi est confronté aux difficultés de cette jeunesse algérienne qui vit pourtant dans l’un des plus importants producteurs de pétrole au monde. Emigrer en France est « la » solution, la fin de tous leurs maux. Notamment pour son cousin, conforté par l’histoire familiale qui, en d’autres circonstances, aurait peut-être fait de lui un Français de naissance.
Si l’identité, c’était se choisir….
Le cinéaste franco-algérien, co-fondateur de l’Association Alter-Egaux qui accompagne les jeunes issus des quartiers populaires dans leurs choix de formation et de carrière professionnelle, développe un point de vue rarement évoqué. Pour beaucoup de jeunes Français, dont les parents sont issus du Maghreb ou d’Afrique sub-saharienne, la terre des origines s’apparente souvent à un idéal face aux difficultés d’intégration dans leur pays. Si le héros de Né quelque part est un succès en la matière, il n’échappe pas pour autant à ce fantasme. Ses relations avec la belle petite-fille de son vieux voisin en sont l’allégorie. Cependant Hamidi prend soin de démontrer que le fantasme n’est qu’un fantasme. Face à la réalité, il vole en éclats. Quand Farid perd son passeport, il panique à l’idée de devoir prolonger son séjour algérien. Il veut rentrer chez lui en France parce qu’il est tout simplement français. Ne le traite-t-on d’ailleurs pas d’ « immigré » quand il fait valoir ses droits sur sa terre ? Ce héros, à double face, est aussi l’occasion de rentrer dans la peau de ces nombreux jeunes Algériens qui choisissent l’immigration clandestine.
Le scénario de Né quelque part ne verse pas dans le manichéisme car il offre toujours une double perspective. La qualité des trajectoires des jeunes qui gravitent autour de ce « cousin de France » renforcent cette aventure humaine et identitaire. Il n’est pas difficile de dire oui au voyage proposé par Mohamed Hamidi. D’autant que les paysages algériens sont magnifiquement mis en lumière, l’histoire jolie et rafraîchissante. De quoi enrober parfaitement une analyse salvatrice. Il y va de l’avenir de beaucoup de jeunes Français qui peinent à trouver leur place chez eux. Entre ses origines et sa nationalité, il est toujours question de se choisir. De vivre sa vie là où elle doit être vécue sans pour autant se renier. Beau message pour le premier film de Mohamed Hamidi, économiste et journaliste, qui s’est trouvé un nouveau porte-voix : le cinéma. Né quelque part sera visible dans les salles obscures le 19 juin.
« Né quelque part » de Mohamed Hamidi.
Avec Tewfik Jallab, Jamel Debbouze et Fatsah Bouyahmed.
Sortie française : 19 juin 2013.