Des manifestations monstres ont lieu en Egypte ce vendredi pour marquer l’anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 qui a conduit à la chute de Hosni Moubarak. Alors que le successeur de ce dernier Mohamed Morsi appelle la population à célébrer l’évènement, les révolutionnaires eux ne l’entendent pas de cette oreille ! Ils ont décidé de descendre en grand nombre sur la place Tahrir pour réclamer son départ. Pour ces derniers, la politique du président égyptien et de son prédécesseur est identique.
La colère des révolutionnaires n’est pas retombée. Elle est toujours vive deux ans après la révolution du 25 janvier qui a conduit à la chute de Hosni Moubarak. Ce vendredi, ce n’est pas seulement pour marquer l’anniversaire de leur soulèvement contre l’ex-raïs qu’ils sont descendus sur la place Tahrir mais avant tout pour réclamer le départ du chef d’Etat égyptien. « Les révolutionnaires manifestent pour la chute de Mohamed Morsi !», assure Shahinaz Abdelsalam, blogeuse, auteur du livre Egypte, les débuts de la liberté (ed.Michel Laffont).
Pour les protestataires qui ont conduit à la chute de l’ancien régime, la révolution égyptienne ne s’est jamais éteinte, au contraire, elle est toujours en cours car la politique de l’actuel président est identique à celle de son prédécesseur. En clair, « Mohamed Morsi, c’est Moubarak 2 », selon ces derniers. Ils lui avaient même donné le surnom de « Pharaon d’Egypte » en novembre 2012, suite au renforcement de ses pouvoirs. Le dirigeant égyptien avait en effet publié un décret interdisant à la justice de dissoudre l’Assemblée constituante, précisant que « le président peut prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution ».
Une armée de régime
Une attitude qui n’a pas surpris le fondateur du Mouvement du 6 avril, Yasser Hamouda : « J’ai toujours dit que l’ancien régime ne se réduisait pas à Moubarak. En fait, il n’y a pas qu’un régime mais une armée de régime. Des forces corrompues des marionnettes. Même les frères musulmans qui étaient considérés comme étant le plus grand parti d’opposition à Hosni Moubarak se sont avérés êtres comme lui. Toutes les forces politiques appartenaient en réalité au même régime », a-t-il déclaré lors d’une interview vidéo accordé à Samar Media. Selon le jeune homme, les révolutionnaires gardent aussi toujours en tête, que « Mohamed Morsi, c’était assis à la table des négociations avec l’ex-chef des services de renseignement égyptien et vice-président Omar Souleiman. Pendant que nous on se faisait tuer, lui discutait d’évènements auxquels il n’a pas participé ».
Le fondateur du Mouvement du 6 avril rappelle également que les Frères musulmans « n’ont pas pris part à la révolution au début hormis quelques jeunes qui se sont distingués des cadres du parti ». Sa compatriote Shahinaz Abdelsalam va même plus loin : « Les Frères musulmans n’ont jamais clamé le départ de Hosni Moubarak ! » « Mais les circonstances nous ont contraint à soutenir Morsi qui est arrivé au deuxième tour avec Ahmed Chafik, souligne Yasser Hamouda. Or, Chafik représentait pour nous l’ancien régime dans toute sa cruauté. On a apporté 8 millions de voix à Morsi, qui a remporté les élections. » Mais à quel prix ? Plusieurs manifestants « ont été tués depuis qu’il est au pouvoir », dénonce Shahinaz Abdelsalam. « En novembre, un a été tué par balle. En décembre,
d’autres ont été massacrés par un groupe de Frères musulmans du côté du Palais présidentiel ».
La rue égyptienne divisée
Selon le chercheur spécialiste de l’Egypte Tewfik Aclimandos, « il y a un très grand désenchantement vis-à-vis des Frères musulmans. Jamais ils n’ont été si impopulaires dans le pays ». Il y a deux types de contestation à leur encontre : la classe moyenne égyptienne conteste pour le manque de démocratie dans le pays et le reste du pays à cause de l’état piteux de l’économie », constate-t-il.
La rue égyptienne est aujourd’hui divisé en deux. « Il y a d’un côté ceux qui défendent la révolution et de l’autre côté ceux qui cherchent à se l’approprier. Les Frères musulmans, eux, utilisent la révolution pour servir leurs intérêts politiques », note Yasser Hamouda. « Nous vivons une période de polarisation où chaque parti tente d’attirer de nouveaux soutiens. Mais nous, nous n’avons pas combattu un Etat militaire pour qu’on établisse un Etat théocratique, qui nous accuse d’être des infidèles ».
Les révolutionnaires pointent également du doigt la justice égyptienne. Ils souhaitent que les policiers qui sont impliqué dans la mort des protestataires qui réclamaient le départ de Hosni Moubarak répondent de leurs actes. « Beaucoup d’entre eux ont été relâchés ! », souligne la bloggeuse Shahinaz Abdelsalam. D’après elle, il n’y a pas de doute : « Moubarak, les frères musulmans et les militaires ont mis l’Egypte dans un état misérable. Ils étaient tous de mèches ».