Munyurangabo du réalisateur américain Lee Isaac Chung, dans les salles françaises ce mercredi, est une réflexion sur l’après-génocide de 1994 au Rwanda. Il rappelle que le quotidien des Rwandais reste imprégné des horreurs du passé. L’approche est intelligente mais le résultat ne fait pas honneur à la force du propos.
Le guerrier vengeur de Munyurangabo de Lee Isaac Chung, qui sort en France ce mercredi, est celui fabriqué par un génocide qui a eu lieu en 1994 en terre rwandaise. Le héros, qui donne son nom au long métrage, y a perdu son père. Le crime de son géniteur : être tusti, l’ethnie de ceux qui ont été massacrés par les Hutus. Munyurangabo a grandi depuis et a résisté au quotidien à la force de son dos de porteur au marché. Il s’est aussi lié d’amitié, dans le Rwanda post-génocide, avec un Hutu, Sangwa. Les deux adolescents, dont les ascendants furent ennemis, vont se retrouver autour d’un projet commun : le meurtre de l’assassin du père de Munyurangabo. Mais avant d’accomplir leur sinistre besogne, Sangwa veut revoir ses parents. La visite, qui ne devait durer quelques jours, s’éternise et met en péril l’amitié des deux jeunes hommes.
Les années d’après
Munyurangabo parle des séquelles que laisse un drame dans la vie d’un enfant, de la manière dont il déforme sa perception de la vie et de la façon dont le présent peut remuer le couteau dans une plaie béante. Comment trouver l’apaisement quand l’ombre de la haine pèse encore sur votre existence ? En se liant d’amitié avec un Hutu, Munyurangabo, alias Ngambo, avait en partie fait le deuil de son passé et de celui de son peuple meurtri. Mais la guérison reste difficile. La détresse du personnage est particulièrement palpable quand, sous la pluie, les gouttes sur son visage pourraient être prises pour des larmes. La scène est esthétiquement et symboliquement l’un des plus beaux moments d’un film fade en dépit de la portée indéniable de son propos. Lee Isaac Chung peine à illustrer les motivations de ses personnages. On les devine dans un flou artistique qui donne la primauté aux paysages de cette campagne rwandaise, décor naturel de la fiction. Le malaise est renforcé par des scènes qui se succèdent sans donner l’impression de s’inscrire dans une continuité narrative.
Outre le thème du génocide, le film Lee Isaac Chung aborde des thèmes comme le manque d’eau potable en milieu rural ou le sida, une pandémie dont les deux tiers des victimes sur la planète sont africaines.
Le premier long métrage du réalisateur américain, est né durant une classe de réalisation et de photographie qui s’est déroulée en 2006. Entièrement tourné dans la principale langue du pays, le kinyarwanda, le film a mobilisé quinze étudiants et laisse une grande part à « l’improvisation », selon son réalisateur. « J’ai appris à travers ce film que la réalisation devrait être un peu comme du jazz », explique Lee Isaac Chung. Dommage que Munyurangabo ne suscite pas la même émotion.
Munyurangabo de Lee Isaac Chung
Avec Josef Jeff Rutagengwa, Eric Ndorunkundiye, Edouard Uwayo
Durée : 1h 33mn
Sortie française : 7 octobre 2009