En quête du père, d’identité et d’amour, Héloïse la métisse débarque en Afrique. Sous la plume acide et touchante du Togolais Kangni Alem, la ville se forme et se déforme, les caractères se font et se défont. Avec un arrière-goût amer. Comme celui des noix de cola.
Héloïse et Parisette, « tandem tonique des noix de cola bicolores ». Héloïse-café-au-lait, Parisette-caramel-doux : demi-soeurs partageant le même père, volage et inconstant, « chercheur d’or perpétuellement sur le retour » dont les femmes « un peu à l’instar des villes où il avait vécu, furent comme des étapes dans sa vie d’immigré ».
Héloïse vit à Paris, Parisette à TiBrava, ville africaine qui rassemble à toutes les villes du continent : bigarrée, violente, attachante, mélange de « stupeurs, fracas et démesure ». Décidée à connaître ce géniteur dont elle ne garde qu’un manuscrit de roman inachevé, Héloïse fait le voyage en Afrique. Elle y plante son regard d’occidentale amusée et séduite. Par l’intermédiaire de ses réflexions aiguisées, l’auteur livre certains passages d’écritures ciselés dans la boue de TiBrava.
À quoi ça sert un père ?
Ici, Heloïse observe la rue : « Des cabines Internet et téléphoniques partout, à l’intérieur desquelles la jeunesse désenchantée de TiBrava, lasse de commander des messes vaudous et des cultes de tout poil dans le seul espoir d’obtenir des visas pour l’étranger, jouait à présent sa dernière carte pour trouver d’autres ouvertures ». Là, elle égratigne, épinglant Yamatoké, le président-régnant, « modèle pathétique du dictateur formolé, accroché à son trône de toutes ses griffes usées (…) Dracula d’opérette au sillage parsemé de cadavres d’opposants, falsificateur et voleur d’urnes, définitivement décidé, s’il le fallait, à quémander le vote des bêtes sauvages, au cas où les hommes et femmes de TiBrava viendraient à le lâcher ».
On a déjà vu ça quelque part et le fait que Kangni Alem soit togolais y est sûrement pour quelque chose. L’ombre du vieil Eyadéma et les dysfonctionnements du pays se noient dans cette écriture acide aussi souple qu’un coup de rein et aussi enivrante qu’un verre d’alcool de palme. Ce premier roman est réussi et mène jusqu’au bout le suspens de la rencontre père-fille. Héloïse s’interroge. « A quoi ça sert, un père, à part faire saigner les coeurs ? » Ça sert écrire des livres d’histoires.
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