Nafissatou Diallo victime ou manipulatrice ? La femme de chambre de l’hôtel Sofitel, à l’origine de l’affaire DSK, a porté plainte ce lundi contre le New York Post, qui l’a qualifié de « prostituée » samedi depuis que son témoignage a été remis en question par le procureur, Cyrus Vance. Ce retournement de situation en faveur de l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) divisent les Guinéens de Paris à New York.
Nafissatou Diallo, la femme de chambre de l’hôtel Sofitel, a déposé une plainte contre le quotidien américain, New York Post, qui l’a qualifiée de « prostituée » et de « menteuse invétérée ». Si certains Guinéens de France soutiennent toujours leur compatriote malgré les doutes émis sur la fiabilité de ses accusations par le procureur chargé du dossier, Cyrus Vance, leurs compatriotes à New York sont plus nuancés.
« Je n’ai jamais cru que Nafissatou Diallo pouvait remporter ce procès. DSK est un homme puissant. C’est comme une tonne d’acier qui s’effondre sur une mouche », confie Boubacar Sow, 33 ans, étudiant en sociologie. Il n’est pas le seul à penser qu’il s’agit avant tout d’un « combat de puissants contre les plus faibles ». Selon lui, « les avocats de DSK cherchent à démolir sa compatriote en la diabolisant pour ternir son image ». « Elle dit la vérité. Ce n’est pas parce qu’elle a des failles dans sa vie qu’elle a menti », conclut-il.
« Pourquoi elle ne l’a pas mordu ? »
« Où étaient ses dents ? Si DSK l’a obligé à lui faire une fellation pourquoi elle ne l’a pas mordu ? », insiste Fatou Bah, 42 ans, membre d’une ONG internationale basée à Paris. « Son avocat a affirmé que du sperme a été retrouvé dans ses crachats. Si c’était moi, ce sont des morceaux de chair que l’on aurait retrouvé à la place », affirme-t-elle. Toutefois, la quadragénaire ne « comprend pas pourquoi Nafissatou Diallo ne s’est pas exprimée d’elle-même depuis le début de cette affaire. On entend toujours des « elle a dit ». Qu’elle vienne se défendre elle-même ! ». Fatou Bah estime néanmoins que « même si elle a raconté des histoires, elle a droit à la justice ».
« Ce n’est pas possible qu’une Guinéenne illettrée puisse inventer une telle histoire », juge Amadou Barry, 30 ans, professeur de maths. « Nafissatou Diallo était dès le début en position de faiblesse : c’est une Noire contre un Blanc, une musulmane contre un juif, une femme contre un homme, une pauvre contre un riche ». Le jeune homme est persuadé qu’il y a « un lobby derrière Dominique Strauss-Kahn qui cherche à tout prix à le tirer d’affaire ».
« Je n’ai jamais cru ma compatriote »
Ibrahima Makanara, 42 ans, juriste, n’est pas du même avis que ses concitoyens. Il considère que « dans cette affaire, c’est Nafissatou qui était en position de force et non DSK, car le procureur avait un intérêt politique à ce qu’il soit condamné ». D’après lui, « c’est une affaire entre Dominique Strauss-Kahn et l’état de New York ». « Je n’ai jamais cru en ma compatriote. Pour une question de logique, je n’avais pas confiance en elle. Comment un homme censé comme DSK peut se livrer à de tels actes en sachant qu’il risquait gros ? », interroge-t-il. Quelqu’un de sensé n’aurait pas agi de la sorte ». Le juriste l’a soutient « malgré tout car c’est avant tout sa compatriote », bien que déçu et frustré qu’une femme africaine se retrouve dans une telle situation.
Préjugés ethniques
La communauté guinéenne de New York, dans le Bronx, est, quant à elle, très partagée sur la question. Si Certains soutiennent Nafissatou Diallo, d’autres la traitent « de menteuse qui ne cherche que l’argent ».
Mohamed, quinquagénaire Malinké, l’une des deux ethnies principales en Guinée, est convaincu qu’ « elle a menti », peut-on lire sur le site Internet du Point. Selon lui, « les Peuls aiment l’argent et ce sont des menteurs. Pour moi, elle n’est pas guinéenne, elle est Peule ». Au contraire, pour le jeune serveur d’un restaurant guinéen à Harlem, Peul également, l’accusatrice de Dominique Strauss-Kahn dit la vérité car « une femme peule ne peut pas mentir ».
Tidjiane Ba est plus nuancé. « Peut-être qu’elle a menti. Si c’est le cas, ça risque de salir toute la communauté guinéenne s’il y a des gens mal intentionnés. Mais même si elle a menti, je suis sûr qu’il s’est quand même passé quelque chose ». L’imam Abdourahmane Bah, quant à lui, préfère attendre que « la justice se prononce». « Nous respecterons sa décision », poursuit-il. « En attendant la porte est ouverte. Elle est guinéenne, elle fait partie de la communauté, c’est une sœur ». Il est toutefois bien conscient des déchirements que provoque ce fait divers chez ses compatriotes. « Il y a des dizaines d’ethnies en Guinée et certains en profitent pour montrer que leur ethnie est meilleure, plus conservatrice » que les Peuls, groupe ethnique auquel appartient Nafissatou Diallo.