Nation, Place des Antilles emmène les spectateurs à travers les méandres de l’identité antillaise. Quelle est la place des Antilles dans la Nation française ? Qu’est-ce qu’être Antillais et enfant d’Antillais en France ? Comment se définir lorsqu’on a grandi loin de la terre de ses parents ? A travers ce film, tourné à Paris et en Martinique, Jil Servant, réalisateur et producteur de 32 ans, tente d’apporter des réponses à ces questions personnelles qui taraudent aussi nombre d’enfants d’immigrés. Le documentaire est diffusé ce mardi, sur Antilles Télévision (ATV).
Avec Nation, Place des Antilles, Jil Servant signe un documentaire personnel et attachant, qui explore avec humour le questionnement identitaire des Antillais nés en France et, au delà, de tous ceux qui vivent loin du lieu d’origine de leurs parents. Le film débute à la Place de la Nation, non loin de la Place des Antilles, à Paris, où le réalisateur a vu le jour et grandi, et dont le nom « sonne bien » à ses oreilles. Une façon, pour lui, d’enraciner sa réflexion dans un espace familier à partir duquel il se projettera jusqu’en Martinique. Sur ces images, un commentaire, qu’il dit lui-même, à la première personne : « Je suis de nationalité française, d’origine antillaise, martiniquaise du côté maternel pour être précis. Je suis un Deuxième génération. Noir français ou Français noir. Afro-européen ou euroblack, Afro-antillais, Bounty, et j’en oublie sûrement. Et en particulier, en tant qu’Antillais né en France hexagonale, je suis un Négropolitian, un Nègzagonal…. »
Jil Servant visite cette douleur de ne se sentir de nulle part, d’être considéré quelquefois comme un étranger d’un côté comme de l’autre de l’océan atlantique. Pourtant, lorsqu’il a commencé à travailler sur ce film, il avait une tout autre ambition. « Au départ, c’était une réflexion sur l’indépendantisme, a-t-il confié à Afrik.com. J’avais envie de savoir si j’étais indépendantiste. Donc je comptais faire le naïf et aller voir les indépendantistes que je connaissais pour leur demander de parler de ce mouvement. Mais en allant à leur rencontre, je me suis rendu compte combien évoquer ce sujet était difficile. Les indépendantistes sont encore là, mais on ne parle plus d’indépendance. » Ne parvenant pas à obtenir les témoignages qu’il souhaitait alors que sa réflexion sur les thèmes de l’identité et de la Nation s’affinait, son film est devenu plus personnel.
A la recherche d’une identité en voie de disparition ?
Il a toutefois pu convaincre certains indépendantistes martiniquais de témoigner – des hommes qui n’ont actuellement pas de responsabilités politiques. Parmi eux, son ami et ancien professeur de créole, l’écrivain Daniel Boukman. Et l’intellectuel Edouard Glissant, qui met en garde les actuels départements français contre « une menace de colonisation réussie ». « La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane certainement aussi pourraient devenir des pays qui deviendraient totalement français, déclare-t-il. C’est-à-dire avec toutes les réactions, les manières de faire, les préjugés de l’esprit français, qui feraient que ce seraient des pays morts du point de vue de l’initiative intellectuelle et culturelle. » Une analyse sans doute difficile à entendre pour de jeunes Antillais nés dans l’Hexagone qui, comme Jil Servant et la réalisatrice Véronique Kanor, l’une des intervenantes du film, s’interrogent sur leur culture, leurs racines.
Toutefois, même si de nombreux signes abondent dans le sens d’Edouard Glissant, d’autres, à travers les témoignages glanés à Paris et en Martinique, montrent que les résistances et la force de créativité des peuples Antillais sont encore vivaces. Et Nation, Place des Antilles, est un bel exemple de leur capacité de renouvellement.
Nation, Place des Antilles, réalisé par Jil Servant, In extremis Productions, 47min, 2007
Diffusé sur Antilles Télévision (ATV), le mardi 22 mai, à 21h25
Contacter le réalisateur : palavire@gmail.com