La mission de médiation de Mouammar Kadhafi en Mauritanie a « échoué ». Le leader libyen a provoqué l’ire des partisans du président déchu, Sid Ould Cheikh Abdallahi, en préconisant d’«accepter le fait accompli » du putsch du 6 août 2008. Une position qui va à l’encontre des règles de l’Union africaine, dont il est le président.
La solution préconisée par Mouammar Kadhafi pour sortir de la crise qui secoue la Mauritanie depuis le putsch contre le président Sid Ould Cheikh Abdallahi, en août 2008, est loin de faire consensus. Au cours de sa médiation, menée la semaine dernière, le leader libyen avait recommandé au président renversé, le premier démocratiquement élu du pays, d’«accepter le fait accompli» du coup d’Etat. Ahmed Ould Daddah, chef de file de l’opposition mauritanienne, pourtant jusque-là partisan des putschistes, vient de s’allier au front anti-putsch contre la médiation libyenne, jugée impartiale. Dans un communiqué transmis à l’AFP, signé conjointement par le Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), sa formation, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), dénonce le parti pris de Mouammar Kadhafi. « Le discours du médiateur libyen appelant à accepter le fait accompli et l’agenda de la junte, suivi par une déclaration finale annonçant la clôture de la médiation, nous amène à constater, tout en le regrettant, l’échec de cette rencontre ». Le texte appelle en outre à la « prise de conscience de la nécessité de poursuivre (la) lutte pour rejeter toute solution unilatérale et toute résignation devant le fait accompli ».
Profonde «amertume»
Rapportant une conversation avec Sid Ould Cheikh Abdallahi, lors d’un banquet à la présidence nigérienne, le président en exercice de l’Union africaine (UA), s’est même autorisé de moquer le président déchu : «il m’a dit : « je suis le président élu et on m’a reversé. S’ils veulent me rendre le pouvoir, d’accord. Sinon, je reste dans mon village ». Il sait bien que c’est impossible, donc il va rester dans son village ». L’ex-président mauritanien avait fait part, samedi, de sa profonde « amertume devant l’échec » de la médiation libyenne qui a conduit à « une reconnaissance de facto du fait accompli putschiste en demandant (…) le départ du président démocratiquement élu et l’application intégrale de l’agenda unilatéral de la junte militaire», rapportent les agences de presse. L’agenda des putschistes prévoit la tenue d’une élection présidentielle le 6 juin prochain. Election qui suscite déjà les appétits du chef de la junte, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, selon l’opposant Ahmed Ould Daddah. Dans un communiqué transmis à l’AFP, le chef du RFD, a fait savoir mercredi que la junte « vient de distribuer un document » dans lequel elle prévoit la démission du président de la junte 45 jours avant le scrutin pour se « présenter à l’élection présidentielle ». Sans attendre l’échéance du 6 juin, le président Kadhafi a demandé à l’UA de lever les sanctions internationales imposées à la Mauritanie après le putsch. Le leader libyen devrait peser de tout son poids de président sur l’organisation afin que celle-ci admette, à son tour, et au mépris de ses propres règles, « le fait accompli » du putsch du 6 août 2008 en Mauritanie.