La diva sud-africaine, Miriam Makeba, a succombé à une crise cardiaque dans la nuit de dimanche à lundi en Italie. La chanteuse mondialement connue comme « Mama Africa » s’est éteinte près de Naples alors qu’elle participait à un concert de soutien à Roberto Saviano, auteur de Gomorra menacé par la Mafia napolitaine. Retour sur la carrière, les engagements et le destin de cette légende de la chanson africaine.
« Hamba kahle » ou « Rest in Peace », les messages de fans qui arrivent par milliers sur les blogs et les sites de partage de vidéos n’en finissent plus. La chanteuse sud-africaine Miriam Makeba s’est éteinte en Italie, dans la nuit de dimanche à lundi, à l’âge de 76 ans. Elle participait près de Naples à un concert de soutien à l’auteur Roberto Saviano, menacé par la Mafia napolitaine depuis son livre Gomorra. Dernière à monter sur scène vers 21h30, la chanteuse, mondialement connue comme « Mama Africa », s’est effondrée juste après sa prestation. Transportée d’urgence à la clinique Pineta Grande de Castel Volturno, Miriam Makeba est décédée quelques heures plus tard d’une crise cardiaque. Elle laisse derrière elle des milliers de fans endeuillés et orphelins qui ont découvert ses chansons lors de sa longue carrière.
De Zenzi à Miriam
Née à Johannesburg le 4 mars 1932 d’une mère Swazi et d’un père Xhosa, son vrai prénom est « Zenzi ». Diminutif de « Uzenzile » qui signifie « tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même », suite à la grossesse assumée par sa mère alors qu’elle s’annonçait mal, « Zenzi » a eu un parcours atypique et difficile. Son père meurt alors qu’elle n’a que cinq ans, sa mère joint difficilement les deux bouts en multipliant les petits boulots mal payés. Elle a 15 ans en 1947 quand le régime nationaliste afrikaner arrive au pouvoir en Afrique du sud. A 20 ans elle se retrouve dans un pays raciste et violent avec sa petite fille, sa mère et peu de ressources. Zenzi chante pour son plaisir dans des messes, des chorales ou des mariages. Alors qu’elle se produit un peu par hasard avec un de ses cousins dans le petit orchestre des Cuban brothers, elle est repérée par Nathan Mdledle, le leader des Manhattan Brothers, groupe très en vogue à l’époque. Ce sera le premier tournant pour la jeune chanteuse.
Fini « Zenzi », la chanteuse s’appellera désormais Miriam sur les conseils de Nathan Mdledle. Elle restera de 1954 à 1957 avec le groupe Manhattan Brothers. Elle écrit en 1956 la chanson Pata Pata qui déchaîne les foules et est reprise dans de nombreuses langues. Forte du succès qu’elle rencontre en Afrique du Sud, elle sera à nouveau sollicitée mais pour le cinéma cette fois-ci. Lionel Rogosin, un réalisateur américain, lui propose de jouer son propre rôle dans le documentaire Come back Africa, qui dénonce le régime de l’apartheid et la ségrégation raciale. Elle n’y figurera que quelques minutes mais ce sera suffisant pour lancer sa carrière aux Etats-Unis. Elle devient en quelques mois la coqueluche des Américains et côtoie les plus grands : Miles Davis, Marlon Brando, Bette Davis… Elle chantera même avec Marylin Monroe pour l’anniversaire du président Kennedy.
Déchue de sa nationalité sud-africaine, elle passe 31 ans en exil
Tournées, concerts, voyages, partout où elle va, Miriam Makeba profite de sa formidable tribune pour s’engager officiellement et de façon virulente contre l’Apartheid. Elle dénonce dès qu’elle le peut la ségrégation qui a cours dans son pays. Elle tente de retourner en Afrique du Sud en 1960 pour assister aux obsèques de sa mère mais le gouvernement sud-africain en a décidé autrement. Miriam Makeba est interdite de séjour et déchue de sa nationalité sud-africaine pour ses prises de position.
C’est le début de plus de trente ans d’exil. En 1963, elle s’exprime devant le comité spécial des Nations-Unies contre l’apartheid : « Les Nations-Unies doivent user de leur influence pour ouvrir les portes des prisons et des camps de concentration d’Afrique du Sud ou des milliers de Noirs sont actuellement prisonniers (…) Mon pays a été transformé en vaste prison par le gouvernement Verwoerd ». Les années 60 représentent l’apogée de sa carrière. Un Grammy Award lui sera décerné en 1966 pour son album An Evening With Belafonte/Makeba dans lequel elle relate les souffrances traversée par les noirs sous l’apartheid.
La roue s’apprête pourtant à tourner à nouveau pour la chanteuse. En 1968, elle épouse Stokely Carmichael, militant pour les droits civiques et membres très actif du mouvement des Black Panthers. Après le bannissement de son pays, Miriam Makeba devra affronter les critiques dans son pays d’adoption. Les Black Panthers ont mauvaise réputation et bien que Miriam Makeba ne se soit jamais exprimée sur les conditions de vie des afro-américains, son mari et elle devront s’exiler en Guinée. Sa lutte ne s’arrêtera pas pour autant, elle continue de chanter la paix, l’amour et la tolérance sans haine ni cynisme envers ses détracteurs à l’image Soweto Blues, chanson qui relate le massacre qui a suivi l’émeute de Soweto en 1976.
Les années 80 seront moins gaies pour la diva africaine. En 1985, sa fille Bongi décède à l’âge de 36 ans. Malgré une longue carrière à succès, Miriam Makeba n’a pas assez d’argent pour l’enterrement et doit s’en charger seule, à l’abri des regards des journalistes.
Cinq ans plus tard, les choses ont bien changé dans son pays. Nelson Mandela, autre symbole fort de la lutte anti-apartheid, sort de prison. Le leader de l’indépendance sud-africaine invite alors Miriam Makeba à revenir dans ce qui sera désormais la nation arc-en-ciel, terre qu’elle n’a pas foulée depuis 31 ans.
« Je ne me suis jamais considérée comme une activiste »
« Mama Africa » s’est toujours défendu d’être une femme politique revendiquant son statut de chanteuse libre avant tout. « Je ne me suis jamais considérée comme une activiste. Je ne faisais que dire la vérité », avait-elle déclaré en 2000 à un quotidien américain. Avant sa tournée d’adieu en 2005, elle avait déclaré : « Je dois faire le tour du monde pour dire merci et adieu. Puis je veux que mes cendres soient dispersées dans l’océan Indien. Ainsi je pourrai naviguer à nouveau vers tous ces pays ».
Elle s’est éteinte sur scène en faisant ce qu’elle avait toujours fait : chanter et dénoncer l’intolérance.
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