Le Parc des Quirimbas, à l’extrême Nord du Mozambique, vise à protéger l’environnement, tout en développant l’économie locale. Abondé à hauteur de 5,26 millions d’euros en juin dernier, le Parc va pouvoir démarrer les investissements en infrastructures et équipements. Sur le plan touristique, des groupes saoudien, britannique et kenyan sont déjà présents.
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Lorsqu’en 2002 les autorités mozambicaines, appuyées par l’Organisation mondiale de la protection de la nature (World wildlife fund, WWF), créaient officiellement le Parc national des Quirimbas dans la province de Cabo Delgado, à l’extrême Nord du Mozambique, il s’agissait de répondre à l’épineuse question de la protection d’un environnement exceptionnel, tout en assurant le développement économique de communautés rurales parmi les plus pauvres du pays.
5,26 millions d’euros pour développer le parc
La création d’un parc national comme zone de protection des ressources naturelles et d’un espace touristique englobant 55 000 habitants semblait, en effet, la réponse la plus appropriée. « De plus en plus de conflits émergeaient pour l’utilisation des ressources naturelles, par ailleurs limitées », explique Helena Motta, représentante du WWF à Maputo. « Les pêcheurs locaux subissaient la concurrence des pêcheurs tanzaniens dans un contexte de diminution des ressources en poissons et, sur le continent, les agriculteurs devaient faire face aux ravages des éléphants sur leurs cultures. La création d’un parc permettait de proposer des alternatives ».
Etendu sur 7 500 km², à la fois terrestre et marin et comprenant une quinzaine d’îles, l’espace délimité par le parc est remarquable pour la diversité de ses habitats naturels (forêt côtière, inselbergs, mangrove, coraux), ainsi que pour sa faune terrestre et sous-marine, qui compte plusieurs espèces protégées (lamantins, tortues de mer, éléphants, sternes). Après deux ans d’études et de consultations sur la gestion du parc, le gouvernement mozambicain a reçu en juin dernier 5,26 millions d’euros pour en assurer son développement. L’Agence française de développement (AFD) participe à hauteur de 66%, le WWF, actif depuis 1990 au Mozambique et déjà chargé du Parc national de Bazaruto (Centre), à hauteur de 20%, et le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) à hauteur de 13%.
Développement terrestre et maritime
La priorité est l’achat d’équipement et la mise en place des infrastructures : construction de deux bâtiments administratifs pour la gestion marine et la gestion terrestre, avec réhabilitation d’un patrimoine architectural sur l’Ile historique de Ibo, ancienne capitale provinciale, et construction de plusieurs postes de surveillance.
Le plan prévoit également l’acquisition de deux vedettes rapides, tandis que les autres bateaux devraient être construits par les artisans locaux vivant à l’intérieur du parc. Pour les équipements plus légers, bouées, bornes, radios, véhicules, les fournisseurs sud-africains, situés à proximité et à la pointe de l’écotourisme, seront sollicités. Le projet prévoit aussi la formation d’une quarantaine de rangers locaux chargés de la surveillance et de l’organisation du parc, et dont l’entraînement, en cours, est assuré localement par des équipes mozambicaines.
Sanctuaires marins permanents de 500 à 2 000 m²
Parallèlement, deux types de projets communautaires ont d’ores et déjà été mis en place et doivent être étendus. La création de quatre sanctuaires marins permanents de 500 à 2 000 m², délimités par des bouées, permettant la reproduction des poissons et des espèces marines. A terme, le parc devrait compter sept sanctuaires permanents et une dizaine de saisonniers.
Ce rythme de développement économique fondé sur une gestion à long terme de la ressource sert déjà d’exemple. Depuis plusieurs mois, des pécheurs d’autres régions côtières du Mozambique viennent observer les résultats des sanctuaires pour les appliquer dans leurs propres zones de pêche. Autre opération, la mise en place d’une technique simple et naturelle à base de piment, qui a déjà fait ses preuves ailleurs en Afrique, pour la protection des cultures contre les ravages des éléphants.
Reversement de taxes aux communautés locales
Du côté de l’investissement touristique, la stratégie est la même : préserver un équilibre entre la protection de l’environnement et un développement touristique générant des emplois et des revenus pour les populations. Onze zones ont été définies pour l’implantation de lodges de luxe orientés vers l’écotourisme. Sont déjà présents dans les limites du parc : le groupe Rani Africa, filiale du groupe saoudien Aujan Industries et propriétaire de deux complexes haut de gamme sur l’île de Matemo (Pemba Beach Hotel et Indigo Bay), la société britannique de tourisme écologique Bespoke Experience, dont le complexe situé sur la côte devrait être opérationnel à partir de septembre 2004, et Quilalea Lodge sur l’île de Quilalea, de l’investisseur kenyan John Hewlett. Les concessions concernent des surfaces de 200 hectares au minimum, permettant ainsi un reversement plus important de la taxe, calculée à l’hectare, prévue par la loi mozambicaine sur la flore et la faune sauvage à destination des communautés.
Un pourcentage du droit d’entrée, fixé à 10 dollars par visiteur, doit être également reversé aux populations locales, lesquelles ont l’exclusivité de la gestion des sites de camping sur l’ensemble du parc. « Lorsque le parc de Bazaruto a été créé au Mozambique dans les années 70, le concept était un peu paternaliste. Nous espérons que le Parc national des Quirimbas permettra une réelle implication de la population », analyse Mme Motta. « Il faut souligner que les communautés ont tout de suite adhéré à ce projet. Ce sont d’ailleurs des organisations non gouvernementales locales qui ont fait émerger l’idée et pendant plusieurs mois les populations ont été consultées pour la définition du projet ». Le WWF estime qu’il faudra encore une quinzaine d’années pour que le parc soit totalement opérationnel et financièrement autonome.
Jordane Bertrand