Dimanche 17 novembre 2024, la Côte d’Ivoire a perdu une figure emblématique de son paysage artistique. Monné Bou, maître de la peinture par jet et pionnier de l’art contemporain africain, est décédé à l’âge de 80 ans.
Originaire d’Anyama Zossonkoi, Monné Bou était un artiste visionnaire qui laisse derrière lui une œuvre magistrale et une technique révolutionnaire qui ont marqué l’histoire de l’art.
Une carrière consacrée à l’innovation artistique
Pour mieux comprendre son parcours, il convient de revenir sur ses débuts. Né en Côte d’Ivoire, Monné Bou a entamé son aventure artistique à l’École normale d’Abidjan avant de poursuivre sa spécialisation aux Beaux-Arts à Abidjan, puis à Marseille. Par ailleurs, dès 1973, il dévoile ses premières œuvres, marquées par une technique qui fera sa renommée : la peinture par jet.
Cette méthode inédite, qui consiste à éclabousser la toile à distance, sans esquisse préalable ni contact direct avec le support, a été une véritable révolution. De plus, chaque projection, semblable à une danse picturale, crée des portraits, des scènes de vie et des figures abstraites. Inspiré par des traditions africaines, notamment l’usage du kaolin pour éloigner les mauvais esprits, Monné Bou a su associer mysticisme et art contemporain dans un geste unique.
Un artiste aux multiples casquettes
En outre, Monné Bou n’était pas seulement un peintre. Enseignant dévoué, il a formé plusieurs générations d’artistes ivoiriens, notamment à l’Ufrica, ce qui a contribué à l’essor de l’art contemporain en Côte d’Ivoire. Parmi ses élèves, certains, comme Isidore Koffi ou Zopapi, se distinguent comme des « tachistes« , directement inspirés par le style de leur maître.
De surcroît, son influence s’est étendue bien au-delà des frontières ivoiriennes. En effet, ses œuvres ont été exposées dans des galeries prestigieuses de São Paulo, Lagos, Paris et New York et témoignent de l’universalité de son art.
Une reconnaissance tardive mais méritée
Cependant, il faut noter que la reconnaissance officielle de son talent est arrivée tardivement. Ainsi, en mars 2024, Abidjan a célébré les 50 ans de carrière de Monné Bou lors d’une exposition rétrospective. Cet événement a permis au public de redécouvrir ses créations et d’apprécier l’étendue de son impact sur l’art contemporain ivoirien.
Lors de cet hommage, l’artiste avait partagé la dimension spirituelle de sa démarche. À ce sujet, il avait évoqué ses débuts à l’université de Luminy à Marseille. Il a expliqué que son professeur qualifiait sa technique de mystérieuse. Il associait cet aspect mystérieux aux traditions africaines où l’art dépasse la simple matière pour atteindre l’âme.
Un départ empreint de sérénité
Bien que sa santé ait décliné ces dernières années, Monné Bou n’a jamais arrêté de peindre. Retiré dans son atelier à Adiaké, il a continué à exprimer son génie artistique jusqu’à ses derniers jours.
Par conséquent, sa disparition suscite une vive émotion en Côte d’Ivoire. De nombreuses personnalités du monde culturel et politique ont rendu hommage à cet artiste visionnaire. De plus, le ministère de la Culture a salué un homme « dont l’œuvre reste un phare pour les générations futures ».
Un héritage indélébile
Monné Bou a redéfini la peinture ivoirienne. Sa technique du jet, qui mêle abstraction et figuration, reste inimitable. Ainsi, plus qu’un style, il a légué une philosophie artistique basée sur l’innovation, la spiritualité et la transmission.
Pour les jeunes artistes ivoiriens, Monné Bou demeure un modèle d’inspiration. Ses œuvres, présentes dans des collections privées et publiques, continueront de témoigner de son génie et de son apport à l’art contemporain africain.