Nassima revisite le chaâbi algérien


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Des racines et des chants
Des racines et des chants

Un disque de chaâbi algérien qui s’ouvre par des cordes qui jouent un rythme flamenco, voilà qui n’est pas banal. Pour son 5° album, Nassima, mezzo-soprano qui chante en s’accompagnant à la mandole, nous donne ainsi le ton dès les premières mesures de son album Des racines et des chants : elle revisitera le chaâbi, mais non pas en imitant servilement le style né à Alger dans la première moitié du XX° siècle, mais en étant fidèle à son esprit, qui est celui d’une modernisation de la tradition, pour la rendre accessible au plus grand nombre.

Dans Des racines et des chants (MLP/Rue Stendhal, 2009), Nassima, qui a été formée à la musique classique arabe (entrée à l’âge de 7 ans au conservatoire de Blida), se fait le plaisir de chanter quelques auteurs-phares du chaâbi, et de nous offrir quelques-unes de ses propres compositions. Le titre qui ouvre le disque, “Ya noudjoum ellil” (Ô étoiles de la nuit), est une composition du Cheikh el Hasnaoui (1910-2002), l’un des maîtres du chaâbi algérien, qui, émigré en France en 1937, consacra une bonne partie de ses chansons au thème de l’exil. Et Nassima, qui, après un brillant début de carrière en Algérie, a choisi de s’installer en France en 1994, pendant ces années noires où l’islamisme voulait faire taire les voix des artistes, reprend à son compte ces paroles :

“Dans mon exil en terre d’étrangers
Ceux qui me voient disent “c’est un étranger”
J’étais quelqu’un mais je ne suis plus rien
Et quoi que je mette je me sens nu
Ô étoiles de la nuit je veille en votre compagnie
Je n’ai ni ami ni protecteur (…)
Perdu dans ma solitude et sans tendresse”

“Hdjarte bladi” (J’ai quitté mon pays), sur le même thème, est une composition de Nassima, qui s’inscrit donc ici dans la lignée des artistes algériens chantant l’exil :

“J’ai quitté l’Algérie
Le pays de mes ancêtres
Algérie mon tendre coeur
Terre des miens, de mes parents”…

Et l’on relèvera que, de la même façon que les burnous d’hommes et les drapés blancs des femmes en Algérie ne sont rien d’autre que la perpétuation de costumes romains antiques, ce thème de l’exil, très présent dans la chanson algérienne et arabe en général, est une tradition méditerranéenne qui remonte à la poésie grecque et romaine antique, et dont le poète romain Ovide, exilé par l’empereur Auguste en l’an 8 ap. JC sur les bords de la Mer Rouge, dans l’actuelle Roumanie, a laissé, avec son recueil “Les tristes”, l’une des plus belles illustrations. Dans ses lettres d’exil, pleines de pleurs, Ovide joue du double sens du verbe latin “perire”, qui signifie à la fois s’en aller, et mourir (périr); ou encore il fait des jeux de mots entre exilium (l’exil) et exitium (l’issue, métaphore pour désigner la mort).

Mais d’autres thèmes jalonnent ce dernier album de Nassima : des chants d’amour avec les images classiques de la poésie andalouse, comme le rossignol (dans “Tiri tar” – Mon rossignol s’est envolé) ou les pleurs (“Rah el ghali” – Mon aimé est parti); un chant de circoncision; ou encore un chant à la mariée, où l’on retrouve les célèbres trémolos de mandole, qui ont fait la gloire de la musique napolitaine. L’occasion de rappeler que la mandole, instrument-fétiche de Nassima (qui joue aussi du ‘oud), est un instrument créé à Alger au début du siècle dernier par le luthier Belido, en collaboration avec le pionnier du chaâbi M’hamed El Anka (1907-1978), instrument qui est plus grand que la mandoline et plus petit que le ‘oud.

Nassima, qui compte 30 ans d’une carrière qui l’a vue donner des concerts à New York, à Montréal, en Suède, en Italie, en Espagne, en Hongrie, ou encore au Pakistan, qui l’a vue aussi jouer avec l’Orchestre symphonique d’Alger, et créer une série d’émissions sur la télévision algérienne, consacrées à la musique et à la poésie au Maghreb, veut désormais, installée en France, transmettre son art et ce patrimoine de musique arabo-andalouse aux nouvelles générations, en créant une école… Avis aux intéressés.

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