Nathalie Leonoff : « Chanter en langue africaine me tire vers le haut »


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La Cantatrice française Nathalie Leonoff, à la voix puissante, a chanté entièrement en langues africaines, dans son troisième album, « Dream Africa », qui vient de sortir. Cette éternelle amoureuse du continent passe aisément du zoulou, au wolof, au baoulé, ou encore à l’arabe. Elle présente à « Afrik.com » son incroyable opus. Rencontre.

Apprêtée comme si elle se rendait à une soirée de Gala, coquette jusqu’au bout des ongles, la cantatrice française Nathalie Leonoff est un petit bout de femme au caractère bien trempé mais surtout à la voix puissante, révélant son incroyable coffre. Quand elle se décide à nous chanter quelques uns de ses titres en langues africaines au beau milieu de la rédaction d’Afrik.com, les murs se sont mis à résonner. Passionnée par l’Afrique, difficile de l’arrêter une fois qu’elle se met à chanter : « Attendez, je peux vous la faire en zoulou ou même en wolof, allez c’est parti donc !», s’écrie-t-elle. Généreuse, les yeux rieurs, celle qui donne l’impression à ceux qui la rencontrent pour la première fois de les avoir toujours connus, est toujours très enthousiaste et émerveillée quand il s’agit de l’Afrique. « J’adore l’Afrique, je veux représenter l’Afrique », ne cesse-t-elle de dire de sa voix suave, terminant souvent ses phrases par des rires. Pas étonnant qu’elle aime tant le continent, le papa de sa fille unique est originaire de la Sierra-Léone, sans compter qu’elle a aussi vécu en Côte d’Ivoire. Elle a donc toujours eu un pied entre la France et l’Afrique, d’où notamment beaucoup de ses amis sont originaires. Face à tous ceux qui la décourageaient, sa détermination et son abnégation lui ont permis de réaliser son rêve : chanter en langues africaines. Auteure de deux autres albums, diffusé sur internet et distribué sur plateforme digital, « Dream Africa » représente l’aboutissement d’un long travail.

Afrik.com : Pourquoi teniez-vous tant à chanter en langue africaine ?

Nathalie Leonoff : J’ai voulu donner un clin d’œil à certains pays africains. Je chante dans différentes langues. Il y a un titre pour la Mauritanie en arabe littéraire, il y a un titre en moré pour le Burkina Faso, un autre titre pour le Mali en bambarra… J’aurai même pu chanter dans toutes les langues africaines et pour tous les Africains si je le pouvais. J’ai des titres en langues zoulou, en wolof, en germa qui est une langue du Niger. J’ai aussi fait un titre qui parle d’Alphadi pour lui affirmer ma reconnaissance, lui dire merci, et que nous l’aimons. C’est un message de reconnaissance pour tout ce qu’il fait pour l’Afrique.

Comment avez-vous rencontré Alphadi ?

J’ai rencontré Alphadi il y a quatre ans. Il m’a ensuite invitée au Festival international de la mode africaine (FIMA) pour y chanter. Il a su que je composais dans différentes langues et il a donc été séduit par ce que je faisais. Au Niger, j’ai été très bien accueilli. J’ai beaucoup aimé. Tout le monde là-bas m’a ouvert son cœur. Je retourne à la prochaine édition du FIMA ou Alphadi m’a de nouveau invitée pour chanter l’hymne nationale du Niger. J’ai fait en sorte d’arrondir pour respecter le texte initial de 1961.

Chanter en langues africaines n’est pas aisé. Comment s’est déroulée la préparation de l’album? Quelles ont été vos difficultés ?

?Les rythmes africains sont très beaux mais ne sont en effet pas du tout simples à intégrer. Pour atteindre mon objectif, j’ai fait appel à des amis qui m’ont soutenu dans mon projet et aider à écrire mes textes mais aussi à bien prononcer les mots des différentes langues. Il fallait respecter la culture de chaque pays, donc on m’a aidé à prononcer correctement, c’était le cas notamment pour le zoulou. J’ai appris peu à peu à chanter en plusieurs langues. Il fallait mettre ma voix en place. Il y a des choses que j’ai dû recommencer plusieurs fois pour que ce soit bien. On m’a aussi beaucoup découragée, en me disant que je n’y arriverai pas. Mais j’ai tenu car je savais que c’était possible, que je pouvais y arriver en étant concentrée et en y mettant de la bonne volonté. Rien n’est impossible. La preuve, l’album est fait. Au total, il m’a fallu un an et demi pour faire cet album. Si j’avais la possibilité de chanter dans d’autres langues africaines, je l’aurai fait.

Parlez-vous quelques unes de ces langues africaines ?

Non, je ne les parle pas, même si je les chante. En revanche, bien évidemment, je comprends les textes que j’ai écrits, et ce que je chante. Tout comme je chante en hindi, en allemand, en italien, en anglais…sans forcément parler ces langues. Bien que je comprends l’italien et l’anglais que je parle parce que ce sont des langues qu’on doit obligatoirement maîtriser pour faire de la musique classique. Mais je pense que je pourrai un jour parler une langue africaine si on m’aide à bien prononcer. Rien n’est impossible, il faut juste travailler régulièrement.

« Chanter en langues africaines m’apporte quelque chose en plus »

Dans quelle langue vous vous sentez le plus à l’aise ?

Je me suis sentie plus à l’aise à travers le Mali où les chants des griots font penser à l’opéra. J’avais d’ailleurs rencontré la chanteuse Faty Kouyaté qui me disait que sa maman chantait de l’opéra et que c’était une grande cantatrice. J’ai chanté sur scène avec des artistes d’Afrique, croyez-moi, c’est très fort et impressionnant !

Que vous apporte le fait de chanter en langues africaines ?

Je ne sais pas comment l’expliquer, mais chanter en langues africaines m’apporte quelque chose en plus. Ça me tire vers le haut et me donne une poussée d’adrénaline.J’en apprends aussi tous les jours en chantant avec des artistes africains. De toutes façons, le jour où je n’apprendrai plus rien en musique, j’arrêterai la scène. (Rires).

Pourquoi avoir intitulé le titre de votre album « African Dream » ?

« African Dream » c’est mon rêve tout simplement. Chanter en langues africaines était un rêve pour moi. Au début, j’ai hésité et puis je me suis? dis non pourquoi pas?, il ne faut jamais écouter les gens ils vont vous décourager. Très jeune, on me décourage?ait? aussi de faire de l’opéra, ?mais je me suis accrochée. Je suis née pour ça. Dieu m’a donné ce don, je devais l’exploiter. La rigueur que l’opéra demande me correspond. Je savais dès le début que j’allais devoir faire beaucoup de sacrifices. Tout cela pour dire que c’est le travail qui fait la réussite?. Il faut croire en soi, rien n’est impossible. Parfois, vous faîtes des rencontres et c’est à vous d’ouvrir les yeux pour en saisir les opportunités. Il faut rester simple et humble. Il faut aimer les gens. On a toujours quelque chose à apprendre de l’autre.

Quel est le message principal que vous avez voulu délivrer à travers cet album ?

C’est un message de paix. Les titres que je chante dans cet album sont des messages de paix. Les gens sont faits pour s’aimer et se comprendre. On doit se comprendre, on peut se comprendre. La vie est belle. Surtout, il ne faut pas oublier que le soleil brille pour tout le monde. On a tous quelque chose en nous, des dons en chacun de nous. On a besoin de tous, des uns et des autres, pour se sentir bien.

Dans l’album, vous consacrez un titre au FIMA. Quelles ont été vos impressions quand vous y êtes allés ?

C’est magnifique. Je n’ai même pas de mot pour décrire la beauté du FIMA, de ce que j’y ai vu. Il y avait 49 pays représentés en Afrique et beaucoup de stylistes. C’était dans le désert, c’était impressionnant. Il faut découvrir la mode en Afrique. Les femmes sont tellement belles, elles ont un maintien, un port de tête. Les médias doivent parler de l’Afrique, représenter l’Afrique, dans les pub, partout dans le monde, il faut parler de l’Afrique. Il faut faire connaître l’art en Afrique et la mode africaine, c’est important. On a besoin de toutes les cultures pour travailler. Moi-même je suis très métissée car ma maman est Russe, mon grand-père est Mongol, mon père est Juif-Espagnol, ma fille dont le père est Sierra-leonais est métissée. C’est sans doute pour cela que j’arrive à m’adapter à toutes les cultures du fait de mon métissage. C’est un don.

« La musique est innée chez les Africains alors qu’en Occident, on est obligé d’aller à l’école pour apprendre »

D’où est née votre passion pour l’?A?frique ?

J’ai toujours aimé la culture africaine, les rythmes, la musique, les couleurs. Ça m’a donné envie de travailler avec des artistes africains. Je pense que la musique, c’est inné chez les Africains. Nous en Occident, on n’est obligé d’aller à l’école, mais chez vous en Afrique, c’est déjà en vous. Vous avez quelque chose, vous n’êtes pas obligés d’aller à l’école, c’est dans les tripes, les gênes. Je trouve qu’il y a de la chaleur et de la couleur dans la musique africaine, des harmonies comme une mosaïque de sons.

Allier l’opéra aux rythmes africains est très particulier. Comment peux-t-on définir votre style musicale ?

Ma base musicale c’est la musique classique. J’ai une formation classique au conservatoire. Une prof m’a fait travailler pendant des années. J’ai chanté dans de nombreux défilés de mode en France, je me suis aussi représentée dans divers spectacles, dans de grandes salles en France. J’ai par exemple été conviée à chanter la Marseillaise pour le soixantenaire des anciens combattants en France. J’ai aussi chanté plusieurs hymnes européens tels que l’allemand, l’espagnol, l’anglais. J’ai même déjà chanté dans une prison française pour les détenus ou encore en plein air pour les sans-abris.

Comment a commencé votre aventure avec la musique ?

J’ai commencé à chanter lorsque j’avais huit ans. Au début, je chantais les variétés françaises, les standards du moment. J’ai aussi chanté dans un groupe de rock. Mais j’ai toujours aimé la musique classique, où je me sens dans mon élément. La musique classique demande beaucoup de sérieux. Il faut se considérer comme un athlète de haut niveau. Il faut de la rigueur, une hygiène de vie… Il ne faut penser qu’à ça. Il faut donc travailler tous les jours. Il ne faut pas manger n’importe quoi aussi, ni boire ou fumer. Pour réussir dans cette discipline, il m’a fallu de la maturité et que j’accepte de faire des sacrifices. Quand j’ai débuté la musique classique, j’avais 25 ans, et il faut 15 ans en tout pour maîtriser son art et gérer son organe. Déjà quand j’étais petite, on m’avait détecté une voix lyrique. Et c’est pas tout le monde qui peut chanter le lyrique. J’ai été très tôt attirée par la musique classique, mais il a fallu attendre que je sois un plus âgée pour me lancer réellement.

Quels sont vos futurs projets ? D’autres albums sont-ils à prévoir en langues africaines ?

Oui pourquoi pas. Tout est possible. Pour le moment, de toutes les façons, je veux rester sur l’Afrique. Je veux continuer à parler de l’Afrique. Je vais aussi faire des concerts sur la France. Tout se met en place petit à petit. L’album est déjà distribué sur les plateformes et plusieurs radios l’ont récupéré et ont commencé à passer quelques titres.

On peut donc s’attendre à ce que fassiez un autre album en langues africaines ?

J’ai envie de représenter l’Afrique j’ai le droit d’avoir une place en Afrique car on m’y ?a bien accueilli, on m’a ouvert de?s portes?, ?donc j’ai le droit d’y avoir ma place ?et de représenter l’Afrique. Je représenterai l’Afrique même dans les autres pays du monde comme l’a fait le chanteur sud-africain Jimmy Clean qui chantait en zoulou.

Avez-vous prévu de faire des concerts en Afrique ?

Oui je l’envisage, je veux vraiment avoir ma place en Afrique. ?

Nathalie Leonoff interprète quelques uns de ses titres à la rédaction d’Afrik

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