Monique Hervo, ancienne volontaire du service civil international, raconte ses trois années passées au bidonville de Nanterre en pleine guerre d’Algérie. Humiliations, insultes, passages à tabac étaient le lot quotidien des Algériens. Retour sur ces années noires.
Nanterre de 1959 à 1961. Le bidonville de la Folie. A une demi-heure de Paris, la pauvreté la plus absolue. Et l’horreur la plus immonde. Monique Hervo est une ancienne volontaire du service civil international. Elle raconte dans Chroniques du bidonville, Nanterre en guerre d’Algérie, la vie quotidienne de familles immigrées dans un bidonville en pleine guerre d’Algérie. Celles qui fuient leur pays et pour qui » Nanterre représente tout l’espoir d’une vie moins abominable « . L’auteur se souvient de ces Algériens qui subissent de plein fouet le racisme et l’injustice, conséquence de la fameuse guerre sans nom.
Horreur et humiliations
En relisant ses notes consignées de 1959 à 1961, Monique Hervo écrit dans son avant-propos » J’avoue avoir eu un choc : c’était l’horreur « . Chroniques du bidonville, c’est en effet la guerre d’Algérie transposée au bidonville. Au fil du récit, la vie des Algériens puis celle des Maghrébins sans distinctions, devient de plus en dure. Insalubrité, promiscuité et cette peur qui est toujours là. Février 1960, Monique Hervo écrit : » Jamîla poursuit : ² je te jure, en arrivant à Paris, dès que j’ai vu des policiers, pourtant on n’a rien fait, eh bien, je tremble comme si c’était le moment de la mort ² « .
Mais à mesure que l’atrocité devient la norme en Algérie, le climat social se durcit à la Folie qui subit le contrecoup de la violence et de l’horreur. » 1961. A la Folie, intensification de la guerre. Le répression s’amplifie. Les habitants doivent faire face aux innombrables arrestations, fouilles des baraques, représailles opérées par des descentes musclées sur le bidonville. Certains disparaissent. La torture est pratiquée (…). De façon définitive, la guerre envahit le ghetto. » Incendie des habitations, racket et pillages, rafles, passages à tabac et tortures dans les commissariats, petit à petit l’arbitraire s’installe. A la vue et au su de tous mais sans jamais être puni. » Nous avons fermé les yeux face à cette barbarie approuvée par les gouvernements successifs de la France « , s’indigne l’auteur.
Une trace d’histoire
Le livre, s’il est un récit de la vie quotidienne à la Folie n’en élude pas pour autant l’Histoire. Il raconte la fuite des milliers d’Algériens chassés de chez eux et les exactions commises par l’armée française. Monique Hervo n’épargne rien ni personne. Viols, vols, tortures, douars incendiés sont le lot quotidien des populations algériennes. L’auteur revient aussi sur la journée du 17 octobre 1961 et ses conséquences. Evocation aussi du 3 juillet 1962 avec ce laconique » Proclamation de l’indépendance de l’Algérie » puis du 5 juillet » Journée inoubliable. Mémorable. Nuit vertigineuse. (…) Joie intense. Profonde. Débordante. « .
Le livre n’est pas qu’une succession de moments tristes et noirs. Monique Hervo évoque aussi la formidable solidarité qui régnait à la Folie : » Ils sont financièrement pauvres mais tellement riches en qualités humaines et en sentiment de solidarité « . Elle raconte aussi l’honneur que se faisaient ces gens qui n’avaient rien à envoyer chez eux à faire parvenir les fameux » mandats « . Et rend honneur à ceux et celles qui ont accepté d’ouvrir les yeux sur l’horreur et d’aider les résidents de la Folie. Mais Chroniques du bidonville est surtout un hommage à ces Algériens qu’on appelait à cette époque les Français musulmans. Etrange pour un pays qui se disait laïc depuis 1905. Mais la France n’en était pas à une contradiction près.
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