Mode : ramener l’Afrique noire sur l’ancienne terre d’Ifriquiya


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Imane Ayissi et ses mannequins
Imane Ayissi et ses mannequins

La première édition du Festival design et mode de Carthage, en Tunisie, s’est déroulé du 15 au 20 juin derniers. Sa programmatrice Fériel Berraies Guigny, directrice de la rédaction du féminin panafricain New African Woman et programmatrice de la première édition, a tenu à inviter des stylistes d’Afrique noire, initiative rare qui a fait le plaisir du public tunisien.

« On ne connaît rien de l’Afrique noire dans mon pays, on s’arrête sur des clichés « afrochics » presque folkloriques ou pire sur une vision misérabiliste de cette partie de l’Afrique. Quand on pense que du temps de l’empire proconsulaire romain, la Tunisie était « Ifriquya » ou Africa, il est d’autant plus surprenant et honteux de constater comment cette dimension a été occultée au profit de la dimension arabo-musulmane », s’insurge la Tunisienne Fériel Berraies Guigny, directrice de la rédaction du féminin panafricain New African Woman et programmatrice de la première édition du Festival design et mode de Carthage qui s’est tenue du 15 au 20 juin 2010, un hommage à toutes les modes, du Moyen-Orient à l’Europe en passant par le Maghreb. La leçon à Carthage fut donc magistrale, car la journée « Afrique (noire) », le 17 juin, avait programmé le nec plus ultra en matière de mode.

Imane Ayissi et ses mannequins
Le Camerounais Imane Ayissi, avec ses collections Fashion Ghosts et Voodoo Mood, côtoyait la Togolaise et Burkinabé d’adoption Clara Lawson Ames qui a présenté une rétrospective de Siren of Sahel, la collection qui a fait fureur cet hiver à Washington DC, de même que la plus Nigérienne des Françaises, Katherine Pradeau. La styliste a offert aux Catharginois une collection inspirée des artisans touaregs, soit un savant métissage de deux cultures. Trois visages de l’Afrique, trois créations plurielles qui montrent l’inépuisable richesse d’un continent qui ne cesse de séduire et de donner des leçons de métissage, de dialogue et d’échange avec le monde. Le panafricanisme se réveille en soubresaut comme l’a montré le Festival Panafricain d’Alger l’été dernier. Il aura fallu attendre près de cinquante ans. Et ne rêve-t-on toujours pas encore du Festival mondial des Arts nègres de Dakar ? Un modèle Clara Lawson Ames

Programmer l’Afrique sous toutes ses coutures et reconstruire l’image de la création africaine plurielle en Afrique du Nord

Fériel Berraies Guigny
Fériel Berraies Guigny avait, quelque temps avant d’intégrer le groupe de presse britannique IC Publications, collaboré en tant que critique littéraire pour le compte de Cultures France (La Revue Cultures Sud, Maghreb Afrique noire: quelles cultures en partage, N.169 avril-juin 2008). La journaliste dénonçait déjà, suite à son enquête sur les initiatives culturelles panafricaines (Initiatives culturelles panafricaines: Etat des lieux, p 149-156), « le gap culturel entre les deux régions».

« Un constat consternant, selon elle, qui faisait que des peuples d’un même continent s’étaient tournés le dos. Legs historique douloureux, déni de l’esclavage en terre d’islam et racisme, firent que la culture panafricaine n’avait plus lieu d’être ». « Même la Fashion Week de Tunis, dont la seconde édition s’est tenue en avril dernier, poursuit Fériel Berraies Guigny, n’a jamais invité ou programmé de designers originaires d’Afrique subsaharienne ». Les raisons ? « « Cela ne risque pas d’intéresser le public nord-africain », avance-t-on. On a plus envie de regarder du côté du Moyen-Orient plus « bling bling » et plus vendeur ! Et on lorgne toujours du côté des marques occidentales réputées. »

Avec le festival de mode de Carthage, «dont la journée consacrée aux stylistes d’Afrique noire fut un succès », Feriel Berraies Guigny a voulu combler un vide en démontrant que l’Afrique est une d’inspiration pour les plus grands de la couture occidentale et qu’elle est encore plus avant-gardiste aujourd’hui qu’on ne le pense. « J’avais envie d’amener de véritables ambassadeurs de leurs pays, précise la journaliste mais j’avais à cœur de ne pas amener une collection de wax, de boubous ou de pagnes tissés. C’est une vision passéiste de la couture africaine qui n’a plus lieu d’être ». La mode africaine, insiste-t-elle, « c’est l’ouverture avec l’autre, la richesse, l’amour et la tolérance, notre Mama Africa ».

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