Serge Issa Coelo est un jeune réalisateur tchadien. Jeune et talentueux. Il signe avec » Daresalam » son premier long métrage et le premier long en 35mm de l’histoire cinématographique du Tchad. Interview d’un pionnier.
Serge Issa Coelo, 34 ans, est né au Tchad. Il a étudié à Paris, l’histoire puis la réalisation. En 1995, il met en scène son premier court métrage » Un taxi pour Aouzou « , primé dans de nombreux festivals et nominé pour le César du meilleur court métrage en 1997. Il réalise et produit de nombreux documentaires africains. » Daresalam « , tourné au Tchad, est son premier long métrage et le second de l’histoire cinématographique de ce pays. Rencontre.
Afrik : » Daresalam » est le second long métrage du Tchad. Comment se porte l’industrie cinématographique là-bas ?
Serge Issa Coelo : La guerre a presque tout détruit au Tchad et les gens avaient d’autres priorités que le cinéma. Il n’y a donc pas d’école d’audiovisuel et pas d’acteurs professionnels. Pour mon film, j’ai dû faire appel à des acteurs amateurs de théâtre. La vie théâtrale tchadienne est intense contrairement à celle du cinéma. Mais il y a un début d’émulation. Les gens ont envie de se frotter à l’image. Jusqu’à peu, il n’y avait eu que des courts et moyens métrages et aucun long. Le premier est sorti il y a deux ans mais uniquement en vidéo. » Daresalam » est en fait le premier film en 35mm.
Afrik : Qu’en est-il du réseau de distribution ?
Serge Issa Coelo : Les salles ont, elles aussi, beaucoup souffert. Nombre d’entre elles ont été détruites et ce sont les vidéo clubs qui ont pris le relais. Actuellement, seule la salle du centre culturel français et celle du Palais de la Culture fonctionnent. Mais il reste l’architecture des anciennes salles. J’ai d’ailleurs un projet avec mon co-scénariste, celui de retaper la salle mythique de N’Djamena, le Normandie.
Afrik : Avez-vous eu des problèmes pour tourner votre film au Tchad ?
Serge Issa Coelo : Nous avons eu des difficultés pour tourner » Daresalam « . D’abord, les gens n’étaient pas habitués à voir une telle caravane se déplacer. Dans les petits villages, on s’installait et cela déstabilisait les gens. Et puis on s’en allait. Mais c’est avec certaines personnalités de l’armée que nous avons eu le plus de problèmes. Ils ont failli nous tirer dessus. Pourtant, nous étions en règle, mais il y avait de vrais abus de pouvoir.
Afrik : Quelle a été la réaction des autorités tchadiennes face à votre film ?
Serge Issa Coelo : Très positive. Les personnes qui ont vu » Daresalam » m’ont dit » ça, c’est notre histoire. L’histoire du Tchad dite avec affection « . Ils ont aussi trouvé le travail intéressant car ils ont découvert leur propre pays à travers le film. Le jeu des acteurs les a également surpris, ils s’attendaient à quelque chose de plus amateur.
Afrik : Votre film » Daresalam » va-t-il être vu au Tchad ?
Serge Issa Coelo : Il y a déjà eu une projection en novembre dernier et je vais en refaire une prochainement. Puis, le film sera disponible en vidéo et nous le donnerons ensuite à la télévision nationale. J’ai aussi envie d’organiser des projections vidéo dans les salles des petits villages. C’est important que les gens isolés puissent aussi le voir.
Afrik : Vous avez déjà réalisé des documentaires et des courts métrages. De quoi parlaient-ils ? Et quels sont vos projets ?
Serge Issa Coelo : Mes documentaires, » L’auberge du Sahel » et » Maiguida « , traitaient d’aspects économiques. Le premier racontait la vie quotidienne en Afrique au travers du parcours de quatre familles. Le second évoquait la vie d’un grand commerçant au Tchad. » Un taxi pour Aouzou « , mon premier court, est la vie d’un taximan à N’Djamena. Quant aux projets, j’en ai beaucoup. Trois longs métrages en tête et trois documentaires. Et un projet de série de dessins-animés à partir de contes tchadiens.