100 ans après le début du massacre des Hereros dont on a longtemps rien su, l’Allemagne présente ses « regrets » à l’ethnie bafouée. Ce génocide perpétré par l’armée allemande a causé la mort de 70 000 Hereros environ, entre 1904 et 1907.
« Nous allons donner aux descendants Hereros victimes du génocide, leur dignité », a déclaré, dimanche dernier, à Okahandja, l’ambassadeur allemand Wolfgang Massing. C’est en 1998 que le monde entier découvre le passé douloureux de l’ethnie Herero car les descendants de ce peuple osent enfin attaquer l’Allemagne devant la justice américaine et réclament à l’ancien colonisateur des dommages et intérêts. En vain. Trois ans plus tard, le massacre que tentait de cacher l’Allemagne se rappelle à ses bons souvenirs.
Dimanche 11 janvier, à Okahandja, ancienne capitale des Hereros située à 70 kilomètres au nord de Windhoek, 600 personnes entouraient l’ambassadeur allemand et le chef suprême des Hereros, Kuaima Riruako, alors qu’ils déposaient une gerbe de fleurs sur la tombe de l’ancien chef Maharero. Manquaient à cette cérémonie, Sam Nujoma, le Président de la Namibie, et les membres de son gouvernement. L’absence du Président de la République a été vivement critiquée par Kuaima Riruako, ainsi que par le leader de l’opposition Katuutire Kaura, lui aussi Herero : « Le peuple Herero l’a aidé à fuir la Namibie pendant les luttes d’Indépendance du sud-ouest de l’Afrique, à passer la frontière et à gagner le Botswana pour son exil. Et aujourd’hui, il n’est pas là ».
Néanmoins, Kuaima Riruako a exhorté le Président à faciliter les négociations avec le gouvernement allemand pour les réparations attendues par son peuple. A l’issue de la cérémonie, le chef des Hereros a insisté sur la poursuite du dialogue entre les deux Etats, pour que les blessures du passé soient « guéries ». Il a aussi appelé l’ancien colonisateur à reconnaître le génocide « de son peuple », et à engager un dialogue avec les siens.
Un génocide et un peuple peu connus
Des Hereros, on connaît surtout les coiffes exubérantes de leurs femmes et les couleurs vives de leurs vêtements qu’elles arborent joyeuses, lors des fêtes de commémoration de leur histoire. Mais peu de gens savent que ce peuple est namibien, encore moins qu’il a subi un massacre au début du XXème siècle. Ce massacre est d’ailleurs surnommé, à juste titre, « le premier génocide du siècle ».
De 1880 à 1915, l’Allemagne a administré la Namibie, alors appelée « l’Allemagne de l’Afrique du Sud ». Au cours de cette colonisation, la pérennité des divers abus que sont les vols des terres, du bétail, des femmes, et le lynchage permanent des hommes Hereros par le colon allemand finissent par lasser le peuple bafoué.
L’exaspération atteint son comble le 12 janvier 1904. Ce jour-là, des guerriers Hereros se révoltent contre les colonisateurs et après plusieurs jours, 200 morts chez les civils allemands sont à déplorer. Les missionnaires, sur ordre du chef Herero d’alors, Samuel Maharero, sont épargnés.
« Ordre d’extermination »
La réponse allemande ne se fait attendre et le faîte de sa riposte est atteint le 11 août 1904 où, elle défait les combattants Hereros au nord-ouest de Windhoek. L’oppresseur n’arrête pas là sa destruction et veut en finir avec le peuple « irrévérencieux ». De façon plus cruelle encore, un « ordre d’extermination » est donné par le Général de l’armée allemande, Lothar Von Trotha, qui écrit que « le peuple Herero doit quitter le pays, sinon, je le délogerai avec le « groot Rohr » (grand canon) ».
Dès lors, le massacre prend une autre ampleur avec des poursuites cruelles et sans répit qui débouchent souvent sur des assassinats barbares. Pour tout Herero encore en vie, la fuite devient le seul recours. De ce fait, plusieurs centaines chercheront à quitter le pays et nombre d’entre eux mourront de soif dans la région aride d’Omaheke. De 86 000 Hereros environ avant le massacre, il n’en restera plus que 15 000 à la fin de ce génocide en 1907. Les deux tiers des survivants auraient fuit la région et gagné l’est du pays et les autres, les colonies alentour, administrées par d’autres Etats européens.
Même si depuis 1990, l’Allemagne est le grand pourvoyeur financier de la Namibie, ce qui pourrait passer comme un signe de sa culpabilité, paradoxalement, elle se refuse toujours à verser des dommages et intérêts à son ancienne colonie pour le génocide.