Comment les musulmans de France vivent-ils leur islam ? Quel comportement adoptent-ils face à la modernité et à l’égalité des chances entre femmes et hommes ? Comment pratiquent-ils leur religion et perçoivent-ils leur vie au sein de la République française ?
Ce sont toutes ces questions, et bien d’autres, que l’hebdomadaire catholique La Vie a posées dans un sondage exclusif réalisé quelques jours seulement avant le début du mois de Ramadhan et une semaine après la polémique soulevée par Benoît XVI à propos de l’islam. A la question : « les musulmans sont-ils si pratiquants ? », 88% des personnes interrogées ont répondu oui. Et il apparaît que le mois de Ramadhan est la période durant laquelle la ferveur musulmane atteint son niveau le plus élevé. 43% des musulmans de France font les 5 prières quotidiennes contre 48% chez les femmes. 20% se disent lire le Coran une fois par semaine, alors que 17% seulement se rendent à la mosquée pour la prière du vendredi.
Le sondage montre que les musulmans sont beaucoup plus assidus au culte que les catholiques dont 16% seulement se rendent une fois par mois à l’église. Analysant ces chiffres, Philippe Yacine Demaison, membre du conseil des sages des Scouts musulmans de France estime que « le rapport entre l’islam et la mosquée n’est pas le même qu’entre christianisme et église. En islam, dit-il, on peut faire la prière chez soi. » Une possibilité renforcée, par ailleurs, par le désir « d’éviter de se rendre dans certains lieux de culte qui font l’objet de batailles politiques » entre associations.
94% des musulmans de France favorables à la laïcité
A la question : « Les musulmans sont-ils communautaristes ? », le sondage balaie de nombreuses certitudes entêtées. Non seulement, ils (les musulmans) sont attachés aux valeurs de la république, mais ils sont aussi « 46% à trouver acceptable qu’un musulman se convertisse au christianisme ». 23% approuvent entièrement l’idée contre 45% qui sont hostiles. Mais il n’y a pas que cela. Le sondage ajoute que « 69% des musulmans trouvent normal qu’une fille musulmane épouse un non-musulman ». 41% sont totalement d’accord avec cela. 26% sont contre. Eric Younès Geoffroy, islamologue, estime que « les musulmans de France sont prêts à changer de regard sur ce qu’ils considéraient avant comme des fondamentaux, tels que les mariages mixtes et la reconversion ». Il enchaîne : « ces citoyens sont conscients de vivre dans une société plurielle, avec cette envie d’un islam plus citoyen en rapport avec nos cultures européennes. »
A la question : « Les musulmans sont-ils réfractaires à la laïcité ? » La réponse est cinglante puisque 94% se disent favorables dont 79% tout à fait acquis à l’idée. Pour Dounia Bouzar, anthropologue et ancien membre du Conseil français du culte musulman (CFCM), ces chiffres témoignent de la volonté des jeunes « à rejoindre par l’islam les valeurs modernes dites universelles des non-musulmans. C’est une façon de réactualiser une religion qui avance toujours à partir de l’expérience humaine et des progrès économiques et sociaux ». La loi 1905, qui a consacré la séparation de l’Eglise et de l’Etat, a, elle aussi, un bel avenir devant elle puisque 73% des questionnées sont favorables à la séparation de l’Etat et des religions contre 21%.
Est-ce que les « musulmans sont contre l’égalité des sexes ? » 91% des sondés se disent favorables à l’égalité entre hommes et femmes, dont 76% tout à fait d’accord. Ce résultat tranche radicalement avec les idées entretenues dans certains milieux xénophobes français qui pensent que les musulmans de France rejettent toute idée de justice et de parité entre les deux sexes et que les hommes exercent une violence permanente à l’égard des femmes. Pourtant, le sondage indique le contraire puisque 78% des personnes questionnées récusent la violence, en général, et l’idée de la lapidation des femmes adultères en terre d’islam, en particulier. Agréablement surpris par le comportement des musulmans de France, Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, juge que « la nouvelle génération ne tient pas un double langage et affiche une francité affirmée et un islam tranquille ».
Par Yacine Farah, de notre partenaire El Watan