Mouhamadou Ndoye, jeune peintre sénégalais de 28 ans et major de la promotion des Beaux-Arts de Dakar en 1999, expose actuellement à Paris. Tout son travail se concentre sur un thème : le désordre architectural des quartiers populaires de Dakar. Rencontre avec un artiste qui fait du Beau.
Mouhamadou Ndoye, surnommé Dout’s, est un garçon timide. Et brillant. Sorti major de la promotion des Beaux-Arts de Dakar en 1999, il est, à 28 ans, un artiste confirmé qui a plusieurs cordes à son arc. Peintre reconnu chez lui, au Sénégal, mais aussi en Europe où il a déjà exposé plusieurs fois, il se lance aujourd’hui dans d’autres expériences artistiques.
Une démarche artistique
Mouhamadou Ndoye a un thème de prédilection qu’il décline sous plusieurs angles. Ce qui l’intéresse dans sa démarche artistique c’est parler du désordre architectural. » C’est un choix. Après mon primaire, j’ai dû aller poursuivre à Dakar mon parcours scolaire. J’étais logé chez une tante qui habitait dans un quartier populaire. J’ai été très sensible à l’ambiance et lorsqu’il a fallu choisir un thème de fin d’études pour les Beaux -Arts, c’est naturellement que j’ai choisi celui des quartiers populaires et du désordre architectural « .
L’ex-major est avant tout un peintre et vit de son art. Ses tableaux, qu’il s’agisse de petits ou de grands formats, expriment ce désordre architectural qu’il chérit. Il utilise toutes sortes de matériaux. Carton ondulé, pastels, papiers journaux, linges et collages se transforment sous les doigts de Mouhamadou Ndoye en un ensemble de maisons très harmonieux bien que désordonné. » C’est beau, il y a de la lumière. Je joue sur les contrastes des couleurs et des matières. L’impression d’accumulation permet de rendre le désordre de l’habitat « .
Elargir les horizons
Mais Mouhamadou Ndoye ne se contente pas de peindre. Il vient de terminer un film d’animation de 7 minutes qu’il qualifie de » toile animée « . » J’ai ressenti le besoin de faire bouger ce qui est statique sur une toile. Le film donne une idée du processus de création de mes tableaux « .
Le petit film est une sorte de fable. Il s’ouvre sur une vue très poétique : un simple banc de sable. Qui, petit à petit, s’anime grâce aux collages successifs de Mouhamadou. Apparaissent alors les maisons avec leurs antennes, les installations électriques et les véhicules. Puis les personnages, absents des tableaux, se manifestent lavant leur linge, jouant et évoluant dans ce décor qui prend vie. L’accumulation de tout cela rend avec justesse la sensation de désordre chère à l’artiste. Accumulation qui finit par devenir chaos et que le sable recouvre finalement.
» J’ai toujours envie de faire plus de choses et grâce à la réalisation de ce film d’animation, j’ai découvert qu’avec le son et l’image on peut aller plus loin. Ce sont des autres moyens d’expression qui permettent de faire la jonction entre plusieurs arts « , confie Mouhamadou Ndoye. Il s’est même lancé dans la musique puisque c’est lui entre autre qui a composé celle du film d’animation. Mais il précise bien que ce qui l’intéresse, c’est plus de faire de la recherche en matière musicale.
Faire du Beau
» Un jour, un américain m’a dit : » ce que vous faites est très beau mais pour exprimer la vie des quartiers populaires il faudrait que vos toiles soient plus agressives « . Je ne suis pas d’accord. Même si ce que j’évoque a à voir avec le désordre, l’éphémère et parfois même la destruction, je veux que ce soit beau et cela pour une raison évidente. Dans ces quartiers populaires, il y a une chaleur des gens, une sympathie telle qu’il est agréable de vivre dans ces quartiers malgré la pauvreté « , explique, convaincu, Mouhamadou Ndoye.
L’artiste, qui expose beaucoup et qu’on retrouvera bientôt à la Biennale d’art contemporain de Dakar, a déjà montré ses oeuvres dans les quartiers populaires. Son travail a plu, comme partout ailleurs où il a exposé, et les habitants lui en sont toujours très reconnaissants. On sent en effet dans le travail de Mouhamadou Ndoye un énorme respect des lieux qui sont la source de son inspiration. Une sorte de don pour transfigurer le désordre et lui conférer une sorte de magie.
Aude Minart, galeriste d’appartement, expose les tableaux de Mouhamadou Ndoye les 14 et 20 décembre 2001 de 18h à 22h avec un cocktail et les autres jours sur rendez-vous. Adresse : 17 rue d’Enghien, 75010 Paris. Code 56B32. Tél. : 06 89 17 86 15.