Il n’y a pas que les étrangers qui font vivre l’investissement en Afrique. Mansour Cama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal, rappelle l’importance souvent négligée des investisseurs nationaux dans le développement économique de leur pays. Interview.
L’investissement privé en Afrique ne se résume pas aux investissements étrangers. Un raccourci souvent emprunté qui occulte complètement le tissu d’investisseurs locaux. Présent à la Conférence de Dakar (23 au 26 avril) organisée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), Mansour Cama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal -l’une des deux organisations patronales du pays- recentre le débat. Tout en reconnaissant l’importance des investissements étrangers, il milite pour un partenariat privé national/privé étranger. Il fait également le point sur l’amélioration de l’environnement économique au Sénégal.
Afrik : La Conférence base ses réflexions sur l’investissement direct étranger pour développer le commerce et l’investissement en Afrique. Qu’en pensez-vous ?
Mansour Cama : Le développement dans nos pays ne peut pas ignorer le rôle et la place de l’investissement privé national à côté de celui qu’occupe tout à fait logiquement et nécessairement l’investissement privé étranger. L’investissement privé étranger, en tout cas au Sénégal, n’a été présent que dans les privatisations alors que les autres chantiers sont restés à la charge des investisseurs présents au Sénégal, les nationaux ou les étrangers qui ont choisi de venir s’installer au Sénégal depuis de longues années. Deuxième constat : l’investissement privé étranger s’est beaucoup orienté vers les pays où il y avait des ressources minières ou du pétrole. Quid des autres pays qui, comme le Sénégal, n’offrent pas les même richesses naturelles ?
Afrik : Que préconisez-vous ?
Mansour Cama : Si l’actuelle conférence est un appel important à l’investissement privé étranger, elle ne doit pas ignorer la nécessité de bâtir des passerelles entre privés étrangers et privés nationaux. Il y va même de la sécurité de l’investissement étranger. Certains pays peuvent être frappés par des réactions négatives qui viennent de la présence de l’investissement privé étranger, alors que nous avons besoin de cet investissement-là. Je suis de ceux qui prônent, notamment dans le cadre du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, ndlr), un partenariat très fort.
Afrik : Quels sont les problèmes rencontrés par les investisseurs nationaux au Sénégal ?
Mansour Cama : Comme tout investisseur, vous décidez d’investir pour réaliser des profits et parce que l’environnement s’y prête. L’environnement économique sénégalais est en net progrès mais il existe encore quelques pesanteurs sur lesquelles nous nous penchons, dans le cadre du dialogue entre l’Etat et le secteur privé, pour trouver des solutions. Je pense d’abord à l’environnement administratif et réglementaire où un certain nombre de barrières sont en train d’être levées. Ce qui devrait faciliter grandement la création d’entreprises, la promotion de l’investissement et les démarches aussi bien pour l’octroi de terrains industriels que pour la délivrance de licences, de permis et autres.
Afrik : Et au niveau fiscal ?
Mansour Cama : Au niveau de la fiscalité, il y a des mesures incitatives à l’endroit des investisseurs qui sont en train d’être prises. Nous avons également simplifié notre fiscalité. Notre bataille véritable est moins l’existence des textes que la simplification de ces textes et de la réglementation. Ça a été un combat de longue haleine au Sénégal, mais je pense qu’on commence à voir le bout du tunnel.
Afrik : Vous semblez dire que le Sénégal n’a plus aucune faiblesses…
Mansour Cama : Le Sénégal a encore quelques faiblesses. Les infrastructures ne sont pas encore très développées, notamment dans le domaine du transport, et c’est un problème sur lequel nous nous penchons actuellement. L’Etat -et c’est le plus important- a compris que le secteur privé avait sa place à côté du gouvernement pour réaliser des infrastructures. Ce sont là aussi des opportunités pour le secteur privé national ou étranger mais, encore un fois, j’insiste sur la notion de partenariat.