Mohamad Ahansal, dompteur de dunes


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Il a parcouru 250 km de désert dans le Sahara marocain en 19 heures 55 minutes et 8 secondes. Un exploit pour Mohamad Ahansal qui a remporté, samedi, sa troisième victoire au Marathon des sables. Portrait d’un concurrent passionné.

Son regard court sur les écritures noires. Une ligne après l’autre. Mohamad Ahansal scrute les feuilles de papier qu’il tient serrées entre ses mains. Des mails de soutien. Une soixantaine au total, des amis, de la famille et des gens qu’il ne connaît pas. Qu’importe leurs expéditeurs, ces mots agissent sur lui comme des pansements. « Ils me motivent », explique-t-il simplement.

Sous la tente, les discussions de ses amis coureurs assis à ses côtés ne semblent pas troubler sa lecture. Quand on l’interpelle pour le féliciter, le vainqueur des trois dernières éditions du Sultan marathon des sables lève lentement sa tête et répond par un sourire discret. « Non, non, je ne suis pas le champion », répète-t-il gêné. Entre deux phrases, Mohamad recroqueville son corps chétif sur le tapis berbère qui lui tient lieu de matelas. Il essaye de ne pas prendre trop de place, de ne pas en faire trop.

Mohamad porte un jogging et un tee-shirt blanc sur lequel deux sponsors seulement se partagent la vedette : une boisson énergétique et le thé Sultan. « C’est très difficile de trouver des marques, il faut avoir des contacts pour se faire financer la course », confie-t-il. Pour participer à cette épreuve d’endurance, la plus difficile du monde, les marathoniens marocains doivent débourser environ 3000 euros. Un prix qui comprend l’inscription, les trois nuits à l’hôtel et le transfert en bus dans le camp. Difficile dans ces cas-là de financer sa course. Surtout que Mohamad exerce la profession de guide de montagne dans le Haut-Atlas et dans le désert. Son salaire ne lui permet pas de concourir au marathon sans sponsors. Alors chaque année, il tente sa chance et espère que cela marchera une fois encore.

Le désert comme horizon

Mohamad était présent à la première édition du Sultan marathon des sables. Il se souvient qu’il avait fait près de 160 km pour voir le départ de cette course. Il y a 25 ans déjà. Il avait ensuite réussi à se faire engager comme bagagiste. Et puis, enfin, pour la onzième édition, il avait enfilé un dossard et remporté la 4ème place. Une position qui, pour lui, n’a rien d’un exploit. « Je cours pour le plaisir, le reste est accessoire ». Mohamad se tait. Il regarde au loin. Les dunes de sables se dressent. Majestueuses.

Ce paysage, il le connaît bien. Né il y a 37 ans dans une famille de nomades, à Zagora, aux portes du Sahara marocain, Mohamad a arpenté le désert. « Je marchais tout le temps avec mes amis, pour aller à l’école, pour me rendre dans les villages voisins, pour rentrer à la maison. C’était naturel, raconte-t-il, on disait que j’étais fort. Mais comme il n’y avait pas d’entraîneurs, cela ne servait à rien ». Alors il passe son baccalauréat et devient guide pour continuer « à s’entrainer même si ce n’est pas la même chose ». Aujourd’hui, quand il court, Mohamad repense à son parcours, aux difficultés qu’il a rencontrées : à la mort précoce de son père, aux sacrifices de sa mère pour élever ses enfants et à son frère qui n’a pas participé à la course. « Ils m’aident à avancer », explique-t-il. Sa voix est douce, sereine, posée.

Mohamad est détendu. Les 250 km de désert en autosuffisance alimentaire ne l’impressionnent pas. A chaque marathon des sables, c’est le même rituel. Il prépare ses aliments : des dattes, du lait, du gingembre, des épices, et de la viande séchée que sa mère a préparé pour l’Aïd. Surtout pas de nourriture lyophilisée. Pour cette épreuve, Mohamad a couru deux semi-marathons et deux marathons des montagnes dont le tour du Mont Blanc. Résultat, cette année, il a fini la course en 19 heures 55 minutes et 8 secondes, à une vitesse moyenne de plus de 12 km/heure. Mohamad ne court pas, il vole. Ses foulées sont amples aériennes. Ses pieds effleurent le sable. Ils le caressent.

A la fin du marathon des sables, les jeunes Marocains applaudissent leur héros qui franchit la ligne d’arrivée. Leur regard s’illumine. Des rêves de course passent comme des mirages dans leurs têtes. Mohamad a déjà commencé à leur transmettre sa passion. Il entraine deux jeunes coureurs : une fille de 19 ans et garçon de 17 ans. La relève est assurée.

Crédit photo: CIMBALY/PER©MDS2010

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