Une dizaine de personnalités connues du monde du sport, de la musique, du cinéma ou de la société civile ont pris fait et cause pour les « 1 000 de Cachan ». Une position médiatisée et apolitique qui réjouit malgré tout la gauche politique française mais irrite la droite.
Par Joan Tilouine
Alors que la conjoncture des ex-squatteurs de la cité universitaire de Cachan demeure au point mort, une poignée de personnalités se mobilise pour tenter de faire fléchir le gouvernement et trouver une solution durable. Cela fait désormais trois semaines que deux cents des quelque 800 expulsés de Cachan -essentiellement d’origine africaine- campent dans le gymnase Belle Image de la ville socialiste, sans voir aucune solution sérieuse proposée. Face à cette stagnation politique, une décade de people français se mobilise. Sportifs, comédiens, humoristes, chanteurs ont décidé de mettre leurs célébrités au service des anciens du bâtiment F et apportent leur soutien aux familles. Chacun à sa manière.
Les vedettes marquent leur solidarité, l’abbé Pierre en tête de défilé
Le soutien qui génère le plus d’espoir du côté des expulsés provient de l’abbé Pierre qui déplore, dans une lettre adressée au Président de la République, le sort réservé à ces familles. « La situation est désastreuse, déshonorante pour la France ». Le fondateur d’Emmaüs réclame à cor et à cri une solution pérenne en matière de relogement et exhorte le gouvernement à réagir. Face à l’inertie de celui-ci, l’abbé Pierre avance sur le tapis une éventuelle solution : la réquisition et la mise à disposition des anciens bureaux du Commissariat à l’énergie atomique, à Limeil-Brévannes dans le Val-de-Marne. Toutefois, cette proposition, déjà suggérée par l’Association Droit Au Logement, a été rejetée par le préfet du Val-de-Marne, M. Tomasini. L’espoir demeure malgré tout pour les ex-squatteurs du cachan. Mercredi, les familles de Cachan ont reçu au gymnase la frange engagée du gratin people français bien décidée à avaliser la lutte des « 1 000 de Cachan ». Les vedettes se mobilisent. Le rappeur Joey Starr, le chanteur Bénabar -venu la semaine dernière-, les comédiens Charles Berling et Josiane Balasko, l’humoriste Laurent Baffie, l’athlète Stéphane Diagana ont rendu visite aux ex-squatteurs en transit au gymnase. A l’unisson, ils ont appelé « à un grand débat sur l’immigration en France ».
Thuram-Vieira : la droite lève le carton rouge
Les footballeurs français Lilian Thuram et Patrick Vieira ont également marqué leur solidarité avec les occupants du gymnase, en invitant soixante dix d’entre eux à assister à la revanche des Bleus sur l’Italie au Stade de France en éliminatoires de l’Euro 2008. Cette initiative, largement soutenue par l’aile politique gauche, est regardée d’un mauvais œil à droite où les critiques fusent. Si le geste est salué par secrétaire national du parti socialiste Malik Boutih, et jugé « d’une grande beauté » par Marie George Buffet du parti communiste français (PCF), il a provoqué l’ire de nombreux députés. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Lamour, déplore un risque « d’instrumentalisation du match, déclarant que l’équipe de France ne doit pas se laisser entraîner dans ces dérives».
Pour le député UMP Yves Jégo, proche de Nicolas Sarkozy, « on peut être un grand sportif et se révéler un piètre individu sur le terrain politique ». Le Président du Mouvement pour la France (MPF) Philippe de Villiers s’est déclaré « choqué » sur RTL, « Il est toujours curieux de voir des milliardaires donner des leçons à la société ». La polémique est lancée. Le défenseur de l’équipe de France n’en est pas à sa première. Membre du Haut Conseil à l’intégration, Lilian Thuram avait déjà agité le débat politique à l’automne 2005, lors des émeutes de banlieue, en reprochant ouvertement l’usage du terme « racaille » -pour qualifier les jeunes des banlieues- par le ministre de l’Intérieur Nicolas sarkozy. Cette fois, il prête sa notoriété à la cause des familles expulsées de Cachan. Ne regrettant en aucun cas son invitation, M.Thuram s’est étonné des réactions qui s’en sont suivies : « c’est quelque chose que j’ai l’habitude de faire, mais cette fois, ça s’est su », a-t-il déclaré.
Une semaine après la rentrée scolaire, à quelques mois des élections présidentielles, mais aussi dix ans après l’église Saint Bernard, moins d’un an après les émeutes de banlieue, les questions de l’immigration restent d’actualité. Lorsque les politiques les délaissent, les citoyens s’en mêlent, et s’ils sont connus, tant mieux, cela évite que le sujet tombe trop rapidement dans les oubliettes aménagées par le pouvoir en place.