Moi, Philomène, manucure de rue


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Manucure de rue
Philomène, manucure de rue, en plein travail

Philomène Mibouie prend soin de vos mains et pieds dans le cadre enchanteur … de la rue. Elle officie dans un quartier populaire de Libreville où beaucoup d’Equato-Guniéennes, comme elle, exercent cette profession sans aucun diplôme et dans des conditions précaires. Portrait d’une femme que la vie a transformé en prêtresse de la beauté à deux francs six sous.

« Il y a deux ans que je fais la manucure dans la rue, je n’ai pas les moyens de travailler autrement. Ici je me sens libre et je suis à mon propre compte. Je n’ai pas été à l’école et je me suis formée sur le tas », explique, sourire aux lèvres, Philomène Mibouie, Equato-Guinéenne, 40 ans dans un français approximatif. Elle s’exprime majoritairement en fang, sa langue maternelle usitée dans son pays natal et dans sa patrie d’adoption, le Gabon. Marié à un fils du pays, elle y vit depuis 11 ans. Le salon en plein air de la jeune femme se trouve aux « Cocotiers », un des quartiers populaires de Libreville. Un quartier dans lequel beaucoup de ses compatriotes résident et où pullulent les salons du type de Philomène dont les « Equatos » comme on les appelle, ont le monopole dans la capitale gabonaise.

Manucure et pédicure à petits prix

Une situation qu’explique à sa manière Angélique, une Gabonaise de 44 ans, fonctionnaire et cliente de Philomène. « Les Gabonais ne supporteraient pas de travailler dans de telles conditions. Nous voulons travailler dans un bureau et gagner au moins 100 000 (environ 150 euros) F CFA par mois et non nous exposer ainsi dans la rue pour gagner 1 000 (environ 1,5 euro), 3 000 francs ». Car les tarifs de Philomène sont plus qu’abordables. Avec 500 F CFA – le prix d’une pose de vernis simple sur les mains ou les pieds, vous pouvez vous faire belle. Philomène travaille, en effet, avec le strict minimum qu’elle se procure au marché. Dissolvant, vernis, faux ongles, ciseaux, coupe-ongles, limes, alcool, savon (ici une marque de savon de lessive), eau de javel et eau froide constituent l’attirail de l’Equato-Guinéenne. Et ses clients ne s’inquiètent nullement des conditions d’hygiène.

« Nous n’avons pas peur [des conditions d’hygiène], elle stérilise son matériel avec l’eau de javel et l’alcool. Sinon nous apportons notre nécessaire et nous l’utilisons ici », affirme Angélique. La satisfaction est aussi pécuniaire. « Les salons coûtent chers, entre 3 et 6 000 francs pour une manucure et/ou une pédicure, poursuit-elle. Les produits y sont néanmoins plus sophistiqués. Je viens ici une fois par semaine pour la pose du vernis. L’ongle coûte 100 F CFA. Pour les pieds, quand elle gratte (ponce, ndlr) ou qu’il y a un soin (fourni par la cliente, ndlr) à faire (mains ou pieds, ndlr), ça fait 1 000 F». Dame Mibouie compte dans sa clientèle, aussi bien des hommes que des femmes et surtout des clients fidèles, comme Angélique, qui l’apprécient beaucoup.

Pilier économique

Auparavant lavandière, Philomène Mibouie s’est reconvertie à la manucure pour faire vivre sa famille : un mari au chômage et deux enfants à charge. Elle a démarré son affaire avec environ 25 000 F CFA. Sa journée débute à 10h et s’achève entre 18 et 20h. Tout dépend du nombre de clients. Un soin dure entre 15 et 30 minutes et Philomène réalise une recette journalière qui oscille entre trois et quatre mille francs CFA. « Ça marche un peu ! Ça dépend des jours, c’est surtout les Week-end et à la fin du mois que ça marche le plus », commente Philomène. Cette dernière, pour son coin de rue, s’acquitte d’un loyer mensuel de 5 000 F CFA auprès du propriétaire de la parcelle qu’elle occupe.

Aurait-elle aimé suivre une formation ? Oui, mais trop cher ! Et Angélique de rétorquer : « c’est plutôt des gens comme Philomène que l’Etat devrait aider au lieu de donner l’argent aux patrons. Il est évident que l’on ne peut travailler éternellement dans de telles conditions – au bord de la rue, assaillie par la poussière – mais ce sont les moyens qui lui manquent ». Dans un avenir très proche, Philomène espère pouvoir se construire une petite maison et exercer tranquillement à domicile.

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