Le procureur général d’Egypte, suspendu de ses fonctions depuis octobre, a été limogé ce jeudi. Dans un même temps, le président égyptien, Mohamed Morsi, a, selon l’opposition, considérablement renforcé ses pouvoirs.
Le « nouveau pharaon ». C’est ainsi que Mohamed Morsi est surnommé par l’opposition égyptienne. Ce jeudi, il a prononcé le limogeage du procureur général d’Egypte, Abdel Maguid Mahmoud. Il est remplacé, pour une durée de quatre ans, par Talaat Ibrahim Abdallah. Le magistrat a fait l’objet de critiques virulentes après l’acquittement, le 11 octobre, des 24 prévenus dans l’affaire dite de la « bataille du chameau « . Un épisode sanglant du soulèvement populaire en Egypte. Des hommes de main du régime à dos de chameau s’en étaient pris violemment aux manifestants le 2 février 2011. La décision du procureur d’acquitter les prévenus lui a valu d’être démis de ses fonctions pour être placardé au poste d’ambassadeur d’Egypte au Vatican. Refus catégorique d’Abdel Maguid Mahmoud. Depuis, un bras-de-fer, achevé ce jeudi, opposait les deux hommes.
Par ailleurs, Mohamed Morsi a publié un décret interdisant à la justice de dissoudre l’Assemblée constituante ou le Conseil de la Choura, la Chambre haute du Parlement égyptien, sur lequel il a posé une immunité. « Le président peut prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution », a annoncé sur la télévision nationale, le porte-parole de la présidence, Yasser Ali. « Les déclarations constitutionnelles, décisions et lois émises par le président sont définitives et ne sont pas sujettes à appel » en attendant une nouvelle Constitution, a-t-il ajouté. D’après lui ces décisions visent à « nettoyer les institutions » et « détruire les infrastructures de l’ancien régime [de Hosni Moubarak] ». Certains hauts responsables militaires et de la police ont de quoi être inquiétés suite aux meurtres de manifestants en 2011. Le président n’exclut pas de traduire une nouvelle fois en justice l’ancien raïs, actuellement en détention à perpétuité.
Colère noire au sein de l’opposition
L’opposant Mohamed el-Baradei a désigné Mohamed Morsi comme étant le « nouveau pharaon d’Égypte ». Dans un Tweet, il écrit qu’ « aujourd’hui, Morsi a usurpé tous les pouvoirs. Un énorme coup porté à la révolution qui pourrait avoir d’épouvantables conséquences ».
Lever de boucliers chez les rivaux qui voient en ces décisions le début d’une monopolisation du pouvoir. Des manifestants s’organisent au Caire pour dénoncer les décisions de leur président, issu de la mouvance islamiste des Frères musulmans, élu en juin dernier. « C’est un coup contre la légitimité. (…) Nous appelons tous les Égyptiens à protester vendredi sur toutes les places d’Égypte », a déclaré Sameh Achour, chef du syndicat des avocats, lors d’une conférence de presse, rapporte l’AFP. Jeudi soir, des manifestants se trouvaient déjà près de la place Tahrir pour exprimer leur colère à la suite des annonces du président. « Nous n’avons pas mené une révolte pour remplacer un dictateur par un autre », a fustigé Khaled Ali, avocat et militant égyptien.
Le soutien à Morsi
Devant le palais de justice, ce sont en revanche des manifestants venus soutenir Mohamed Morsi qui s’étaient rassemblés ce jeudi soir. La décision de limoger Abdel Maguid Mahmoud a été applaudie par ses partisans qui estiment que « justice aux martyrs » de la « révolution du Nil » est faite. Ils espèrent aussi qu’elle contraindra les « corrompus à rendre des comptes ».
Mohamed Morsi a joué un rôle prépondérant pour calmer les tensions entre Israël et la bande de Gaza. Des initiatives saluées par la communauté internationales. De plus, la volonté de mener de nouvelles enquêtes sur les meurtres commis durant le soulèvement et de révoquer un procureur « hérité de l’ancien régime » sont de « bonnes décisions », selon Heba Morayef, de l’organisation Human Rights Watch, rapporte l’AFP. « Le problème fondamental, qui menace l’État de droit et tout l’équilibre démocratique, c’est de donner une immunité à tous ses décrets en attendant qu’il y ait une nouvelle Constitution », a-t-il ajouté.
En août dernier, les pouvoirs de Mohamed Morsi se sont renforcés lorsqu’il a écarté le ministre de la Défense, Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées.