Le poulain de l’ancien Président mozambicain Joaquim Chissano a été officiellement élu à la tête du pays avec près de 64% des voix. Le score d’Armando Guebuza est très décrié par le principal rival du candidat du Front de libération du Mozambique, Afonso Dhlakama. Le leader de l’ancienne rébellion du pays et numéro un de la Résistance nationale du Mozambique dénonce « des fraudes massives » et demande la tenue d’autres élections.
C’est officiel, Armando Guebuza est le nouveau leader du Mozambique. Le président de la Commission nationale électorale (CNE), Arao Litsuri a annoncé, mardi, que le candidat du Front de libération du Mozambique (Frelimo) avait recueilli 63,74% des voix, contre 31,74% pour son principal challenger Afonso Dhlakama, chef de l’ancienne rébellion du pays et actuel numéro un de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo). Le nouveau chef de l’Etat peut se vanter d’avoir fait mieux que son mentor, Joaquim Chissano, qui dirigeait le Mozambique depuis 1986 et qui n’a pas souhaité se représenter pour ce scrutin. Contre le même adversaire, Joachim Chissano avait obtenu, en 1999, 52,2% des suffrages. Mais tout n’est pas gagné pour secrétaire général du Frelimo, car il est confronté à une opposition qui ne lui reconnaît ni sa victoire, ni le nombre de sièges remportés pour les législatives, qui se déroulaient en même temps que la présidentielle. La Renamo a d’ailleurs fait savoir qu’elle demandait la tenue de nouvelles élections.
Les 1er et 2 décembre derniers, les Mozambicains ne se sont pas bousculés pour glisser leur bulletin dans l’urne. On note un taux de participation de 36,4%. Il s’agit donc d’une petite victoire pour l’ancien Premier ministre. Petite victoire, mais grandes ambitions. Il a déclaré : « Il n’y a qu’avec moi que vous aurez un bon gouvernement, une bonne justice, des policiers responsables voués à la cause du peuple. » Egalement homme d’affaires prospère, il a expliqué qu’il laisserait cette activité de côté. « Je ne mélangerai pas les deux choses », a-t-il promis.
L’élève dépasse le maître
Armando Guebuza entend conserver et développer l’héritage de son prédécesseur. Joaquim Chissano est parvenu à relever le pays, terrassé par une guerre civile de seize ans (1976-1992), qui a opposé le Frelimo et le mouvement de Afonso Dhlakama. Une guerre qui a causé un million de morts et ruiné l’économie nationale. La BBC annonce que pour relever les défis qui attendent le pays, et notamment faire reculer la pauvreté et la maladie, Armando Guebuza a fait appel à l’opposition. Tout en n’oubliant pas de glisser quelques critiques cinglantes à l’égard de la Renamo. Selon des propos rapportés par l’Agence France Presse (AFP), il a souligné que « certains ont détruit, ils ont détruit et après ils viennent se plaindre du chômage au Mozambique. Ce sont eux qui l’ont créé ».
La demie-main tendue a peu de chances d’être acceptée par le Renamo et la vingtaine de petits partis, qui estiment que les élections ont été l’objet de « fraudes massives ». Des « fraudes massives » commises, selon la Renamo, par le Frelimo, mais aussi par la CNE. « Nous ne reconnaissons pas les résultats de ces élections (…). La fraude a été confirmée par les observateurs internationaux », a affirmé à la radio nationale Fernando Mazanga, porte-parole de la Renamo, qui estime que « la démocratie est en danger ». Et il est vrai que l’attitude de la CNE reste pour le moins trouble. « La commission électorale (…) a été en conflit ouvert avec les observateurs, leur refusant d’avoir accès au dépouillement et aux équipes électorales. Elle a même contesté les appels du Président Chissano au compromis. L’ancien Président américain Jimmy Carter, dont l’organisation est basée à Atlanta, en Georgie, a dénoncé l’obstruction de la Commission électorale et noté diverses irrégularités », rapporte Africa Confidential, dans son édition française de 20 décembre 2004.
Pour autant, un rapport préliminaire des quelque 200 étrangers présents sur place souligne que « la somme des irrégularités observées n’est pas suffisante pour avoir un impact décisif sur les résultats des élections ». Et de préciser que « de manière générale », ces élections ont respecté « les normes internationales et régionales », rapporte l’Agence France Presse (AFP). Il y a donc peu de chances pour que les résultats, s’il y a révision, changent de beaucoup. L’investiture, courant janvier du nouveau Président, a donc peu de chances d’être remise en cause.
La Renamo prévient du risque de troubles
Lors des scrutins de 1994 et 1999, la Renamo avait déjà contesté les élections. Mais cette fois-ci, elle en demande de nouvelles. Une première. Pour protester, elle a décidé de ne pas occuper les 90 sièges de députés remportés lors des législatives, ce qu’elle avait déjà fait, un temps, en 1999. Le Frelimo a quant à lui amélioré son score de 1999 en raflant 160 sièges sur les 250 de l’Assemblée nationale, explique l’AFP. Afonso Dhlakama avait déclaré la semaine dernière qu’il ne voulait pas d’une autre guerre, mais a souligné que « les Mozambicains dont les voix ont été volées pourraient se soulever contre ceux qui veulent gouverner par la force ».
L’ancien chef de l’Etat parle pour sa part d’« un vote de confiance » et appelle l’opposition à accepter le résultat des scrutins, qui témoignent, selon lui, d’une « légitimité » donnée « au travail que [le parti] a accompli toutes ces (dernières) années ». Une déclaration de poids qui laisse entendre que l’ancien chef de l’Etat restera présent dans la vie politique de son pays.