Mode : Dakar prépare son cinquième Sira Vision


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Le milieu de la mode en Afrique est en effervescence: la 5° édition du salon Sira Vision, organisé par la grande styliste sénégalaise Collé Sow Ardo, se tiendra à Dakar du 26 au 30 mars 2009. Il accueillera 82 créateurs venus de tout le continent.

Notre envoyée spéciale à Dakar

La capitale sénégalaise, célèbre dans toute la région pour la qualité de ses couturiers, brodeurs, et tisserands, et l’extrême inventivité de ses créateurs, est devenue au fil des ans l’une des capitales les plus bouillonnantes de la mode africaine… et mondiale ! Car la clientèle de ces créations souvent très audacieuses ou colorées ne se limite désormais plus aux seules célébrités africaines, mais inclut aussi l’Europe, les Etats-Unis, ou l’Asie. Entretien avec Collé Sow Ardo, organisatrice d’un événement remarquable car il ne se limite pas à présenter les plus grands créateurs du continent, mais offre aussi un podium aux jeunes talents émergents. Un acte de générosité à saluer, dans ce milieu concurrentiel qu’est la mode internationale…

Afrik.com : Pourquoi avoir créé un autre festival de la mode africaine, alors qu’il y a déjà le FIMA, à Niamey?

Collè Sow Ardo :
J’ai voulu que Dakar soit la plaque tournante de la mode en Afrique. Nous avons une position géographique privilégiée, nous sommes proches des Etats-Unis, de l’Europe… Le but est aussi de redynamiser l’industrie textile africaine. Et puis le FIMA n’a lieu que tous les deux ans, et je pense qu’il y a matière de faire un événement annuel. En Europe, on présente les collections tous les 6 mois.

Afrik.com : SIRA Vision a eu lieu pour la première fois en 2003: quelle en a été l’origine?

Collè Sow Ardo :
Au départ, l’idée était de fêter les 20 ans de la marque Collé Sow Ardo, et j’ai voulu inviter tous les créateurs africains à fêter ça avec moi. Quand j’ai commencé, je me suis donné 10 ans pour atteindre mes objectifs. Et là, ça commence déjà à donner. Certains pays attendent avec impatience SIRA Vision.

Afrik.com : Quels sont vos objectifs?

Collè Sow Ardo :
On veut que cet événement devienne international. On souhaite qu’au lieu d’aller en France, les clients internationaux puissent venir à Dakar pour acheter.

Afrik.com : Quel est le programme de cette année?

Collè Sow Ardo :
Nous recevons 82 créateurs, et les deux points forts sont le Concours Jeunes Créateurs, qui se déroulera le 26 mars, et le Défilé de broderies.

Afrik.com : Vous ne craignez pas la concurrence, en ouvrant les portes à autant de créateurs?

Collè Sow Ardo :
Pas du tout! Chacun a sa chance. Je suis croyante, et je sais que chacun a sa chance. Si j’ai eu la chance de réussir, d’autres peuvent l’avoir aussi.

Afrik.com : Collé, vous êtes désormais à la tête d’une entreprise florissante, maison de haute-couture qui habille les têtes couronnées et les élites, en Afrique et ailleurs: comment tout cela a-t-il commencé?

Collè Sow Ardo :
Je travaillais en France chez Bridal, une grande maison de couture, qui faisait notamment les costumes de Bokassa. En 1983, j’ai présenté à Dakar ma première collection: il y avait 10 modèles en soie, et un en pagne tissé. Il a eu beaucoup de succès. Puis j’ai exposé au Salon du prêt-à-porter en France, et j’ai eu des commandes. Au fil du temps, j’ai élargi les métiers à tisser: on est passé progressivement de 22 cm – la largeur du métier traditionnel à tisser le pagne – à 70 cm, puis 120, puis 180 cm. Et je travaille toujours le coton, mais je le mélange aussi à la soie parfois.

Afrik.com : Quel était l’usage du pagne tissé, traditionnellement, au Sénégal?

Collè Sow Ardo :
Il servait à confectionner des tenues d’apparat, pour les rois, les chefs de tribu, mais aussi pour les fêtes. Il servait aussi à fabriquer les linceuls lors des funérailles (pièce de tissu rituelle, qui joue un rôle symbolique très important en Afrique, ndlr).

Afrik.com : L’artisanat textile est menacé aujourd’hui, partout dans le monde, par les tissus industriels…

Collè Sow Ardo :
Oui, et c’est justement pour faire travailler des artisans sénégalais que j’ai opté pour ce choix du pagne tissé. Pour qu’ils puissent en vivre. Pour l’instant, j’ai des artisans qui travaillent pour moi. Mais leurs enfants vont à l’école, et demain, peut-être qu’ils seront docteurs et avocats… C’est pour ça que le Sénégal se bat pour garder l’artisanat. C’est une part importante de notre richesse économique, et de nos recettes. Autrefois, dans chaque famille, il y avait un artiste, un créateur, un artisan – c’était la même chose.

Afrik.com : Ca bouge beaucoup dans la mode en ce moment, au Sénégal et en Afrique en général…

Collè Sow Ardo :
Oui ! Pour la première édition de SIRA Vision, pour le Concours Jeunes Créateurs, les jeunes stylistes ont montré des choses très innovantes ! Pour les 3° et 4° éditions, c’était fou! D’avoir baigné dans un bain de création, ils s’étaient encore améliorés. Les créateurs comme nous, qui sommes déjà connus, servons de locomotives à ces jeunes créateurs. Et eux ce qu’ils ont – la chance de défiler, d’avoir la presse,… – on ne l’a pas eu. Ce métier est tellement dur, qu’il faut tendre la main à d’autres. Nous ne décernons pas de prix: c’est Dieu qui paye…

Créateurs invités au SIRA Vision 2009:
Alphadi (Niger), Bamondi (Togo), Beitch Faro (Gabon), Cheikha (Sénégal), Claire Kane (Sénégal), Clara Lawson (Burkina Faso), Collé Sow Ardo (Sénégal ), Dou Couture (Mali), Emma Style (Sénégal Fatou), Mor (Sénégal), Gilles Touré (Côte d’Ivoire), Hanggy Haif (Cameroun), Imane Ayissi (Cameroun), Kira Lingerie (Sénégal), Korotimi Derchef (Burkina Faso), Kwesi Nti (Ghana), Laay Diarra (Sénégal), Louise Turpin (Sénégal), Maimour (Mali), Mame Fagueye (Sénégal), Mickaël Kra (France), Nabou Création (Sénégal), Nawal Al Assad (Côte d’Ivoire), Ndiaga Daw (Sénéga), l Pathé (Côte d’Ivoire), Pepita D(Bénin), Rajesh Sajnani (Inde), Remy Lago (Nigeria), Stylena (Sénégal), Talibe Bah (Guinée), Thiane Diagne (Sénégal), Tima Création (Sénégal), et de nombreux jeunes talents

 Le site de Sira Vision

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