Nacara Cosmétiques, la première marque de cosmétiques multiethnique au Canada, est définitivement installée en France. Disponible dans les magasins Monoprix et aux Galeries Lafayettes, la marque, qui existe depuis six ans, tient à se faire une place sur le Vieux Continent. Si elle peut compter sur ses deux principaux atouts – qualité et prix abordable -, elle s’appuie également sur la persévérance de Caroline Coulombe, sa présidente-fondatrice, pour relever ce nouveau défi. Entretien avec une chef d’entreprise venue de la patrie de l’érable.
A 38 ans, Caroline Coulombe fait figure de pionnière au Canada en créant Nacara Cosmétiques, la première marque de cosmétiques multiethnique. Née d’un père jazzman afro-américain et d’une mère canadienne, elle a grandi au Québec. Sa mère adoptive, âgée de 72 ans aujourd’hui, est, affirme-t-elle, la raison de sa « persévérance en affaires ». Il en faut en effet une sacrée dose pour créer sa première entreprise à 27 ans. Cependant, plus qu’une entreprise, Nacara s’inscrit dans une quête identitaire, l’affirmation des origines africaines de Caroline Coulombe, sa « fierté d’afficher mes couleurs », dit-elle.
Afrik.com : Comment êtes-vous passée de la commercialisation des produits de beauté dans votre boutique « Québécara » à l’aventure Nacara ?
Caroline Coulombe : Nous étions situés dans le centre-ville de Montréal et durant le Festival international de jazz, nous recevions beaucoup de noires-américaines qui nous expliquaient que les produits que nous proposions étaient trop clairs pour leurs peaux. C’est donc suite à cette demande que nous avons lancé fin 1999-début 2000 Nacara, la première marque canadienne de cosmétiques destinées aux peaux foncées.
Afrik.com : Le mot Nacara a-t-il une signification particulière ?
Catherine Coulombe : Nacarat, avec un « t », vient du nom nacre. Au sens figuré, il signifie énergie et lumière. Nacara est aussi un joli prénom féminin africain et en portugais « nacara » veut dire « visage maquillé ». Un nom prédestiné car nous ne le savions pas au moment de la création de la marque.
Afrik.com : Quel est le positionnement de Nacara sur le marché du cosmétique au Canada ?
Caroline Coulombe : En Amérique, les marques leader sont Fashion Fair, présent depuis 25 ans, et Iman. Nacara a choisi, pour sa part, d’allier le prestige de la qualité et des prix accessibles. Nous sommes moitié moins chers que nos concurrents. Notre fond de teint coûte, par exemple, 17 euros en France contre 40 ou 35 euros pour les marques concurrentes. Ce qui permet à nos clientes de pouvoir s’offrir au moins deux produits complémentaires. Car un fond de teint, à lui tout seul, ne suffit pas à obtenir un résultat optimal. Dans cette optique, le choix de commercialiser nos produits à travers les magasins Monoprix en France est tout à fait cohérent. Nous essayons toujours de cibler les grands magasins et les réseaux de masse. Au Canada, les produits Nacara sont distribués dans les pharmacies. Nous travaillons ainsi avec les chaînes spécialisées Shoppers Drug Mart et Jean Coutu. Par ailleurs, nous effectuerons au mois d’août des essais, au Canada, pour une introduction dans le réseau Wal-Mart, le plus important réseau de magasins de détail au monde.
Afrik.com : Restons dans le domaine du marketing pour dire que votre politique de communication est assez particulière. Ce ne sont pas des mannequins mais de « vraies femmes » qui sont vos ambassadrices de beauté. Pourquoi ?
Caroline Coulombe : Nous voulions tout simplement que notre slogan « Complice de votre succès » – soit une réalité. Nous nous sommes donc adressés à une agence pour qu’elle nous trouve des femmes qui s’accomplissent au Canada. Ce sont donc une chef d’entreprise et une mère – c’est un véritable métier-, une assistante sociale, une graphiste, un médecin et une journaliste qui sont présentes sur le visuel de Nacara pour représenter sa multi-ethnicité.
Afrik.com : Pourquoi avoir choisi la France comme première étape de votre implantation européenne ?
Caroline Coulombe : Nous sommes cousins ! (rires) Nous avons commencé par ce pays parce que la France est un pays francophone dont le nom rime avec glamour et bon goût. Ce qui suscite d’ailleurs l’intérêt de nos voisins américains. Pour ces derniers, nous savoir sur les Champs-Élysées confère à la marque un côté très exotique. En 2001, les attentats du 11 septembre avaient compromis le lancement de Nacara au Etats-Unis car les locaux de nos clients se trouvaient dans les tours du World Trade Center. Le 27 septembre 2001, nous avons ainsi perdu 40% de notre chiffre d’affaires. Pour accompagner notre implantation en Europe – nous sommes en bonne voie en Belgique et en Allemagne -, nous avons choisi, comme partenaire, la marque italienne Déborah. Centenaire, elle jouit d’une très bonne implantation dans toute l’Europe.
Afrik.com : Quels sont les produits phare de la marque Nacara ?
Caroline Coulombe : C’est le fond de teint poudre-crème. Nous avons dix-sept références de fond de teint et ce produit enregistre le taux de fidélisation le plus important. Néanmoins, nos lip gloss sont très populaires en France. Nous attirons aussi beaucoup de Caucasiennes qui sont interpellées, elles aussi, par le côté exotique des noms et la composition de nos produits. Quarante pour cent de notre clientèle, en France, est caucasienne contre 15% au Canada. Nos produits semblent donc leur convenir. Notre référence « Copacabana » est un fond de teint sans nacre qui leur plaît beaucoup par exemple.
Afrik.com : Nacara rencontre donc, en France, un franc succès…
Caroline Coulombe : Nous sommes l’une des marques de cosmétiques les plus rentables au casier aux Galeries Lafayette Hausmann (Paris, ndlr). De deux magasins en 2005, nous serons, d’ici la fin de l’été, présents dans plus de 50 magasins Monoprix.
Afrik.com : Parlez-moi du rouge à lèvres « Africa » dont les bénéfices aideront à financer, par le biais de l’ONG Oxfam, les projets économiques de femmes africaines ?
Caroline Coulombe: Depuis la création de Nacara, nous avons toujours eu le souci de servir la cause des femmes et de nous impliquer dans l’éducation sociale. Ce volet est d’ailleurs évoqué dans notre plan d’affaires. Cependant, nous voulions nous investir dans des causes autres, bien qu’elles soient très nobles, que le cancer du sein ou le sida… C’est dans la perspective du slogan de Nacara (« Complice de votre succès, ndlr ») que nous avons décidé de donner et de compléter les ressources de femmes africaines qui avaient des projets économiques. Nacara accompagne la femme d’aujourd’hui dans la réalisation de ses rêves de demain. Le lancement d' »Africa », dont la boîte est recyclable, se fera simultanément en octobre en France et au Canada. Ce rouge à lèvres sera utilisé dans plusieurs opérations de collecte de fonds de l’Oxfam.
Afrik.com : Les produits Nacara sont-ils déjà disponibles en Afrique ? Si oui, où ?
Caroline Coulombe: Notre stratégie pour pénétrer le marché africain s’appuie sur la connaissance du réseau, Nacara s’allie donc avec des personnes qui ont des structures de vente déjà établies. C’est la raison pour laquelle nous sommes associés à la Société Sogeci (distributeur, ndlr) qui a une grande expertise sur ce continent. Il est utopique de penser vendre des produits avec notre expérience du marché nord-américain. Il faut connaitre la culture et adapter sa stratégie de vente aux coutumes et habitudes des gens. La marque est déjà présente au Bénin et au Rwanda.
Afrik.com : Est-ce difficile d’être un entrepreneur noir au Canada ?
Caroline Coulombe : Il est certain, comme j’ai pu le constater, que ça l’est plus en France qu’au Canada. C’est très facile et être Noir est même un atout car nous ne sommes pas très nombreux. En outre, c’est moins le fait que l’on soit Noir que le contenu du projet qui compte. Je peux le dire car j’ai toujours été dans le milieu des affaires. L’essentiel est d’avoir une bonne idée et d’être bien organisé. Si on est les meilleurs, la couleur de la peau est secondaire. Il faut juste être persévérant, et toujours un peu plus que les autres. Il y a de la place pour les Noirs, je n’ai aucun problème. J’ai toujours su bien m’entourer et je l’ai souvent été par des Caucasiens. Mes principaux actionnaires aujourd’hui sont des retraités caucasiens de 65 ans et plus qui m’ont fait confiance, ainsi qu’à mon associé, dès le début.