« Much loved », le nouveau film de Nabil Ayouch sort ce mercredi dans les salles françaises. Il montre la prostitution qui se développe à Marrakceh à travers l’histoire de quatre travailleuses du sexe. Si le film a été très applaudi à l’international, ce n’est pas le cas au Maroc où les autorités l’ont interdit de diffusion, criant au blasphème, dénonçant une image de la femme marocaine qui y est dégradée.
C’est sans complaisance que Nabil Ayouch révèle l’envers du décor au royaume chérifien, qui attire chaque année de plus en plus de touristes. Dans son film « Much loved », le réalisateur relate le quotidien de quatre prostituées : Noha, Randa, Soukaina et Hlima? ?à Marrackech qui offrent leurs services à des hommes venus de l’extérieur, notamment des Saoudiens, ou encore des Français….
Le cinéaste n’y va pas de main morte et ne tombe pas non plus dans l’angélisme. S’il pointe du doigt l’hypocrisie des touristes étrangers qui viennent satisfaire leurs besoins sexuels au Maroc alors qu’ils dénoncent ces pratiques chez eux, il montre aussi les prostituées sous tous les angles. Même les moins flatteurs. Comme cette scène où on les voit s’abaisser à ramasser de l’argent jeté par des Saoudiens ou encore plonger dans une piscine pour récupérer des bijoux. Le cinéaste aborde aussi ?les difficultés que la prostitution engendre dans ?les familles? très conservatrices, où l’on se soucie de ce que les voisins diront lorsqu’ils sauront qu’une des filles du foyer s’adonne à la prostitution. Noha, Randa, Soukaina et Hlima? sont toutes les quatre rejetées par leurs familles.
Selon Nabil Ayouch, « tout ce qui est dit, chaque plan, chaque mot, chaque image de « Much Loved » a un sens profond sur la place de ces femmes dans la société marocaine, sur le rôle qu’elles jouent vis-à-vis de cette société, vis-à-vis des hommes, la famille, affirme Nabil Ayouch. Un rôle qu’on leur nie, parce qu’elles ne sont ni vues ni entendues. Et c’est quelque chose qui peut être débattue dans le débat public. »?
Levée de boucliers au Maroc
Le film a été très applaudi à l’international. Fin août, il a remporté le Valois d’or du Festival du film francophone d’Angoulême. De même l’’actrice principale, Loubna Abidar, obtenait le Valois de la meilleure interprétation féminine. En mai dernier aussi, le film avait été très apprécié au Festival de Cannes.
Pour autant, le film s’est très vite attiré les foudres des autorités du Maroc. La réalité crue de la prostitution qui prolifère dans le royaume n’a pas été du goût du pouvoir. Alors que le ministère marocain de la Culture avait validé le tournage, il a été interdit de diffusion dans le royaume chérifien. Toutefois, le réalisateur ne désarme pas et espère bien que les Marocains pourront regarder un jour le film, qui aborde une réalité qui est en train de faire des ravages dans leur pays. Au-delà de la prostitution qui est pointée du doigt, le réalisateur aurait voulu « ouvrir un débat qui permette de poser les bonnes questions sur la place de la femme dans la société, dans le monde arabe ». La question est de savoir à quand la société marocaine sera prête pour un tel débat…